Hypertrophie bénigne de la prostate


Abstract

L’ hypertrophie bénigne de la prostate constitue un problème important. En cas de symptômes mineurs, une expectation vigilante suffit généralement. En cas de symptômes plus sévères, un traitement médicamenteux peut être instauré, souvent en première intention par un α-bloquant. Lorsque celui-ci n’est pas efficace ou mal toléré, ou en cas d’augmentation du volume prostatique (> 40 ml), un inhibiteur de la 5-α-réductase peut être administré. Dans des études comparatives, un extrait de Serenoa repens est apparu aussi efficace sur les symptômes que l’inhibiteur de la 5-α-réductase finastéride, mais l’innocuité à long terme de tels extraits n’est pas bien connue. Il va de soi que chez certains hommes, par ex. ceux qui présentent des symptômes sévères ou des complications, la chirurgie est la meilleure approche.

L’ hypertrophie bénigne de la prostate est fréquemment à l’origine de plaintes au niveau des voies urinaires inférieures (par ex. miction fréquente, nycturie, incontinence, vidange incomplète de la vessie, diminution du jet mictionnel) [voir aussi Folia d’ octobre 1995, de mars 1997et de juillet 1999 ].

Une distinction doit être faite entre les formes non compliquées et compliquées.

  • Dans les formes non compliquées, les symptômes surviennent généralement progressivement et l’examen clinique permet de constater une vessie normale (non palpable), des organes génitaux externes normaux, une prostate normale au toucher, et les tests urinaires ne montrent pas de traces d’infection ou de sang. Les hommes avec des symptômes non compliqués peuvent être traités, du moins au début, en première ligne.
  • On parle de formes compliquées par ex. en cas de douleur urogénitale, d’hématurie macroscopique, de rétention urinaire ou d’insuffisance rénale. Les hommes avec des symptômes compliqués doivent être adressés directement à un spécialiste.

Il faut tâcher de quantifier la sévérité des symptômes, par ex. en utilisant l’International Prostate Symptoms Score (IPSS), une liste de questions permettant au patient d’évaluer au moyen d’une échelle à 6 points la sévérité des symptômes et leur effet sur la qualité de vie (par ex. via http://www.ucdmc.ucdavis.edu/ucdhs/health/a-z/71BenignProstaticHyperplasia/doc71evaluate.html ). Sur base du score IPSS, les hommes peuvent être subdivisés en trois groupes: ceux avec des symptômes mineurs n’interférant pas avec les activités journalières (IPSS ≤7), ceux avec des symptômes d’intensité modérée (IPSS de 8 à 19), et ceux avec des symptômes sévères (IPSS ≥20).


Approche globale

Selon l’European Association of Urology, une expectation vigilante est recommandée chez les hommes présentant des symptômes mineurs d’hypertrophie bénigne de la prostate; ceci signifie que le patient doit être contrôlé régulièrement, mais qu’aucune intervention médicale n’est envisagée, sauf en cas d’aggravation des symptômes. Des mesures générales, telles l’éviction de boissons contenant de la caféine et une consommation moindre de boissons le soir, peuvent être utiles. Chez les hommes avec des symptômes d’intensité modérée, un traitement médicamenteux peut être envisagé. Chez les hommes avec des symptômes sévères ou des complications, ou lorsque le traitement médicamenteux n’est pas efficace, la chirurgie est la meilleure approche, mais celle-ci ne fait pas l’objet du présent article.


Traitement médicamenteux


Alpha-bloquants

L’effet des α-bloquants repose probablement sur une diminution du tonus des muscles lisses du col de la vessie et de la prostate; ils n’ont aucun effet sur le volume prostatique. Les α-bloquants alfuzosine, tamsulosine et térazosine sont enregistrés en Belgique pour le traitement de l’hypertrophie de la prostate. Les études réalisées chez des hommes présentant des symptômes d’hypertrophie bénigne de la prostate, montrent une efficacité comparable avec les différents α-bloquants: par rapport au placebo, diminution de 30 à 45 % du score total des symptômes et augmentation du jet mictionnel de 15 à 30 %. Des études montrent également une diminution du risque de rétention urinaire aiguë.

Un α-bloquant peut être envisagé chez les hommes avec des symptômes d’intensité modérée en cas d’échec des mesures générales (voir plus haut). Etant donné que la réponse thérapeutique n’apparaît généralement que dans la semaine qui suit l’instauration du traitement, il convient d’évaluer les effets désirables et indésirables 2 à 4 semaines après le début du traitement ou une modification de la dose.

Les effets indésirables les plus importants et aussi les plus inquiétants chez les personnes âgées sont l’hypotention orthostatique et les vertiges; d’autres effets indésirables sont la fatigue et la sédation. La première dose sera prise de préférence au coucher en raison du risque de syncope [n.d.l.r.: afin de diminuer ce risque, il est également conseillé de débuter le traitement par une faible dose et d’augmenter celle-ci progressivement]. Il existe également des préparations à libération retardée qui donnent des taux plasmatiques plus constants [n.d.l.r.: de telles préparations sont disponibles en Belgique pour la tamsulosine et l’alfuzosine]. Il faut conseiller au patient de se coucher si des étourdissements, de la fatigue ou de la sudation apparaissent. L’effet sur la fonction sexuelle est minime. Les α-bloquants sont contre-indiqués chez les patients avec des antécédents d’hypotension orthostatique, ou de syncope lors de la miction.


Inhibiteurs de la 5-α-réductase

Les inhibiteurs de la 5-α-réductase inhibent la transformation de la testostérone en dihydrotestostérone, d’activité plus puissante, ce qui a pour conséquence une diminution du volume prostatique. Les médicaments de cette classe actuellement disponibles en Belgique sont le finastéride et le dutastéride.

Des études contrôlées par placebo montrent avec le finastéride (5 mg p.j.) et le dutastéride (0,5 mg p.j.), un effet favorable sur le score total des symptômes et une diminution du risque de rétention urinaire aiguë ainsi que de la nécessité d’une intervention chirurgicale. Le finastéride et le dutastéride n’ont pas été comparés entre eux. Deux études randomisées ont comparé le finastéride et un α-bloquant: le contrôle des symptômes était meilleur avec l’α-bloquant qu’avec le finastéride; la qualité des études était toutefois faible, et les hommes inclus n’ont pas été sélectionnés en fonction du volume prostatique [voir aussi Folia de mars 1997].

Etant donné qu’il faut parfois plusieurs mois pour obtenir l’effet optimal des inhibiteurs de la 5-α-réductase, il faut attendre au moins 6 mois avant de tirer des conclusions quant à l’efficacité du traitement.

Un inhibiteur de la 5-α-réductase peut être essayé chez les patients dont le volume prostatique est supérieur à 40 ml, ainsi que chez les patients chez lesquels un α-bloquant n’est pas efficace ou est mal toléré.

Chez plus d’un pour cent des patients traités par un inhibiteur de la 5-α-réductase, apparaissent des effets indésirables tels impuissance, diminution de la libido, troubles de l’éjaculation, gynécomastie, rash. Des réactions d’hypersensibilité et une douleur testiculaire ont également été rapportées. Le finastéride et le dutastéride diminuent de 50 % les taux plasmatiques de l’antigène prostatique spécifique (PSA), ce dont il faut tenir compte lors du dépistage d’un carcinome prostatique. Le finastéride et le dutastéride sont tératogènes. Etant donné que ces substances sont présentes dans le sperme, il convient d’utiliser un condom en cas de relations sexuelles avec une femme enceinte ou une femme qui pourrait le devenir. [N.d.l.r.: il est également déconseillé aux femmes enceintes de manipuler des tablettes à base de finastéride ou de dutastéride].


Anticholinergiques

Il existe peu d’études randomisées publiées sur le rôle des anticholinergiques (par ex. la toltérodine et l’oxybutinine) chez des hommes présentant des symptômes urinaires consécutifs à une augmentation du volume prostatique. Bien que des données isolées indiquent un effet favorable des anticholinergiques dans certains cas, il faut tenir compte du risque de rétention urinaire aiguë et d’aggravation des problèmes liés à une rétention chronique. Les anticholinergiques sont contre-indiqués chez les patients présentant une obstruction importante des voies urinaires inférieures, ou une rétention urinaire.


Médicaments à base de plantes

Plusieurs médicaments à base de plantes sont proposés dans le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Leur mécanisme d’action n’est pas clair. Parmi ces médicaments, le Serenoa repens (Saw Palmetto, Serenoa serrulata, Sabal) a été le plus étudié. Des études randomisées montrent un effet favorable par rapport au placebo sur le score des symptômes, la nycturie, le jet mictionnel et le volume résiduel. Le volume prostatique n’est pas influencé. Dans des études comparatives, le Serenoa repens est apparu aussi efficace sur les symptômes que le finastéride, mais le Serenoa repens semble provoquer moins d’impuissance. Ces résultats sont encourageants mais les données concernant les effets indésirables, notamment ceux à long terme, sont rares ou font défaut.

D’après

  • Managing lower urinary tract symptoms in men. Drug Ther Bull 41 : 18-21(2003)
  • A. Thorpe en D. Neal: Benign prostatic hyperplasia. Lancet 361 : 1359-1367(2003)
  • Benign prostatic hyperplasia. Dans: Clinical Evidence édition (juin 2003)9 (: 931-945.

Noms de spécialités


Alfusozine: Xatral

Dutastéride: Avodart

Finastéride: Proscar

Oxybutinine: Ditropan Driptane Oxybutinine (générique)

Préparations à base de Serenoa repens: Prostaserene Prosta-Urgenin

Tamsulosine: Omic

Térazosine: Hytrin Uro-Hytrin

Toltérodine: Detrusitol