L’étude ASCOT sur le traitement antihypertenseur

Les résultats de l’étude ASCOT sur le traitement antihypertenseur (ASCOT – BPLA ou "Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial – Blood Pressure Lowering Arm") ont été publiés dans le Lancet du 10 septembre 2005 [ Lancet 2005;; 366: 895-906 et : 907-13, avec un commentaire : 869-71;déjà disponibles depuis le 4 septembre comme early online publication sur le site web du Lancet].

Cette étude randomisée réalisée chez des patients hypertendus avec au moins trois facteurs de risque cardio-vasculaires supplémentaires (p. ex. diabète de type 2, artériopathie périphérique, hypertrophie ventriculaire gauche, tabagisme) a comparé les traitements suivants.

  • Amlodipine (dose de départ de 5 mg, éventuellement augmentée jusqu’à 10 mg p.j.). Si nécessaire, le périndopril (dose de départ de 4 mg, pouvant être augmentée jusqu’à 8 mg) pouvait être ajouté: le groupe "amlodipine" (n= 9.639).
  • Aténolol (dose de départ de 50 mg, éventuellement augmentée jusqu’à 100 mg p.j.). Si nécessaire, le thiazide bendrofluméthiazide (1,25 mg éventuellement jusqu’à 2,5 mg p.j.), pouvait être ajouté en association à du potassium: le groupe "aténolol" (n=9.618).

L’étude a été interrompue prématurément (après une durée médiane de suivi de 5,5 ans) suite à l’observation d’une différence statistiquement significative en ce qui concerne certains critères d’évaluation secondaires (p. ex. accident cérébro-vasculaire fatal et non fatal, mortalité globale, mortalité cardio-vaculaire), en faveur du groupe amlodipine. Par rapport au groupe aténolol, il y avait à ce moment dans le groupe amlodipine une tendance à une diminution du critère d’évaluation primaire (accident cardio-vasculaire fatal plus infarctus du myocarde non fatal), mais la différence entre les deux groupes n’était pas statistiquement significative. Au moment de l’interruption de l’étude, plus de 80% des patients dans les deux groupes étaient traités par l’association.

Les investigateurs concluent que, dans cette étude, chez des patients avec au moins trois facteurs de risque cardio-vasculaires en plus de l’hypertension, un traitement à base d’un antagoniste du calcium (amlodipine, le plus souvent en association à l’IECA périndopril) était plus efficace en terme de protection cardio-vasculaire, et était associé à un risque moindre de diabète qu’un traitement à base d’un β-bloquant (aténolol, le plus souvent en association au diurétique thiazide bendrofluméthiazide).

La conclusion de l’article "Traitement initial de l’hypertension: état de la question" paru dans les Folia d’ avril 2004 était qu’un thiazide ou apparenté à faibles doses constitue le premier choix chez beaucoup de patients; en présence de pathologies associées, la décision peut toutefois être prise de débuter le traitement avec un autre médicament avec un effet prouvé sur la morbidité et la mortalité (β-bloquant, inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, sartan, antagoniste du calcium).

La question qui se pose est de savoir si l’étude ASCOT-BPLA modifie cette conclusion. Nous ne pensons pas. Voici quelques commentaires au sujet de cette étude et de la conclusion des investigateurs.

  • Cette étude a été réalisée, comme mentionné plus haut, chez des patients hypertendus avec au moins trois facteurs de risque cardio-vasculaires; plus de 60% des patients avaient plus de 60 ans. Les résultats ne peuvent être simplement extrapolés à des patients avec un risque cardio-vasculaire global plus faible. Environ 80% des patients étaient déjà traités par un ou plusieurs antihypertenseurs avant l’inclusion dans l’étude.
  • La diminution du critère d’évaluation primaire au moment de l’interruption de l’étude n’était pas statistiquement significative. Pour obtenir une évaluation adéquate du critère d’évaluation primaire, l’étude aurait dû être plus longue de façon à ce qu’un plus grand nombre de patients aient pu atteindre le critère d’évaluation primaire.
  • Les différences en ce qui concerne les critères d’évaluation secondaires sont statistiquement significatives, mais sont faibles en chiffres absolus: les auteurs du commentaire s’y rapportant ont calculé que, dans l’étude, 220 patients devaient être traités pendant un an par l’amlodipine (si nécessaire avec le périndopril) à la place de l’aténolol (si nécessaire avec le bendrofluméthiazide) pour éviter un accident cardio-vasculaire ou une intervention cardio-vasculaire ("number needed to treat" ou NNT); pour éviter un décès, le NNT atteignait 650.
  • L’apparition d’un diabète pendant l’étude était plus fréquente dans le groupe aténolol que dans le groupe amlodipine: dans l’étude, 204 patients devaient être traités pendant un an par l’aténolol (si nécessaire avec le bendrofluméthiazide) à la place de l’amlodipine (si nécessaire avec le périndopril) pour observer un cas supplémentaire de diabète ("number needed to harm" ou NNH).
  • Plusieurs méta-analyses récentes d’études sur l’hypertension renforcent l’hypothèse que les différences de mortalité et de morbidité cardio-vasculaires entre les différents médicaments, s’expliquent par les différences de tension artérielle obtenue, même lorsque ces différences sont faibles [voir Folia d’avril 2004]. Dans l’étude ASCOT-BPLA, la diminution de la tension artérielle était un peu plus marquée dans le groupe amlodipine que dans le groupe aténolol. D’après les auteurs du commentaire s’y rapportant, cette différence serait suffisante pour expliquer les différences entre les groupes en ce qui concerne les critères d’évaluation secondaires.
  • Dans cette étude, les valeurs tensionnelles visées ont été obtenues chez seulement 60% des patients non diabétiques et chez 32,2% des patients diabétiques.

Ce communiqué est également paru dans la rubrique "Bon à savoir" sur notre site web: voir communiqué du. 23 septembre 2005.