Traitement initial de l’hypertension: état de la question
Plusieurs études concernant le traitement de l’hypertension ont été publiées ces deux dernières années. Certaines d’entres elles ont déjà été discutées dans les Folia: l’étude LIFE ( Folia d’ août 2002 ), l’étude ALLHAT et l’étude ANBP2 ( Folia d’ avril 2003 ). Sur base de ces études, ainsi que de quelques publications récentes (notamment les directives de la "Wetenschappelijke Vereniging voor Vlaamse Huisartsen" (W.V.V.H.), et les directives américaines, britanniques et européennes récemment révisées), un résumé de l’état actuel de la question concernant le traitement initial de l’hypertension est proposé ici. Faut-il traiter ou non ?Une hausse de la tension artérielle, associée entre autres à une hyperlipidémie, un diabète, une obésité, une sédentarité et au tabagisme, constitue un facteur de risque important d’affections cardio-vasculaires tels infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral et insuffisance rénale. La nécessité de traiter un patient présentant une hausse de la tension artérielle ne dépend pas seulement de ses valeurs tensionnelles, mais aussi de son risque cardio-vasculaire global, exprimé par exemple comme le risque pour le patient de développer une maladie cardio-vasculaire dans les dix ans. Le traitement ne sera dès lors souvent pas orienté uniquement sur l’élévation de la tension artérielle, mais aussi sur les autres facteurs de risque. L’objectif du traitement est de réduire au maximum la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires et rénales. L’"hypertension" est définie dans les directives européennes, américaines, britanniques et celles de la "Wetenschappelijke Vereniging voor Vlaamse Huisartsen" (W.V.V.H.) comme une tension systolique supérieure à 140 mmHg et une tension diastolique supérieure à 90 mmHg. Encore faut-il ici remarquer qu’il est arbitraire de fixer une valeur tensionnelle à partir de laquelle il existe un risque accru de maladies cardio-vasculaires. L’augmentation du risque est en effet continue, c.-à-d. plus la tension artérielle est élevée, plus le risque est grand. Ceci justifie, d’après les directives européennes et britanniques, l’introduction du terme "haut-normal" (130-139 mmHg pour la systolique /85-89 mmHg pour la diastolique), et d’après les directives américaines l’introduction du terme "pré-hypertension" (120-139 mmHg pour la systolique/ 80-89 mmHg pour la diastolique). Les directives de la W.V.V.H. ne font pas référence à ces termes, et il y est affirmé que les valeurs tensionnelles à partir desquelles le diagnostic d’hypertension peut être posé ne peuvent pas être trop basses "afin de ne pas inquiéter inutilement une grande partie de la population". Dans les directives, il est mentionné qu’il convient en principe d’atteindre des valeurs tensionnelles inférieures à 140 mmHg pour la systolique, et à 90 ou 85 mmHg pour la diastolique; dans certains groupes de patients (diabétiques, patients atteints d’une affection rénale chronique), les valeurs tensionnelles à atteindre sont plus faibles (< 130 mmHg pour la systolique, et 85 ou 80 mmHg pour la diastolique). Lorsqu’il est établi que les valeurs tensionnelles obtenues nécessitent une prise en charge, une adaptation du style de vie (notamment contrôle du poids, arrêt du tabagisme, restriction sodée, diminution de la consommation d’alcool, alimentation riche en fruits et légumes et pauvre en graisses saturées, activité physique suffisante) est une première étape essentielle. La décision d’instaurer en plus un traitement médicamenteux et le moment pour le faire dépendent du profil de risque du patient. Un traitement médicamenteux sera débuté concomitamment aux mesures hygiéno-diététiques dans les groupes de patients suivants.
Chez les autres patients, une expectation vigilante (pendant plusieurs mois en cas de mesure conventionnelle de la tension artérielle, plus courte en cas de mesure ambulatoire) est indiquée, au cours de laquelle la tension artérielle est mesurée régulièrement. Lorsque l’adaptation du style de vie paraît insuffisante pour atteindre les valeurs déterminées, un traitement médicamenteux sera instauré. D’après les directives européennes et américaines, l’instauration d’un traitement médicamenteux peut également être envisagée chez les patients qui ne répondent pas à la définition classique de l’hypertension (≥140/90 mmHg) mais aux termes "haut-normal" dans les directives europénnes et "pré-hypertension" dans les directives américaines, et qui présentent une pathologie associée, un diabète ou une atteinte organique. La W.V.V.H. ne se prononce pas quant à l’instauration éventuelle d’un traitement antihypertenseur dans ce groupe de patients. Dans les recommandations britanniques, une expectation vigilante est recommandée chez ces patients, avec réévaluation annuelle du risque cardio-vasculaire. Choix de l ’antihypertenseurPour plusieurs classes d’antihypertenseurs (thiazides ou apparentés, β-bloquants, IECA, antagonistes du calcium), des études rigoureuses ont apporté la preuve d’une diminution de la morbidité et de la mortalité cardio-vasculaires et rénales dues à l’hypertension [concernant les antihypertenseurs et la néphropathie, voir Folia de février 2003 ]. Pour les sartans, cette preuve n’existe que pour les patients présentant une hypertrophie ventriculaire gauche à l’ECG [voir Folia d’ août 2002 ] et les patients atteints d’une néphropathie diabétique [voir Folia de février 2003 ]. Pour les α-bloquants et les antihypertenseurs centraux (par ex. la méthyldopa, la clonidine), aucun effet favorable sur la morbidité et la mortalité n’a été démontré. La question de savoir si, pour une même baisse de la tension artérielle, il existe des différences entre les différentes classes d’antihypertenseurs quant à leur effet sur la morbidité et la mortalité fait l’objet de discussions. Trois méta-analyses d’études randomisées et contrôlées de longue durée ont été publiées récemment à ce sujet. Ces méta-analyses ont inclu aussi bien des études contrôlées par placebo que des études comparatives entre différents antihypertenseurs. Deux de ces trois méta-analyses (celle de Staessen et al. et celle de la Blood Pressure Lowering Treatment Trialists’ Collaboration) renforcent l’hypothèse que les résultats divergents (par ex. mortalité cardio-vasculaire) observés entre les groupes randomisés dans ces études s’expliquent par les différences de tension artérielle atteinte, même si ces différences de tension artérielle sont parfois faibles. Il ressort de la troisième méta-analyse (celle de Psaty et al.), dont la méthodologie est spécifique, que les diurétiques thiazidiques sont au moins aussi efficaces selon tous les critères d’évaluation cardio-vasculaires définis (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral) et sont même meilleurs selon certains critères d’évaluation que les autres classes de médicaments.
Monothérapie ou association thérapeutique?D’après les directives américaines et celles de la W.V.V.H., l’hypertension sera d’abord traitée chez la plupart des patients par un seul antihypertenseur; dans certains groupes à risque élevé (par ex. hypertension sévère), une association de deux antihypertenseurs (dont l’un est en général un thiazide) est recommandée comme traitement initial. D’après les directives européennes, le médecin peut, chez la plupart des patients, déjà opter dès le début du traitement pour un seul antihypertenseur, ou pour une association d’antihypertenseurs. Chez beaucoup de patients chez qui le traitement débute par une monothérapie, une association de deux ou plusieurs antihypertenseurs sera finalement nécessaire pour obtenir un contrôle suffisant de la tension artérielle. D’après
Note de la rédactionLe 6 mai 2004, le "Comité d' évaluation des pratiques médicales en matière de médicaments" organise une conférence de consensus sur le traitement de différentes formes d' hypertension compliquée. Plus d' information via e-mail herman.beyers@riziv.fgov.be ou fax 02.739.77.11. |