Effets indésirables des contraceptifs oraux: état de la question


Abstract

Les Folia ont déjà attiré l’attention à plusieurs reprises sur les effets indésirables des contraceptifs oraux. Cet article tente de faire le point sur les risques des contraceptifs oraux, sur base des études publiées au cours des années 2001 et 2002.

  • Carcinome mammaire. Dans une étude d’observation récente chez des femmes âgées de 35 à 64 ans qui prennent ou qui ont pris des contraceptifs oraux, aucun risque accru de carcinome mammaire n’a été observé par rapport à celles qui n’en ont jamais pris. Ces résultats sont rassurants. On ne peut toutefois pas oublier les résultats d’une méta-analyse de 54 études d’observation publiée en 1996 dans laquelle une légère augmentation du risque de carcinome mammaire a été observée chez des utilisatrices de la pilule, surtout celles de moins de 35 ans.
  • Carcinome cervical. Il existe de plus en plus de preuves du fait que, chez les femmes qui sont positives pour l’ADN du papillomavirus humain (HPV), les contraceptifs augmentent le risque de carcinome cervical.
  • Infarctus du myocarde. Il est aussi de plus en plus prouvé que le risque d’infarctus du myocarde augmente chez les femmes qui prennent des contraceptifs oraux, surtout en présence de facteurs de risque tel le tabagisme. La question de savoir si ce risque d’infarctus du myocarde est plus faible avec les contraceptifs de troisième génération (avec le gestodène ou le désogestrel comme progestatif) qu’avec les contraceptifs de deuxième génération (avec le lévonorgestrel comme progestatif) reste controversée.
  • Thrombo-embolie veineuse. Une méta-analyse apporte des preuves supplémentaires que le risque de thrombo-embolie veineuse est un peu plus élevé avec les contraceptifs de troisième génération qu’avec ceux de deuxième génération.

Dans les Folia, l’attention a déjà été attirée à plusieurs reprises sur les risques carcinogènes et cardio-vasculaires des contraceptifs oraux [ Folia de novembre 1995, mars et octobre 1996, janvier et juillet 1998, février 2000 et mars 2001 ]. Depuis, plusieurs nouvelles études ont été publiées à ce sujet et sont à l’origine de cette mise à jour sur les effets indésirables des contraceptifs oraux. La décision de prescrire des contraceptifs oraux doit se prendre après avoir évalué les facteurs de risque individuels, par ex. de carcinome mammaire ou de thrombo-embolie veineuse, mais bien sûr aussi les autres avantages éventuels que peuvent apporter les contraceptifs oraux à chaque femme en particulier (par ex. effet protecteur possible sur le carcinome de l’endomètre et de l’ovaire).


Carcinome mammaire


Ce qui a déjà été écrit dans les Folia

Le risque de carcinome mammaire a été discuté dans les Folia de janvier et juillet 1998 et de mars 2001 . On y concluait que, sur base des études disponibles, une faible augmentation du risque ne pouvait être exclue, surtout chez les femmes qui ont pris la pilule pendant très longtemps (> 10 ans) et chez qui cette longue période d’utilisation n’a pas été suivie d’une grossesse menée à terme; cette conclusion était basée essentiellement sur une méta-analyse de 54 études cas-témoins publiée en 1996. La prudence était dès lors recommandée en cas de prescription de contraceptifs oraux à des femmes avec des facteurs de risque de carcinome mammaire (par ex. antécédents personnels, antécédents chez des proches au 1er degré, c-à-d mère, soeur ou fille, antécédents de fibroadénome ou d’hyperplasie atypique).


Quel est l’état actuel de la question ?

Les résultats d’une étude cas-témoins (l’étude Women’s CARE) sur le risque de carcinome mammaire chez des femmes sous contraceptifs oraux ont été publiés en juin 2002. Cette étude réalisée chez environ 9.300 femmes de 35 à 64 ans qui prennent ou qui ont pris des contraceptifs oraux n’a pas montré de risque accru de carcinome mammaire. Aucun effet de la durée du traitement, de la dose d’estrogènes, du type de progestatif, de l’âge de l’instauration de la contraception orale ou de l’existence ou non d’antécédents familiaux n’a pu être mis en évidence.

Les résultats de cette étude sont évidemment encourageants. Il faut toutefois faire remarquer que dans la méta-analyse de 1996, le risque de carcinome mammaire était surtout accru chez les femmes de moins de 35 ans qui prenaient un contraceptif oral ou qui l’avaient arrêté au cours des 5 dernières années, et qui avaient débuté la contraception avant l’âge de 20 ans. L’étude Women’s CARE se rapporte à des femmes de 35 ans ou plus, et bien qu’une augmentation du risque n’ait pas été observée chez les femmes qui avaient débuté la contraception à un âge jeune, elle ne permet pas de tirer des conclusions quant au risque chez des femmes plus jeunes.


Carcinome cervical


Ce qui a déjà été écrit dans les Folia

Le risque de carcinome cervical a été discuté dans les Folia de janvier 1998. La conclusion était qu’une faible augmentation du risque ne pouvait être exclue chez les femmes qui prenaient la pilule depuis longtemps ou qui, après une longue utilisation, l’avaient arrêtée récemment (< 2 ans). Il était cependant aussi mentionné que ces résultats devaient être interprétés avec prudence étant donné que des facteurs tels l’activité sexuelle ou une infection par le papillomavirus humain (HPV) pouvaient avoir influencé les résultats.


Quel est l’état actuel de la question ?

En mars 2002 a été publiée une analyse globale des résultats de huit études cas-témoins chez des femmes positives pour l’ADN de l’HPV; les investigateurs partaient de l’hypothèse que chez les femmes négatives pour l’ADN de l’HPV, le risque de carcinome cervical ne devrait pas être accru. L’influence possible des contraceptifs oraux et du nombre de grossesses menées à terme sur le développement du cancer cervical y a été évaluée. Le risque de carcinome cervical (in situ ou invasif) était trois à quatre fois supérieur chez les femmes qui avaient pris pendant 5 ans ou plus un contraceptif oral par rapport à celles qui n’en n’avaient jamais pris. Un risque plus élevé de carcinome cervical a également été observé chez les femmes avec un plus grand nombre de grossesses menées à terme par rapport à celles qui n’en ont eu que deux ou moins. D’après les investigateurs, la diminution du nombre de carcinomes cervicaux observée dans la plupart des pays pourrait s’expliquer du moins en partie par la diminution du nombre de grossesses par femme. Selon l’auteur d’un éditorial, la principale conclusion de cette analyse est que l’utilisation prolongée de contraceptifs oraux ainsi qu’un nombre élevé de grossesses menées à terme augmentent le risque de carcinome cervical, et ce en favorisant la progression d’une infection par le HPV en un carcinome cervical "in situ&quot et finalement invasif. L’auteur de cet éditorial souligne que toute augmentation de risque est surtout importante dans les pays du tiers monde où le risque de carcinome cervical est élevé, et l’accès à un dépistage cytologique sérieux limité.


Infarctus du myocarde


Ce qui a déjà été écrit dans les Folia

Le risque d’infarctus du myocarde chez les femmes sous contraceptifs oraux a été discuté dans les Folia de janvier 1998et de février 2000 . On y concluait qu’une faible augmentation du risque d’infarctus du myocarde due aux contraceptifs oraux, y compris avec ceux faiblement dosés en estrogènes, ne pouvait être exclue surtout chez les femmes de plus de 35 ans, les fumeuses et les femmes hypertendues. Etant donné la faible incidence d’infarctus du myocarde chez les femmes sans facteur de risque cardio-vasculaire en âge de procréer, une éventuelle légère augmentation du risque n’entraînerait en tout cas qu’un faible nombre de cas supplémentaires. Les résultats de deux études d’observation suggèrent que le risque d’infarctus du myocarde est plus élevé chez les femmes qui prennent un contraceptif de deuxième génération (faiblement dosé en estrogènes avec du lévonorgestrel comme progestatif), que chez les femmes sous contraceptifs oraux de troisième génération (faiblement dosés en estrogènes avec du gestodène ou désogestrel comme progestatif); les résultats de l’étude MICA ne montrent par ailleurs aucune différence entre les contraceptifs de deuxième et de troisième générations [voir Folia de février 2000 ].


Quel est l’état actuel de la question ?

Dans une étude cas-témoins publiée en décembre 2001, un risque deux fois supérieur d’infarctus du myocarde a été observé chez les femmes sous contraceptifs oraux en général. Une analyse séparée ne montre pas d’augmentation du risque chez les femmes qui prennent un contraceptif de troisième génération, mais cette étude ne permet pas non plus de tirer des conclusions définitives quant à des différences éventuelles entre les contraceptifs de deuxième et de troisième générations. Le risque d’infarctus du myocarde était le plus élevé chez les utilisatrices de contraceptifs oraux qui fumaient, ou qui présentaient un diabète ou une hypercholestérolémie. Cette étude ne change donc rien aux conclusions des articles parus précédemment dans les Folia (voir plus haut). A l’heure actuelle, il n’est pas encore possible de répondre à la question de savoir si le risque d’infarctus du myocarde est en effet plus faible avec les contraceptifs oraux de troisième génération par rapport à ceux de deuxième génération. Le meilleur conseil que les médecins peuvent donner aux femmes qui souhaitent prendre la pilule est d’arrêter de fumer ou en tout cas de ne pas commencer.


Thrombo-embolie veineuse


Ce qui a déjà été écrit dans les Folia

Le risque de thrombo-embolie veineuse dû aux contraceptifs oraux a été discuté dans les Folia de novembre 1995, mars et octobre 1996, janvier et juillet 1998, et février 2000 . La conclusion était que le risque de thrombo-embolie veineuse est plus élevé avec tous les contraceptifs oraux, mais que cette augmentation du risque est plus importante chez les femmes sous contraceptifs oraux de troisième génération que chez celles sous contraceptifs oraux de deuxième génération. Ce risque supplémentaire est toutefois faible, et est surtout présent lors de l’instauration de la pilule. Le risque de thrombo-embolie veineuse pendant la grossesse est cependant plus élevé que lors de l’utilisation de n’importe quelle pilule.


Quel est l’état actuel de la question ?

Toutes les données actuellement disponibles continuent à montrer que le risque de thrombo-embolie veineuse est plus élevé avec les contraceptifs oraux de troisième génération qu’avec ceux de deuxième génération. Dans une méta-analyse des études d’observation (publiée en juillet 2001), le risque de thrombo-embolie veineuse était 1,7 fois supérieur avec les contraceptifs oraux de troisième génération qu’avec ceux de deuxième génération. Le British National Formulary mentionne pour le risque de thrombo-embolie veineuse chez les femmes jeunes sans facteur de risque, les chiffres absolus suivants:

  • 5 cas pour 100.000 femmes-année chez les femmes qui ne prennent pas la pilule,
  • 15 cas pour 100.000 femmes-année chez les femmes qui prennent un contraceptif oral de deuxième génération,
  • 25 cas pour 100.000 femmes-année chez les femmes qui prennent un contraceptif oral de troisième génération.

Les préparations à base d’éthinylestradiol et de l’antiandrogène acétate de cyprotérone ne sont pas indiquées en soi comme contraceptifs. Ces préparations peuvent toutefois être utilisées chez des femmes qui présentent une acné androgénique résistante au traitement ou une alopécie androgénique, et chez qui leurs propriétés contraceptives peuvent être utiles. Les résultats d’une étude cas-témoins récente montrent que le risque de thrombo-embolie veineuse est plus élevé avec les préparations à base d’éthinylestradiol et d’acétate de cyprotérone qu’avec les préparations à base d’éthinylestradiol et de lévonorgestrel.

D’après

  • P.A. Marchbanks et al.: Oral contraceptives and the risk of breast cancer. N Engl J Med 346 : 2025-2032(2002)
  • N.E. Davidson en K.J. Helzlsouer (editorial): Good news about oral contraceptives N Engl J Med 346 : 2078-2079(2002)
  • V. Moreno et al.: Effect of oral contraceptives on risk of cervical cancer in women with human papillomavirus infection: the IARC multicentric case-control study. Lancet 359 : 1085-1092(2002)
  • N. Munoz et al.: Role of parity and human papillomavirus in cervical cancer: the IARC multi-centric case-control study Lancet 359 : 1093-1101(2002)
  • D.C.G. Skegg (commentary): Oral contraceptives, parity and cervical cancer Lancet 359 : 1080- 1081(2002)
  • B.A. Tanis et al.: Oral contraceptives and the risk of myocardial infarction N Engl J Med 345 : 1787-1793(2001)
  • L. Chasan-Taber en M. Stampfer (editorial): Oral contraceptives and myocardial infarction – The search for the smoking gun. N Engl J Med 345 : 1841-1842(2001)
  • J.M. Kemmeren et al.: Third generation oral contraceptives and risk of venous thrombosis: meta-analysis. Brit Med J 323 : 131-134(2001)
  • J.O. Drife (editorial): The third generation pill controversy ("continued&quot). The risks are still small compared with those of pregnancy. Brit. Med. J. 323 : 119-120(2001)
  • C. Vasilakis-Scaramozza en H. Jick: Risk of venous thrombo-embolism with cyproterone or levonorgestrel contraceptives. Lancet 358 : 1427-1429(2001)