Eté, voyages et médicaments


Abstract

Comme chaque année, les Folia de mai s’intéressent aux voyages et aux médicaments. Pour de nombreux sujets, il suffit de se référer aux Folia des années précédentes: les photodermatoses [voir Folia de mai 2009 ], les problèmes concernant les antirétroviraux [voir Folia de mai 2008 ], la pharmacie de voyage [voir Folia de mai 2007 ], la diarrhée du voyageur [voir Folia de mai 2007 et mai 2009 ], le risque de thrombose veineuse [voir Folia de mai 2009 ], les infections sexuellement transmissibles [voir Folia de mai 2008 ], la maladie de Lyme [voir Folia de mai 2007 et mai 2008 ], les crèmes solaires [voir Folia de mai 2010 ], les traitements médicamenteux chroniques en cas de vague de chaleur [voir Folia de juillet 2008 ]. Vous trouverez ici quelques compléments d’information concernant le mal des transports, la prévention de la malaria, les vaccinations dans le cadre de voyages, ainsi que sur les précautions à prendre en cas de voyages en période de grossesse ou d’allaitement. Les sources que nous avons consultées sont (sauf stipulé autrement) le site Web de l’Institut de Médecine Tropicale et les informations du Groupe d’Etude Scientifique de la Médecine des Voyages ( www.itg.be , cliquer successivement sur " Médecine des voyages ", puis dans la rubrique " Information pour experts ": " Consensus et Medasso ").


Mal des transports


Abstract

Lorsqu’un traitement médicamenteux s’avère nécessaire dans le mal des transports, les antihistaminiques H 1 sédatifs tels que le dimenhydrinate ou la méclozine constituent le traitement de premier choix. Leur utilité est cependant souvent limitée par leurs effets sédatifs et anticholinergiques. L’efficacité du dompéridone et du métoclopramide est moins bien documentée. L’utilisation de médicaments contre le mal des transports est déconseillée chez les jeunes enfants de moins de 2 ans.

Le mal des transports se caractérise par des nausées, des vomissements, de la pâleur, des vertiges, de la somnolence, de la transpiration et de la salivation. La sensibilité au mal des transports a tendance à diminuer lors de voyages fréquents et réguliers, et diminue aussi avec l’âge. Outre des mesures préventives non médicamenteuses, on utilise parfois des préparations à base de plantes (p.ex. le gingembre). Chez les personnes particulièrement sensibles au mal des transports, un traitement médicamenteux peut également être proposé. En Belgique, la plupart de ces médicaments sont disponibles en vente libre, et il est important de bien informer les patients des risques liés à leur utilisation, notamment en automédication. Il est déconseillé de prendre simultanément plusieurs préparations contre le mal des transports. [Voir aussi Folia de mars 2007 et La Revue Prescrire 2008; 28: 687-8]

  • Les antihistaminiques H 1 sédatifs tels que le dimenhydrinate, la diphenhydramine, la méclozine ou la prométhazine constituent généralement le traitement de premier choix. Le choix de l’antihistaminique se fera entre autres en fonction de la durée d’action (voir tableau p.39) et des effets sédatifs (surtout marqués avec la diphenhydramine). En Belgique, les spécialités à base de diphenhydramine n’ont pas l’indication " mal des transports ", et il n’existe plus de spécialité à base de prométhazine à usage oral. L’utilité des antihistaminiques H1 sédatifs est cependant souvent limitée par leurs effets indésirables anticholinergiques (entre autres sécheresse de la bouche et des yeux, troubles de l’accomodation, rétention urinaire) et leurs effets sédatifs. D’autres effets indésirables rares sont des troubles neuropsychiques (convulsions, excitations paradoxales), des troubles cardio-vasculaires (hypotension, allongement de l’intervalle QT et risque de torsades de pointes), des symptômes extrapyramidaux, une photosensibilisation. La prudence est de rigueur chez les enfants et les personnes âgées qui sont plus sensibles aux effets indésirables des antihistaminiques H 1; ces médicaments sont certainement à éviter chez les enfants de moins de deux ans. Les antihistaminiques H 1 exposent aussi à un certain nombre d’interactions pharmacodynamiques, notamment avec d’autres médicaments sédatifs, anticholinergiques ou photosensibilisants, ou pouvant induire des torsades de pointes, ainsi qu’avec l’alcool. La diphenhydramine est en outre un inhibiteur du CYP2D6.
  • Les antihistaminiques H 1 peu sédatifs ne sont pas efficaces dans le mal des transports.
  • La cinnarizine , un dérivé pipérazine avec des propriétés antihistaminiques H 1 , est souvent utilisée, seule ou en association au dompéridone, dans le mal des transports. Il n’est pas prouvé que la cinnarizine soit plus efficace que les antihistaminiques H 1 sédatifs. Son utilisation expose aux effets indésirables anticholinergiques et sédatifs des antihistaminiques H 1 et, dans de rares cas, aux effets indésirables des antipsychotiques.
  • Le dompéridone et le métoclopramide, des gastroprocinétiques apparentés aux antipsychotiques, sont souvent utilisés dans le mal des transports, mais leur efficacité est cependant moins bien documentée que celle des antihistaminiques H 1 sédatifs. Les principaux effets indésirables du dompéridone et du métoclopramide consistent en des troubles extrapyramidaux et une hyperprolactinémie (éventuellement associée à une galactorrhée). Bien que ces effets indésirables soient rares aux doses préconisées, la prudence est de rigueur notamment chez les jeunes enfants.
  • Le bromhydrate de scopolamine (syn. hyoscine), un anticholinergique, est parfois utilisé dans le mal des transports. Il convient de tenir compte de ses effets indésirables anticholinergiques prononcés, et dès lors des contre-indications telles que glaucome à angle fermé, prostatisme. En Belgique, il n’existe plus de spécialité à base de scopolamine. Un dispositif transdermique à base de scopolamine est commercialisé à l’étranger pour la prise en charge du mal des transports. Il faut attirer l’attention des voyageurs sur le fait qu’un tel système transdermique a une longue durée d’action (environ 72 heures) et qu’il doit être appliqué 12 heures avant le voyage.

Le tableau qui suit reprend la durée d’action et la posologie des principaux médicaments utilisés dans le mal des transports, tels que mentionnés dans les Résumés des Caractéristiques des Produits (RCP). Ces médicaments sont à prendre ½ à 1 heure avant le départ; la prise peut éventuellement être répétée en fonction de la durée du voyage.

Noms de spécialité

Durée d’action

Posologie adulte

Posologie enfant

Cinnarizine

Stugeron®

compr. 25 mg gouttes 75 mg/ml (1 ml = 24 gouttes)

6 heures

1 compr. ou 8 gouttes ½ dose

adulte

Cinnarizine + dompéridone

Touristil®

compr. 20 mg + 15 mg

6 heures

1 à 2 compr.

Entre 2 et 7 ans: ½ compr.

> 7 ans: 1 compr.

Dimenhydrinate

Paranausine®

compr. 80 mg

6 à 8 heures

1 compr.

Entre 2 et 6 ans: ¼ compr.

Entre 6 et 12 ans: ½ compr.

Méclozine

Agyrax®

Postafene®

compr. 25 mg

24 heures

> 12 ans: 1 à 2 compr.

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Prévention de la malaria

  • Voir Folia de mai 2007 (synthèse), Folia de mai 2009 (prévention de la malaria en période de grossesse et chez les enfants) et Folia de mai 2010 (instauration d’un traitement médicamenteux préventif contre la malaria).
  • Les médicaments entrant en ligne de compte pour la prévention de la malaria sont les suivants:
    • zone A (OMS zone II): chloroquine (Nivaquine®);
    • zone C (OMS zones III et IV): atovaquone + proguanil (Malarone®), doxycycline ou méfloquine (Lariam®). Ces trois traitements sont équivalents en termes d’efficacité. Le choix du traitement tiendra compte bien entendu des effets indésirables (en particulier effets neuropsychiatriques avec la méfloquine, photodermatoses et oesophagite avec la doxycycline, troubles gastro-intestinaux avec l’atovaquone + proguanil) et des contre-indications éventuelles. Depuis quelques années, on constate par ailleurs une augmentation de la résistance à la méfloquine aux frontières du Myanmar et du Cambodge avec la Thaïlande, ainsi que dans certaines régions du sud de la Chine (zone frontalière avec le Myanmar) et au Vietnam. Malarone® est plus coûteux, ce qui peut influencer le choix, surtout en cas de voyage de longue durée.

Pour plus d’informations, nous vous renvoyons également au tableau 11b du Répertoire Commenté des Médicaments (édition 2011), au "Yellow book" des Centers for Disease Control ( www.cdc.gov/travel/yellowbook/2010/chapter-2/malaria.aspx ) et à la carte de l’Organisation Mondiale de la Santé ( www.itg.be/itg/Uploads/MedServ/Malaria-world%202010-11%20b.jpg ).


Prévention de la malaria en période de grossesse

Si un séjour dans une région endémique ne peut pas être postposé, la prévention doit être maximale. Des répulsifs peuvent être utilisés pendant de brèves périodes. Chez les femmes enceintes, DEET a été le mieux étudié et la concentration de DEET peut atteindre 20%, maximum 30%. D’autres répulsifs (le citrodiol ou la picaridine par exemple) ont été moins étudiés pendant la grossesse et ne constituent donc pas une alternative valable. Il est conseillé de rincer les résidus du produit sur la peau, lorsque la protection n’est plus nécessaire (le soir par exemple, à l’intérieur). Il convient également d' appliquer des mesures générales telles que le port de vêtements protecteurs (de préférence des vêtements de couleur claire suffisamment épais; éventuellement imprégnés de perméthrine) et l’utilisation d’une moustiquaire imprégnée de perméthrine.

Lorsqu’un traitement médicamenteux préventif s’avère nécessaire chez une femme enceinte, les médicaments suivants entrent en ligne de compte:

  • La chloroquine en cas de voyage dans la zone A (OMS zone II), à utiliser à n’importe quel trimestre de grossesse.
  • La méfloquine en cas de voyage dans la zone C (OMS zone III et IV), à utiliser pendant le deuxième et le troisième trimestre de grossesse. Il existe peu de données concernant l’usage de la méfloquine durant le premier trimestre, mais les données sont rassurantes, et selon les Centers for Disease Control américains, la méfloquine peut néanmoins être utilisée durant le premier trimestre.
  • L’association d’atovaquone + proguanil est déconseillée en période de grossesse en raison du manque de données. La doxycycline est formellement contre-indiquée en période de grossesse, entre autres en raison du ralentissement de la croissance osseuse et de la pénétration dans les dents chez le foetus. La prise accidentelle de l’association d’atovaquone + proguanil ou de doxycycline aux alentours de la conception ou en début de grossesse ne justifie toutefois pas d’envisager une interruption de grossesse.

Prévention de la malaria en période d’allaitement

La chloroquine est compatible avec l’allaitement. La doxycycline est formellement contreindiquée en période d’allaitement. L’association d’atovaquone + proguanil et la méfloquine sont théoriquement déconseillées en période d’allaitement du très jeune bébé, mais elles peuvent être utilisées dès que le poids du bébé atteint les 5 kg.


Voyages et vaccinations

  • Voir Folia de mai 2007 (synthèse), Folia de mai 2008 (vaccination contre la rage, et vaccination chez les personnes infectées par le VIH), Folia d' avril 2009 et de mai 2009 (vaccination contre l’hépatite A) et Folia de mai 2010 (vaccinations chez les patients immunodéprimés).
  • Pour la vaccination contre les méningocoques des sérogroupes A, C, W et Y , un seul vaccin polysaccharidique était disponible jusqu’à il y a peu (Mencevax®). Depuis février 2011, un vaccin conjugué contre les méningocoques des sérogroupes A, C, W et Y (Menveo®) est également disponible pour la vaccination des adultes et des adolescents (dès l’âge de 11 ans) [voir Folia de mars 2011 ]. Pour une protection à court terme (par exemple en cas de voyage unique dans une zone à risque), on n’a pas démontré de supériorité clinique en faveur du vaccin conjugué par rapport au vaccin polysaccharidique; chez les patients à risque souhaitant une immunité plus longue, le vaccin conjugué peut éventuellement s’avérer plus avantageux. Le vaccin conjugué est plus coûteux que le vaccin polysaccharidique.
  • Pour la vaccination contre l’hépatite B , les schémas suivants peuvent être appliqués:
    • schéma de 3 doses: 0-30-180 jours (à accélérer éventuellement de la façon suivante: 0-30-120 jours),
    • schéma de 4 doses: 0-7-21 jours, avec un rappel après 1 an; ou 0-30-60 jours, avec un rappel après 1 an.
    Il est conseillé de déterminer le taux d’anticorps anti-HBs 1 à 3 mois après la dernière dose du schéma de vaccination; lorsque le taux d’anticorps anti-Hbs est ≥ 10 UI/l, on estime que le patient est protégé à vie.

Voyage et grossesse, désir de grossesse ou allaitement

  • Voir aussi www.itg.be/ITG/Uploads/MedServ/fgrossesse.pdf
  • La probabilité de devoir recourir à une intervention médicale est plus élevée chez les femmes enceintes, et les problèmes ne sont pas toujours prévisibles. Il est donc important de s’informer sur la qualité de l’infrastructure médicale dans le pays de destination. Le risque d’infections est également plus important en voyage, et leur traitement est souvent plus difficile étant donné que certains antibactériens sont contre-indiqués en période de grossesse.
  • Il est déconseillé aux femmes enceintes de voyager vers des régions reculées, vers des régions où la fièvre jaune est endémique (sauf si la femme est vaccinée) et vers les régions avec une résistance aux anti-malariques (zone C = OMS zone IV), avec un risque élevé de transmission.
  • Concernant la prévention de la malaria en période de grossesse et d’allaitement, voir plus haut.

Vaccinations

Les vaccins vivants sont en principe contre-indiqués en période de grossesse et d’allaitement. Il est également préférable d’éviter une grossesse dans le mois qui suit l’administration du vaccin contre les oreillons, la rougeole et la rubéole, du vaccin contre la varicelle ou du vaccin contre la fièvre jaune. Pour aucun vaccin (y compris les vaccins vivants), il n’existe actuellement de preuves d’une tératogénicité ou d’une embryotoxicité. Lorsque le risque d’infection est élevé et que l’infection comporte des risques importants pour la mère et/ou l’enfant (p. ex. en cas de risque réel de transmission ou d’épidémie de la fièvre jaune), on vaccinera quand même, mais si possible seulement à partir du 6e mois de grossesse. Une vaccination accidentelle avec un vaccin vivant ne justifie pas d’envisager une interruption de grossesse. [Voir aussi Folia d' août 2009 ]


Diarrhée du voyageur

Pendant la grossesse et la période d' allaitement, il convient bien évidemment de suivre les mesures préventives générales (faire attention à ce que l’on consomme et boit, hygiène des mains). Dans le traitement de la diarrhée, la réhydratation est essentielle, et les solutions orales de réhydratation constituent un élément essentiel de la pharmacie de voyage, également en période de grossesse. Le lopéramide peut éventuellement être utilisé en cas de diarrhée aqueuse abondante; les données concernant l’usage de lopéramide en période de grossesse ne révèlent pas d’augmentation des anomalies congénitales, mais elles sont limitées. L’allaitement n’est pas une contre-indication pour le lopéramide.

Lorsqu’un traitement antibactérien est indiqué en période de grossesse ou d’allaitement, par exemple en cas de dysenterie, l’azithromycine (une prise unique de 500 mg, en cas d’amélioration insuffisante, poursuivre encore 500 mg pendant 1 à 2 jours) est proposée comme premier choix; les données concernant l’azithromycine ne suggèrent pas d’effets nocifs pour le foetus, mais les données concernant l’usage en cas de grossesse sont limitées.