Statines et toxicité musculaire

La cérivastatine a été retirée du marché au niveau mondial en 2001 suite à l' observation d' un nombre élevé de cas de rhabdomyolyse avec insuffisance rénale aiguë et décès [voir Folia de septembre 2001 ]. La question qui s’est posée d' emblée a été de savoir si avec les autres statines, qui présentent aussi une toxicité musculaire, les problèmes sont suffisamment modérés pour justifier la poursuite de leur utilisation.

Deux informations récentes indiquent que la poursuite de leur utilisation est toujours justifiée. En premier lieu, une évaluation des rapports de rhabdomyolyse fatale par la Food and Drug Administration aux Etats-Unis [ N Engl J Med 346 : 539-540(2002) ] a montré que le nombre de ces rapports était beaucoup plus élevé pour la cérivastatine que pour les autres statines, même lorsque ce chiffre est rapporté au nombre de prescriptions. Il faut cependant tenir compte des limites de tout système de notification spontanée (e.a. la sous-notification).

Ensuite, on dispose des résultats d' une évaluation au niveau européen de la toxicité musculaire des statines actuellement disponibles dans les Etats membres européens. La conclusion, sur base des résultats d' études précliniques, d' études cliniques et de données rassemblées après commercialisation, est que la toxicité musculaire, et certainement la rhabdomyolyse, est un effet indésirable rare de toutes les statines encore disponibles, et que cette toxicité est probablement influencée par la dose.

Le rapport européen attire l' attention sur le fait que l' importance du risque peut différer d’une statine disponible à l’autre, et ceci en raison de leur métabolisme et de leur degré de lipophilie différents.

  • Des interactions peuvent entraîner une augmentation du taux plasmatique des statines avec un risque accru de toxicité musculaire. Etant donné les différences de métabolisme, certaines interactions ne valent que pour certaines statines. L' atorvastatine, la lovastatine et la simvastatine sont métabolisées par le CYP3A4. Une inhibition de cette isoenzyme, par exemple par certains macrolides (surtout l' érythromycine et la clarithromycine), des dérivés azoliques (surtout le kétoconazole et l' itraconazole), des inhibiteurs de la protéase virale (par ex. l' indinavir, le saquinavir) ainsi que par le jus de pamplemousse, peut augmenter le taux plasmatique de ces trois statines. Le risque de toxicité musculaire est probablement plus élevé pour toutes les statines lorsqu' elles sont associées à la ciclosporine, à un fibrate ou à l' acide nicotinique, mais le mécanisme exact de ces interactions n' est pas clair.
  • On considère que la toxicité musculaire dépend de l' importance de la pénétration tissulaire et donc du degré de lipophilie: l' atorvastatine, la lovastatine et la simvastatine sont plus lipophiles que la fluvastatine; la pravastatine n' est pas lipophile.

Selon le rapport européen, la prudence est de rigueur chez les patients présentant des facteurs de risque de rhabdomyolyse: une détermination du taux de créatine-kinase (CK) avant de débuter un traitement par une statine est recommandée chez les patients atteints d’une insuffisance rénale ou d’une hypothyroïdie, chez ceux avec des antécédents personnels ou familiaux d’affections musculaires héréditaires, ou avec des antécédents de toxicité musculaire liée à une statine ou à un fibrate, en cas de dépendance alcoolique ainsi que chez les patients de plus de 70 ans. Selon le rapport européen, l’utilité de déterminer systématiquement au cours d’un traitement par une statine les taux de créatinine-kinase ou d’autres enzymes musculaires chez des patients asymptomatiques n’est pas établie. En cas d’apparition de douleur, d’une sensation de faiblesse ou de crampes au niveau des muscles, il y a lieu de doser la CK, et d' arrêter le traitement lorsque la valeur dépasse de plus de 5 fois la limite supérieure normale. En cas d’apparition de symptômes sévères, il convient en tout cas d' arrêter le traitement. Lorsqu' après l' arrêt d' une statine en raison d' une toxicité musculaire, un traitement par une autre statine (à la plus faible dose possible) est instauré, il y a lieu de rester attentif à une éventuelle toxicité musculaire. Les notices des différentes spécialités en Belgique, comme dans les autres états membres de l’Union Européenne, seront adaptées dans ce sens.

Enfin, quelques remarques restent à faire. Outre le risque d' interactions et le caractère lipophile, le choix d' une statine doit aussi dépendre de la disponibilité d' études de mortalité à grande échelle. Sur base des études de mortalité actuellement disponibles, la pravastatine et la simvastatine peuvent être considérées comme des premiers choix. D’après les auteurs d’un éditorial [ Brit Med J 321 : 971-972(2000) ], bien que les statines soient encore trop peu utilisées chez ceux qui peuvent réellement en tirer un bénéfice, la prudence s’impose chez les sujets jeunes avec un faible risque cardio-vasculaire, pour lesquels le rapport risques/bénéfices (et le rapport coût/bénéfices) est probablement moins favorable.

Noms de spécialités


Atorvastatine: Lipitor

Cérivastatine: Cholstat Lipobay (ne sont plus disponibles)

Fluvastatine: Lescol

Lovastatine: (non disponible en Belgique)

Pravastatine: Pravasine

Simvastatine: Zocor