Spécialité originale ou spécialité générique: quels facteurs influencent le choix?

 
Abstract

Suite à la nouvelle règlementation relative au remboursement des antibiotiques et des antimycosiques, ainsi que des médicaments prescrits en DCI, le présent article se penche sur les facteurs susceptibles d’influencer le choix entre plusieurs spécialités (originales et/ou génériques) contenant le même principe actif. Une comparaison est d’abord faite entre les conditions d’enregistrement des spécialités originales et celles des spécialités génériques. Ensuite, les différences éventuelles entre les spécialités originales et les spécialités génériques sont discutées, avec une attention particulière pour les excipients. La conclusion en ce qui concerne les excipients est que la présence de ceux-ci influence rarement le choix d’un médicament et que, le cas échéant, ce facteur intervient autant pour les spécialités originales que pour les génériques.

La nouvelle règlementation relative aux médicaments prescrits en DCI (dès le 1 er avril 2012) et aux spécialités à base d' antibiotiques ou d' antimycosiques (dès le 1er mai 2012) consiste à ne rembourser ces médicaments qu’à la condition que le pharmacien délivre une des spécialités indiquées par l’INAMI comme étant " les moins chères ", sauf si le médecin mentionne sur la prescription une exception approuvée par l’INAMI. Plus de détails sur le site Web de l’INAMI, via www.riziv.fgov.be/drug/fr/drugs/index.htm , dans la rubrique " Actualités " (communiqué de 19/03/12). Sur le site Web du C.B.I.P., vous retrouverez les médicaments " les moins chers " entre autres dans les tableaux comparatifs des prix (signalés par un fond vert; les tableaux comparatifs des prix sont accessibles en cliquant sur le symbole euro à côté de chaque conditionnement). Le signalement des médicaments " les moins chers " provient de l’INAMI et est basé sur le prix ex-usine et non sur base du prix public. Un communiqué sera publié à ce sujet ultérieurement.

Dans le présent article, nous nous penchons sur les facteurs susceptibles d’influencer le choix lorsqu’il existe plusieurs spécialités contenant les mêmes principes actifs au même dosage et sous la même forme pharmaceutique, comme c’est souvent le cas. Il peut s’agir de spécialités originales et/ou de génériques.

 

Conditions d’enregistrement des spécialités originales et des spécialités génériques

  • Les exigences de qualité liées à la production sont les mêmes pour toutes les spécialités. Le fabricant doit introduire un dossier analytique, discutant entre autres du processus de production et du contrôle de qualité du médicament (entre autres stabilité, pureté). Le fabricant ne peut produire des médicaments que s’il dispose d’un certificat de Bonnes Pratiques de Fabrication (Good Manufacturing Practice ou GMP).
  • Les spécialités originales sont enregistrées sur base d’un dossier d’enregistrement complet, incluant les résultats des études cliniques sur le profil d’efficacité et d’innocuité. Un générique peut être lancé sur le marché après l’expiration du brevet de la spécialité originale sans que les études cliniques ne doivent être refaites. Ceci ne peut se faire qu’à la condition que les deux médicaments soient "essentiellement équivalents". Sont dits "essentiellement équivalents" les médicaments ayant la même composition qualitative et quantitative en principe(s) actif(s) et la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec le produit de référence a été démontrée (le produit de référence étant la spécialité originale sur laquelle se base le générique). On parle de bioéquivalence lorsque le profil de concentration plasmatique en fonction du temps est comparable après l’administration d’une même dose. Pour déterminer la bioéquivalence, on compare chez un certain nombre de sujets sains les profils de concentration plasmatique en fonction du temps du médicament testé et du médicament de référence. Lorsque deux médicaments sont bioéquivalents, c.-àd. lorsque leur profil de concentration plasmatique en fonction du temps est équivalent, ils sont en principe équivalents sur le plan thérapeutique et on peut admettre dans ces cas-là que les profils d’efficacité et d’innocuité sont identiques. Pour plus de détails concernant la vérification de la bioéquivalence, nous vous renvoyons aux Folia de février 2010 .
  • Les titulaires d’enregistrement que ce soit de spécialités génériques ou de spécialités originales doivent disposer d’un système de pharmacovigilance qui leur permet de rassembler et d’évaluer les effets indésirables des médicaments, et de prendre des mesures pour limiter les risques.
 

Différences entre les spécialités génériques et les spécialités originales

  • Les génériques sont en principe moins chers que les spécialités originales. En effet, au moment où le remboursement est accepté, le médicament générique doit être au moins 30 % moins cher que le produit de référence. Les prix peuvent toutefois varier au fil du temps, et il est donc possible que la spécialité originale soit aussi bon marché voire même moins chère que le générique.
  • Le générique peut différer de la spécialité originale en ce qui concerne la couleur, la forme, l’odeur, le goût, la taille de la forme pharmaceutique et au niveau de l' emballage.
  • Les principes actifs peuvent se présenter sous différentes formes de sels, par exemple le diclofénac sodique et le diclofénac potassique. Généralement, la solubilité, la stabilité et la toxicité des différents sels d’un même principe actif sont similaires. Les génériques peuvent avoir une forme de sel différente de celle du produit de référence, mais ceci n’est pas un problème pour la substitution entre eux, étant donné que leur bioéquivalence a été démontrée.
  • Dans les discussions sur les génériques, on insiste souvent sur le fait qu’une spécialité générique peut contenir des excipients différents de ceux de la spécialité originale. Ces différences sont-elles importantes ?
 

Les excipients dans les spécialités

La présence des excipients est mentionnée dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP, anciennement la notice scientifique). Il n’est pas obligatoire de mentionner la quantité de ces excipients, ce qui peut s’avérer problématique. Les excipients dont on sait qu’ils peuvent poser problème portent la mention "excipients à effet notoire". De telles substances se retrouvent aussi bien dans des spécialités originales que dans des spécialités génériques.

  • Chez la plupart des patients, la présence d’excipients ne pose pas de problèmes, et il n’est pas nécessaire de les vérifier au moment de la prescription et de la délivrance.
  • Chez d' autres patients, la présence de certains excipients peut toutefois poser des problèmes mais il est difficile d’en évaluer la fréquence et la gravité: les données à ce sujet reposent principalement sur des rapports de cas. Par ailleurs, en cas d’apparition de réactions allergiques ou d’autres effets indésirables après la prise d’un médicament, on ignore souvent si ces effets sont causés par le principe actif ou par l’un des excipients.
  • Les " excipients à effet notoire " (avec la voie d’administration et la valeur-seuil à partir de laquelle des effets sont possibles, ainsi que des explications sur les groupes à risque) sont définis dans une directive de la Commission européenne "Excipients in the label and package leaflet of medicinal product for human use" (juillet 2003, à consulter sur http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/regulation/document_listing/document_listing_000387.jsp ).
    • Les excipients susceptibles de provoquer des réactions allergiques IgE médiées , tels que certains colorants (en particulier les colorants azoïques tels que la tartrazine), peuvent déjà poser des problèmes en très petites quantités. Chez les rares patients ayant des antécédents d’allergie à ces produits, la présence de tels excipients allergisants doit être vérifiée. On estime qu’environ 2 à 3 % des patients hypersensibles à l’acide acétylsalicylique le sont également à la tartrazine, et cela vaut probablement aussi pour les autres colorants azoïques.
    • En ce qui concerne le lactose , on présume que les faibles quantités présentes dans les médicaments ne posent pas de problèmes chez la plupart des personnes intolérantes au lactose. Cela peut toutefois poser problème chez les personnes présentant une intolérance marquée au lactose.
    • La quantité de sodium varie fortement d’une spécialité à une autre, elle est surtout substantielle dans les préparations effervescentes. Un exemple: selon les RCP, le Perdolan® en comprimés effervescents de 500 mg contient par comprimé 144 mg de sodium (correspondant à 366 mg de chlorure de sodium), et le Dafalgan® en comprimés effervescents de 500 mg contient par comprimé 412,4 mg de sodium (correspondant à 1 g de chlorure de sodium). Il convient d’en tenir compte chez les patients devant suivre un régime pauvre en sel strict.
    • La quantité de sucre (entre autres glucose, fructose, sucrose) ne pose pas de problèmes pour la plupart des préparations, sauf pour les sirops. Il peut être utile d’en tenir compte chez les patients diabétiques.
 

Substitution d’une spécialité par une autre

Nous avons déjà signalé antérieurement dans les Folia que la substitution (d’une spécialité originale par une spécialité générique ou inversement, d’une spécialité générique par une autre, ou d’une spécialité originale par une autre) ne pose presque jamais de problèmes.

  • Dans le cas des médicaments à marge thérapeutique-toxique étroite, il est préférable d’éviter de substituer une spécialité par une autre. Si l' on décide quand même de substituer, cela doit se faire avec prudence et le patient doit être surveillé de près afin de détecter à temps des problèmes éventuels [voir Folia de février 2006 et février 2010 ].
  • Lors de la substitution d’une spécialité par une autre, la préférence du patient peut influencer le choix de la spécialité. Certains facteurs tels que l’odeur et le goût, ou la taille des comprimés par exemple, peuvent être importants pour le patient et influencer ainsi l’observance du traitement.
  • Chez les patients âgés ou les patients polymédiqués en particulier, il peut y avoir confusion entre différentes spécialités contenant le même principe actif, et il est préférable en cas de traitement médicamenteux chronique de poursuivre le traitement autant que possible avec la même spécialité. Le Centre Belge de Pharmacovigilance reçoit parfois des notifications d’effets indésirables liés au fait que le patient prend le même principe actif sous différentes dénominations. Le risque d’effets indésirables s’en trouve évidemment accru et il est donc important de bien communiquer avec le patient.