Diabète de type 2 et antidiabétiques oraux


Abstract

Dans le diabète de type 2, la metformine est l’antidiabétique oral de premier choix, certainement chez les personnes obèses, et pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indication. La metformine et les sulfamidés hypoglycémiants sont les seuls antidiabétiques oraux dont les effets à long terme sur les complications du diabète sont connus. Ces dernières années, deux nouvelles classes d’antidiabétiques oraux, les glitazones et les glinides, sont apparues. Cet article tente de situer leur place par rapport aux autres antidiabétiques oraux. Les glitazones, en association à la metformine ou à un sulfamidé hypoglycémiant, peuvent parfois être utiles en cas de diabète insuffisamment contrôlé par les antidiabétiques oraux plus classiques. L’intérêt des glinides repose sur leur courte demi-vie et l’effet favorable qui en résulte sur l’hyperglycémie postprandiale et le risque d’hypoglycémies; ils ne sont cependant pas plus efficaces pour contrôler la glycémie que les autres antidiabétiques oraux. Les effets à long terme des glitazones et des glinides ne sont pas connus. Il convient en outre de tenir compte du coût plus élevé de ces nouveaux médicaments.

Le diabète de type 2 est une affection métabolique complexe qui résulte à la fois d’une diminution de la sécrétion d’insuline par le pancréas, d’une production inappropriée de glucose par le foie, et d’une résistance à l’insuline dans les tissus cibles, notamment les muscles et le foie.

Le traitement médicamenteux du diabète de type 2 a fait l’objet d’un article dans les Folia d’ avril 1998. Dans les Folia de février 1999 , les résultats de l’étude UKPDS ont été rapportés, démontrant l’importance du contrôle glycémique dans la prévention des complications microvasculaires du diabète de type 2. Ces dernières années, de nouvelles classes d’hypoglycémiants oraux, en particulier les glitazones [voir aussi Folia d’ avril 2001 ] et les glinides, sont apparues. Quelle est la place de ces nouveaux médicaments par rapport aux autres antidiabétiques oraux dans le traitement du diabète de type 2?


Traitement non médicamenteux

Le traitement du diabète de type 2 repose avant tout sur des modifications du style de vie (régime, exercice physique et perte de poids) et sur la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaires associés, tels l’hypertension, l’obésité, les dyslipidémies, l’hyperuricémie, le tabagisme. Lorsque de telles mesures n’apportent pas un contrôle suffisant de la glycémie, l’association d’un hypoglycémiant oral s’avère nécessaire.


Traitement médicamenteux

Cinq classes d’antidiabétiques oraux sont actuellement disponibles: les sulfamidés hypoglycémiants, les biguanides (metformine), les inhibiteurs des alpha-glucosidases (acarbose), les glitazones (pioglitazone, rosiglitazone) et les glinides (répaglinide, natéglinide).


Sulfamidés hypoglycémiants

Les sulfamidés hypoglycémiants exercent essentiellement leur action en stimulant la sécrétion d’insuline par le pancréas. L’efficacité des différents sulfamidés hypoglycémiants est assez comparable, et ceux-ci diffèrent entre eux surtout par leur métabolisme et leur durée d’action. Dans l’étude UKPDS, une diminution des complications microvasculaires - mais pas macrovasculaires - a été observée chez les patients traités par un sulfamidé hypoglycémiant (chlorpropamide ou glibenclamide). Les principaux effets indésirables des sulfamidés hypoglycémiants sont la prise de poids, et les hypoglycémies, surtout chez les personnes âgées et les insuffisants rénaux. [N.d.l.r.: le risque d’hypoglycémie est également accru par la prise concomitante d’acide acétylsalicylique, d’antiinflammatoires non stéroïdiens, d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, d’anticoagulants oraux, de triméthoprime, de cimétidine, de clofibrate et d’alcool.] Les sulfamidés hypoglycémiants peuvent être utilisés en monothérapie, ou en association à un autre antidiabétique oral (à l’exception des glinides qui ont le même mécanisme d’action), ou à l’insuline.


Glinides

Les glinides, tels le répaglinide et le natéglinide, représentent une nouvelle classe d’hypoglycémiants oraux. De structure différente de celle des sulfamidés hypoglycémiants, ils stimulent comme eux la sécrétion d’insuline par le pancréas. Ils se distinguent toutefois de ceux-ci par leur plus courte demi-vie, ce qui a pour conséquence de diminuer l’hyperglycémie postprandiale et le risque d’hypoglycémie tardive. Des études ont montré que le répaglinide est aussi efficace sur le contrôle de la glycémie que les sulfamidés hypoglycémiants et que la metformine. Dans une étude, le natéglinide a par contre été moins efficace que la metformine. On ne dispose toutefois d’aucune donnée quant aux effets à long terme des glinides sur les complications micro- et macrovasculaires du diabète. Leurs effets indésirables consistent en une prise de poids et des hypoglycémies, bien que dans une moindre mesure par rapport aux sulfamidés hypoglycémiants. Le nombre élevé de prises (avant chaque repas) et le coût élevé sont des inconvénients. Le répaglinide est principalement métabolisé par le cytochrome P450 3A4 au niveau du foie; son utilisation est dès lors contre-indiquée en présence d’une insuffisance hépatique, et la prudence s’impose lors de la prise concomitante d’inhibiteurs de cette isoenzyme tel le kétoconazole, l’itraconazole et l’érythromycine. Etant donné sa faible élimination rénale, le répaglinide peut être utilisé chez les patients qui présentent une diminution modérée de la fonction rénale. Le répaglinide est utilisé seul ou en association à la metformine lorsque celle-ci n’apporte pas un contrôle suffisant du diabète. Le natéglinide n’est indiqué qu’en association avec la metformine.


Biguanides

La metformine est le seul représentant disponible [n.d.l.r.: en Belgique] des biguanides. Elle agit principalement en sensibilisant l’action de l’insuline et en diminuant ainsi la production hépatique de glucose. Par rapport aux sulfamidés hypoglycémiants, la metformine exerce un effet hypoglycémiant comparable, mais elle n’entraîne pas de prise de poids et présente un risque très faible d’hypoglycémie. Dans l’étude UKPDS, la metformine est le seul médicament avec lequel une diminution des complications micro- et macrovasculaires ainsi que de la mortalité totale et de la mortalité liée au diabète a été observée chez les diabétiques obèses. Les effets indésirables de la metformine consistent le plus souvent en des troubles gastro-intestinaux; l’acidose lactique est une complication grave mais rare si l’on tient compte de ses contre-indications, telles l’insuffisance rénale, hépatique ou cardiaque, l’acidose métabolique, la déshydratation et l’alcoolisme. Elle doit également être évitée lors de toute affection aiguë pouvant donner lieu à un collapsus cardio-circulatoire (par ex. infarctus du myocarde, sepsis), en cas d’intervention chirurgicale ou d’examen radiologique avec injection de produit de contraste [n.d.l.r.: dans ce cas, il peut être parfois nécessaire de recourir temporairement à l’insuline]. La metformine peut être utilisée en monothérapie, ou en association à un autre antidiabétique oral, ou à l’insuline.


Glitazones

Les glitazones sont une nouvelle classe d’hypoglycémiants oraux, actuellement représentée par la rosiglitazone et la pioglitazone. Elles agissent en diminuant la résistance à l’insuline, principalement dans le muscle squelettique. Etant donné le rôle défavorable de l’insulinorésistance dans la pathogénie de l’athérosclérose, des données préliminaires suggèrent que les glitazones pourraient contribuer à diminuer le risque cardio-vasculaire. La rosiglitazone et la pioglitazone semblent exercer un effet hypoglycémiant comparable à celui des sulfamidés hypoglycémiants et de la metformine, mais on ne dispose d’aucune étude quant à leurs effets à long terme sur la mortalité, la morbidité et les complications du diabète. Les glitazones ne sont indiquées qu’en association à la metformine chez les patients obèses, ou à un sulfamidé hypoglycémiant en cas de contre-indication ou d’intolérance à la metformine, et ce, chez les patients insuffisamment contrôlés par un antidiabétique oral à sa dose maximale. Il n’est cependant pas prouvé que de telles associations soient plus efficaces que l’association de metformine et d’un sulfamidé hypoglycémiant.

Les principaux effets indésirables des glitazones sont une prise de poids, une rétention hydrosodée pouvant donner lieu à des oedèmes, une anémie et une insuffisance cardiaque. Des troubles hépatiques ont été rapportés avec la troglitazone (retirée du marché en raison de son hépatotoxicité), mais semblent plus rares avec la rosiglitazone et la pioglitazone; un contrôle des enzymes hépatiques est toutefois recommandé. La rosiglitazone et la pioglitazone sont métabolisées par plusieurs isoenzymes du cytochrome P450, ce qui peut être à l’origine d’interactions médicamenteuses. Les glitazones sont contre-indiquées en cas d’insuffisance cardiaque et hépatique, et ne peuvent pas être associées à l’insuline (en raison du risque accru d’insuffisance cardiaque). L’association à un antiinflammatoire non stéroïdien expose aussi à un risque accru d’oedèmes et d’insuffisance cardiaque.


Inhibiteurs des α -glucosidases

Les inhibiteurs des α -glucosidases, tel l’acarbose, ralentissent la résorption intestinale des hydrates de carbone et diminuent ainsi l’hyperglycémie postprandiale. Etant donné sa moindre efficacité sur le contrôle glycémique par rapport aux autres hypoglycémiants oraux, l’acarbose est le plus souvent utilisé en association. On ne dispose d’aucune étude quant à ses effets à long terme sur les complications chroniques du diabète. Les effets indésirables, tels flatulence, douleurs abdominales et diarrhée, sont fréquents et entraînent souvent l’arrêt du traitement.


Recommandations pratiques

La prise en charge du diabète de type 2 repose avant tout sur des modifications du style de vie et sur la prise en charge d’éventuels facteurs de risque cardio-vasculaires associés.

Lorsqu’un traitement médicamenteux s’avère nécessaire, la metformine est le médicament de premier choix, certainement chez les personnes obèses, et pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indication. La metformine est le seul hypoglycémiant oral qui n’entraîne pas de prise de poids, et avec lequel un effet favorable sur les complications micro- et macrovasculaires, et sur la mortalité a été observé dans l’étude UKPDS.

Les sulfamidés hypoglycémiants sont une bonne alternative chez les diabétiques non obèses. La prise de poids et le risque d’hypoglycémies posent toutefois des problèmes.

Les glinides peuvent être utiles chez les patients nécessitant une stimulation de la sécrétion d’insuline et qui ont des heures de repas irrégulières. Ils peuvent également être utilisés chez les patients qui présentent une diminution modérée de la fonction rénale. Leurs effets à long terme ne sont cependant pas connus et il convient en outre de tenir compte de leur coût.

Les glitazones pourraient avoir un rôle prometteur dans la prise en charge du diabète de type 2, mais on ne dispose d’aucune donnée quant à leurs effets à long terme sur les complications du diabète. Il convient en outre de tenir compte de leurs effets indésirables et de leur coût. D’après les recommandations du National Institute of Clinical Excellence (NICE), l’association de rosiglitazone ou de pioglitazone à la metformine ou à un sulfamidé hypoglycémiant ne peut être envisagée que lorsque l’association metformine/sulfamidé hypoglycémiant n’apporte pas un contrôle suffisant de la glycémie, ou en cas de contre-indication à l’un de ceux-ci. Il n’est cependant pas prouvé que le remplacement d’un hypoglycémiant par une glitazone soit plus efficace, ni que les glitazones retardent la nécessité de recourir à l’insulinothérapie.

D’après

  • S. Inzucchi: Oral antihyperglycemic therapy for type 2 diabetes. JAMA 287 : 360-372(2002)
  • Rosiglitazone, pioglitazone: deux nouveaux antidiabétiques oraux trop peu évalués. La Revue Prescrire 22 : 569-577(2002)
  • G. Rutten: Repaglinide, mogelijk een therapeutische aanwinst bij diabetes mellitus type 2. Ned Tijdschr Geneeskd 32 : 1547-1550(2001)
  • National Institute for Clinical Excellence: NICE issues guidance on rosiglitazone for type 2 diabetes et NICE issues guidance on the use of pioglitazone for type 2 diabetes mellitus. http://www.nice.org.uk/nice-web

Noms de spécialités


Acarbose: Glucobay

Metformine: : Glucophage Merck-Metformine Metformiphar Metformax

Natéglinide:: Starlix
(enregistré mais non commercialisé)

Noms de spécialités


Pioglitazone: Actos

Répaglinide: Novonorm

Rosiglitazone: Avandia

On nous a demandé quelle est la meilleure approche en cas de contrôle insuffisant du diabète, tant en monothérapie que lors de la prise de plusieurs antidiabétiques oraux. Faut-il augmenter autant que possible la dose de l’antidiabétique, ou faut-il plutôt changer de traitement? La décision doit être prise pour chaque patient en particulier en fonction de l’effet obtenu et de la présence éventuelle d’effets indésirables. En principe, on augmentera la dose de l’antidiabétique oral jusqu’à la dose maximale autorisée ou tolérée; dans un certain nombre de cas, ceci ne permettra pas d’optimaliser l’effet, et il faudra passer plus rapidement à un autre schéma thérapeutique.