Rhabdomyolyse d’évolution fatale au cours d’un traitement par la simvastatine

La toxicité musculaire, rarement accompagnée d’une rhabdomyolyse, est un effet indésirable connu de toutes les statines [voir de Folia de juillet 2002 ]. Le risque augmente en cas de traitement concomitant par un fibrate, la ciclosporine ou l’acide nicotinique. Le risque de toxicité musculaire augmente aussi avec des doses plus élevées, mais les concentrations plasmatiques des statines peuvent également augmenter suite à des interactions: pour la simvastatine et l’atorvastatine, toutes deux métabolisées par le CYP3A4, les concentrations plasmatiques peuvent augmenter en cas d’utilisation concomitante d’inhibiteurs du CYP3A4, tels les macrolides érythromycine et clarithromycine, et les dérivés azoliques kétoconazole et itraconazole [voir tableau p. XVIII dans le Répertoire Commenté des Médicaments 2005]. Le Centre Belge de Pharmacovigilance a reçu récemment une notification de rhabdomyolyse dont l’évolution fut fatale, survenue lors d’un traitement par la simvastatine.

Il s’agissait d’une patiente de 87 ans qui était traitée depuis environ un an par la simvastatine (40 mg p.j.; dans ce cas la spécialité Zocor®). En raison d’un intertrigo, un traitement par l’itraconazole (Sporanox®) a été instauré: 200 mg par jour pendant une semaine. Environ deux semaines et demie après l’arrêt du traitement par l’itraconazole, le traitement par la simvastatine étant poursuivi, la patiente s’est plainte de myalgies, d’abord à hauteur d’un genou, ensuite généralisées; le diagnostic de rhabdomyolyse a été posé. A l’admission à l’hôpital, les taux de créatine kinase étaient de 20.000 UI/l, et ils ont encore augmenté jusqu’à 80.000 UI/l; la kaliémie était de 6,9 mmol/l. La fonction rénale de la patiente s’est détériorée, et la patiente est décédée. Les antécédents de la patiente (infarctus du myocarde) et les médicaments autres que l’itraconazole (clopidogrel, acide acétylsalicylique, halopéridol et dérivé nitré) pris par la patiente ne semblent pas pouvoir expliquer la rhabdomyolyse.

L’hypothèse la plus vraisemblable est que la toxicité musculaire a été provoquée par la simvastatine. Par ailleurs, on ne peut exclure que l’itraconazole, par inhibition du CYP3A4, et en présence d’une fonction rénale fortement diminuée (patiente de 87 ans!), ait entraîné une augmentation des concentrations plasmatiques de simvastatine, et ait ainsi joué un rôle dans l’apparition de la toxicité musculaire.

Quelques considérations. La dose de simvastatine (40 mg par jour) chez cette patiente âgée – avec par définition une diminution prononcée de la fonction rénale – était élevée. On peut aussi se demander s’il n’aurait pas été préférable, pendant le traitement par l’itraconazole, d’arrêter temporairement la simvastatine. Enfin, des ouvrages de dermatologie recommandent un traitement local en cas d’intertrigo.