Infections aiguës des voies respiratoires en première ligne


Abstract

L’usage rationnel des antibiotiques a déjà été discuté dans les Folia d' octobre 2004 , septembre 2005 , octobre 2006 et october 2007 . Nous avons l’habitude à cette époque de l’année de rapporter les données récentes concernant la prise en charge des infections respiratoires en première ligne.


Antibiotiques en prévention des complications des infections des voies respiratoires

Il est bien établi que l’utilisation abusive d’antibiotiques augmente le développement de résistances bactériennes, et il existe un large consensus selon lequel le faible bénéfice observé en termes de durée ou de gravité des infections respiratoires ne justifie pas l’utilisation d’antibiotiques dans la plupart des infections des voies respiratoires supérieures. La question se pose toutefois de savoir si le fait d’utiliser moins vite des antibiotiques n’augmente pas le risque de complications des infections des voies respiratoires.

Les résultats d’une étude rétrospective de cohorte publiés récemment [ Brit Med J 2007; 335: 982 , avec un éditorial : 946-7 ] indiquent que le risque de complications graves telles qu’une pneumonie ou une mastoïdite dans le mois suivant le diagnostic d’une infection des voies respiratoires supérieures est faible chez les patients n’ayant pas reçu d’antibiotiques.

En cas d’infection des voies respiratoires supérieures, il a été calculé dans cette étude que 4.000 personnes devaient être traitées par des antibiotiques pour prévenir une seule complication grave (NNT = 4.000). En cas d’infection des voies respiratoires inférieures, le risque de pneumonie dans le mois suivant le diagnostic d’une infection des voies respiratoires inférieures ou "chest infection " (c.-à-d. bronchite aiguë ou pneumonie) chez les patients n’ayant pas reçu d’antibiotiques était plus important, et il a été calculé que 39 patients devaient être traités par des antibiotiques pour éviter une pneumonie (NNT= 39). Le bénéfice était le plus marqué chez les patients âgés de plus de 65 ans.

Ces données confirment les recommandations de BAPCOC.

  • Dans la plupart des infections des voies respiratoires supérieures, une antibiothérapie ne se justifie pas.
  • Dans les infections des voies respiratoires inférieures, une antibiothérapie est indiquée en cas de pneumonie, et chez les personnes âgées et les personnes à risque, en cas de bronchite aiguë ou d’exacerbation aiguë d’une BPCO.

Antibiotiques par voie générale et corticostéroïdes par voie nasale dans la rhinosinusite aiguë

Malgré l’absence de preuves d’efficacité, des antibiotiques sont encore souvent prescrits dans la rhinosinusite aiguë. Dans la plupart des recommandations (dont celles de BAPCOC), des antibiotiques ne sont indiqués qu’en l’absence d’amélioration des symptômes après 7 à 10 jours.

Les résultats d’une méta-analyse récente [ Lancet 2008; 371: 908-14 ] suggèrent toutefois que l’indication d’une antibiothérapie ne doit pas être posée seulement sur base de la durée des symptômes, et que des symptômes modérés de rhinosinusite, même pendant plus de 7 à 10 jours, ne justifient pas l’instauration d’une antibiothérapie. Bien qu’il ne soit pas prouvé que les antibiotiques aient un plus grand bénéfice chez les patients avec des symptômes plus sévères, une antibiothérapie immédiate est à envisager en présence de symptômes suggérant une complication, tels que fièvre élevée, douleur périorbitale, érythème ou douleur faciale intense.

Les données concernant l’usage des corticostéroïdes par voie nasale dans la rhinosinusite aiguë ne sont pas univoques. Contrairement aux résultats d’une étude antérieure qui suggéraient un faible effet bénéfique des corticostéroïdes à usage nasal chez des patients présentant des symptômes de sinusite, les résultats d’une étude randomisée en double aveugle récente [ JAMA 2007; 298: 2487-96 ], réalisée en première ligne chez des adultes non immunodéprimés, indiquent que ni les antibiotiques par voie orale, ni le budésonide par voie nasale, seuls ou en association, ne sont efficaces dans le traitement de la rhinosinusite aiguë.

Ces résultats confirment donc que la prise en charge de la rhinosinusite aiguë consiste d’abord en une expectative vigilante et un traitement symptomatique. Ces recommandations sont également d’application en cas de rhinosinusite aiguë ches l’enfant [voir recommandations de BAPCOC].


L’EMEA limite l’emploi de la moxifloxacine dans les infections respiratoires

Dans les Folia d' octobre 2006 et d' octobre 2007 , l’attention a déjà été attirée sur le fait que, en raison du risque d’apparition de résistances, les quinolones plus récentes (lévofloxacine et moxifloxacine) ne sont pas recommandées en première ligne dans la pneumonie acquise en communauté et dans la rhinosinusite aiguë, et ne sont à envisager qu’en présence d’une allergie IgE-médiée aux antibiotiques β-lactames.

Dans un communiqué de presse publié récemment, l’Agence européenne des médicaments (EMEA) recommande aussi de limiter l’emploi de la moxifloxacine dans la rhinosinusite aiguë, l’exacerbation aiguë de bronchite chronique et la pneumonie acquise en communauté, aux cas où les autres antibiotiques sont inefficaces ou contre-indiqués, p. ex. en cas d’allergie à la pénicilline IgE médiée, et ce principalement en raison du risque élevé d’hépatotoxicité. Dans ce communiqué, l’EMEA attire également l’attention sur d’autres effets indésirables graves de la moxifloxacine tels qu’une insuffisance cardiaque chez les personnes âgées et des réactions cutanées graves. Les notices des spécialités à base de moxifloxacine seront adaptées dans ce sens. Nous attirons aussi encore l’attention sur le risque d’interactions avec les quinolones [voir Répertoire Commenté des Médicaments 2008, chapitre 8.1.6.]


Traitement de la toux chez l’enfant

Dans une étude randomisée contrôlée sur le traitement de la toux due à une infection des voies respiratoires supérieures, chez des enfants âgés de 2 à 18 ans, l’administration de dextrométhorphane n’a pas été plus efficace que l’administration de miel ou que l’absence de traitement [ 2008; 13: 106]. Ces résultats confirment que le rapport bénéfices/risques des antitussifs n’est pas favorable chez l’enfant [voir Folia de mars 2008 ].


Effet de la carbocistéine sur le risque d’exacerbations aiguës de la BPCO: l’étude PEACE

Il a été démontré que l’administration d’anticholinergiques à longue durée d’action et de β2-mimétiques à longue durée d’action, seuls ou en association à des corticostéroïdes à inhaler, améliore la fonction pulmonaire dans la BPCO et diminue le risque d’exacerbations [n.d.l.r.: l’association d’un bronchodilatateur à longue durée d’action et d’un corticostéroïde à inhaler est à réserver aux patients atteints d’une BPCO de gravité sévère à très sévère (VEMS < 50%), voir Folia d' avril 2007 ]. En ce qui concerne les mucolytiques, les données sont limitées. Dans l’étude BRONCUS, l’administration de N-acétylcystéine n’a pas eu d’effet sur le nombre d’exacerbations de BPCO [voir Folia d' octobre 2005 ]. Dans l’étude BRONCUS, une diminution statistiquement significative du nombre d’exacerbations de BPCO avait toutefois été observée avec la N-acétylcystéine dans le sous-groupe de patients qui ne prenaient pas de corticostéroïdes à inhaler.

The Lancet a publié récemment les résultats de l’étude PEACE [ Lancet 2008; 371: 2013-8 avec un éditorial : 1975-6 ]: il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle, réalisée en Chine, ayant comparé l’effet du mucolytique carbocistéine (à raison de 1.500 mg par jour) à un placebo chez environ 700 patients atteints de BPCO. Le critère d’évaluation primaire était le nombre d’exacerbations de BPCO sur une période d’un an. Bien que les résultats indiquent une diminution statistiquement significative de 24,5% du nombre d’exacerbations dans le groupe traité par la carbocistéine par rapport au placebo, celle-ci ne correspond toutefois qu’à une faible diminution du risque en valeur absolue (1,01 exacerbations/ patient/an dans le groupe carbocistéine versus 1,35 exacerbations/patient/an sous placebo). Aucune relation n’a été établie entre les effets préventifs de la carbocistéine et la sévérité de la BPCO, le statut tabagique et l’usage concomitant de corticostéroïdes à inhaler. De plus, il faut attirer l’attention sur le fait que les résultats de cette étude ne peuvent pas être extrapolés à la situation belge étant donné les différences entre les populations, notamment en ce qui concerne les facteurs déclenchants et la prise en charge de la BPCO. Ces résultats n’apportent en tout cas aucun argument en faveur de l’utilisation systématique de mucolytiques dans la BPCO.