Traitement de l’hypertension chez les personnes âgées


Abstract

Dans le Répertoire Commenté des Médicaments (édition 2008), il est mentionné que l' utilité d' un traitement antihypertenseur chez des patients de plus de 60 ans a été prouvée dans plusieurs études; il y est également mentionné que les preuves sont plus faibles pour les patients de plus de 80 ans, mais que d’une manière générale, il est recommandé de poursuivre le traitement antihypertenseur si celui-ci est bien supporté. Deux nouvelles publications sur le traitement de l' hypertension chez les personnes âgées ont paru récemment.

  • La première publication est l' étude HYVET , une étude randomisée, en double aveugle et contrôlée par placebo, sur le traitement antihypertenseur chez environ 4.000 patients hypertendus, âgés de 80 ans ou plus, avec une tension artérielle systolique de 160 mmHg ou plus [ N Engl J Med 2008; 358: 1887-98 , avec un éditorial 2008; 358: 1958-60]. Cette étude a été interrompue prématurément, après un suivi moyen de 2 ans. Chez la moitié seulement des patients inclus dans le bras de l’étude sous traitement actif (le diurétique indapamide sous une forme à libération prolongée, avec ajout de l' IECA périndopril en cas de contrôle insuffisant de la tension artérielle), les valeurs de 150/80 mmHg ont été atteintes après 2 ans. L' effet sur le critère d' évaluation primaire (accident vasculaire cérébral fatal on non fatal) était juste en-dessous de la limite statistiquement significative (diminution de 30 %, intervalle de confiance à 95 %-1 à 51 %). Le traitement antihypertenseur avait toutefois un effet favorable statistiquement significatif sur un certain nombre de critères d' évaluation secondaires, p. ex. diminution de la mortalité totale de 21 % (intervalle de confiance à 95% 4 à 35%), diminution de l' incidence de l' insuffisance cardiaque de 64% (intervalle de confiance à 95% 42 à 78%), diminution de l' incidence d' accident vasculaire cérébral fatal de 39 % (intervalle de confiance à 95% 1 à 62%). A ce sujet, il faut cependant signaler que des différences statistiques sur des critères d' évaluation secondaires ne permettent pas de tirer des conclusions définitives; le hasard a en effet un rôle plus important et les résultats sont moins fiables.
  • La deuxième publication est une méta-analyse de la Blood Pressure Lowering Treatment Trialist’ Collaboration évaluant l' effet du traitement antihypertenseur sur la morbidité et la mortalité chez des patients plus jeunes (< 65 ans) par rapport à des patients plus âgés (> 65 ans) [ Brit Med J 2008; 336: 1121-3 , avec un éditorial 2008; 336: 1080-1]. Il ressort de cette méta-analyse que l' effet d' un traitement antihypertenseur sur la morbidité et la mortalité est comparable chez les personnes hypertendues plus jeunes (< 65 ans) et chez les personnes hypertendues plus âgées (> 65 ans). La méta-analyse ne permet pas de déterminer si certaines classes d' antihypertenseurs sont à préférer en termes de prévention des complications cardio-vasculaires, que ce soit chez les hypertendus plus jeunes ou chez les hypertendus plus âgés. Ce résultat n' est pas étonnant vu que la diminution de la tension artérielle constitue elle-même le facteur déterminant le plus important dans la prévention des complications cardio-vasculaires; le choix de la classe des médicaments avec lesquels la diminution de la tension artérielle est obtenue est moins important [voir aussi Folia d' avril 2004 et août 2007 ].

Discussion

L' étude HYVET et la méta-analyse apportent des arguments supplémentaires concernant l’utilité de l' instauration d' un traitement antihypertenseur à un âge avancé, et même à un âge très avancé (> 80 ans, avec des valeurs à atteindre de 150/80 mmHg). Chez de nombreux patients, le traitement peut être débuté avec un thiazide ou un diurétique apparenté; en fonction des pathologies associées, on peut toutefois opter immédiatement pour un antihypertenseur d' une autre classe [voir Folia d' avril 2004 et août 2007 ]. Le choix de l' antihypertenseur reste controversé et fait toujours l’objet de discussions, voir p. ex. des articles récents dans Circulation avec des arguments pour [ 2008; 117: 2691-705] et contre [ 2008; 117: 2706-15] l’emploi de diurétiques et de β-bloquants comme premier choix.

Etant donné le risque cardio-vasculaire plus élevé dans la population plus âgée, on peut s' attendre à ce que le bénéfice absolu d' un traitement antihypertenseur soit plus important dans cette tranche de population que dans une population plus jeune. Il faut toutefois attirer l' attention sur le fait que les études cliniques se font dans des conditions bien contrôlées (p.ex. en évitant les interactions, avec un suivi régulier), et que les personnes âgées incluses dans des études cliniques sont généralement en meilleure santé et plus motivées que la moyenne à cet âge; dans l' étude HYVET, environ 3% des patients avaient p.ex. des antécédents d' infarctus du myocarde, environ 7% avaient des antécédents d’accident vasculaire cérébral, environ 7% étaient atteints de diabète, et les patients qui présentaient une insuffisance cardiaque nécessitant un traitement antihypertenseur étaient exclus. Dans les circonstances de vie réelle (real-life), l’intérêt d’un traitement antihypertenseur chez la moyenne des personnes âgées peut dès lors être fort différent (plus élevé ou moins élevé). Il reste dès lors important, dans cette population vulnérable de personnes très âgées, de bien peser les avantages et les effets indésirables des antihypertenseurs (avec lesquels c’est surtout la diminution brutale de la tension artérielle, avec entre autres une hypotension orthostatique et un risque d' hypoperfusion d' organes vitaux, qui peut poser problème), et de tenir compte du risque cardio-vasculaire global du patient ainsi que de facteurs comme l’espérance de vie estimée, l’observance du traitement, une éventuelle polymédication déjà existante et le souhait du patient.