Prévention trombo-embolique dans la fibrillation auriculaire: état de la question


Abstract

Récapitulation

La prise en charge de la fibrillation auriculaire a déjà été discutée à plusieurs reprises dans les Folia [ juillet 2001 , juin 2003 , janvier 2004 , février 2004 ] et a également fait l’objet d’une Fiche de transparence [" Prise en charge de la fibrillation auriculaire " avec mises à jour].

L’objectif de la prise en charge de la fibrillation auriculaire est double: contrôler la fréquence cardiaque et prévenir les complications thrombo-emboliques.

En ce qui concerne la prévention des complications thrombo-emboliques, les recommandations basées sur le niveau de risque thrombo-embolique peuvent être résumées de la façon suivante.

  • Chez les patients avec un risque thrombo-embolique élevé (c.-à-d. âge > 75 ans, hypertension artérielle avec tension systolique > 160 mmHg, insuffisance cardiaque, valvulopathie, dysfonctionnement ventriculaire gauche, antécédents thrombo-emboliques ou diabète sucré), les anticoagulants oraux sont recommandés (avec un INR entre 2,0 et 3,0), vu que leurs avantages contrebalancent généralement leurs inconvénients.
  • Chez les patients avec un risque thrombo-embolique faible (c.-à-d. âge < 65 ans sans facteurs de risque thrombo-embolique supplémentaires), le risque d’ hémorragie sous anticoagulants oraux est probablement plus élevé que le bénéfice escompté, et l’emploi d’acide acétylsalicylique est recommandé.
  • Chez les patients avec un risque thrombo-embolique modéré, le choix entre l’acide acétylsalicylique et les anticoagulants doit se faire en tenant compte d’une part, du bénéfice attendu limité avec l’acide acétylsalicylique, et d’autre part du profil de risque du patient sur base de facteurs tels la polymédication, l’existence d’une comorbidité et l’âge du patient.

Dans les Folia d’ août 2006 , l’intérêt éventuel à associer un autre antiagrégant à l’ acide acétylsalicylique dans la prévention des accidents cérébro-vasculaires a été discuté (études ESPRIT et CHARISMA), mais ces études ne concernaient pas ou pas spécifiquement les patients atteints de fibrillation auriculaire.

Il nous paraît utile de discuter de plusieurs publications récentes sur la prévention des complications thrombo-emboliques dans la fibrillation auriculaire.


Nouvelles données


Anticoagulants oraux versus antiagrégants

  • Une méta-analyse de 19 études (17.833 patients au total) ayant comparé l’acide acétylsalicylique et les anticoagulants oraux en prévention des accidents thrombo-emboliques dans la fibrillation auriculaire a été publiée récemment [ Arch Intern Med 2006; 166: 1269-75 ]. Ces études portaient toutefois sur des populations hétérogènes quant au risque thrombo-embolique. Les résultats de cette méta-analyse montrent qu’un traitement par des anticoagulants oraux est associé à un risque moindre d’accidents thrombo-emboliques par rapport à l’acide acétylsalicylique, mais au prix d’une augmentation – bien que statistiquement non significative- du risque d’hémorragies graves.
  • L’étude ACTIVE W [publiée dans le Lancet 2006; 367: 1903-12 , avec un commentaire : 1877-8] a comparé, chez 6.700 patients atteints de fibrillation auriculaire avec un risque élevé d’accident vasculaire cérébral (voir plus haut), un traitement par des anticoagulants oraux (INR entre 2 et 3) et un traitement par l’association de clopidogrel (75 mg p.j.) et d’acide acétylsalicylique (75 à 100 mg p.j.). Les anticoagulants oraux étaient plus efficaces: le risque d’accident ischémique majeur était de 3,9% par an avec la warfarine et de 5,6% par an avec l’association acide acétylsalicylique + clopidogrel (statistiquement significatif). Aucune différence significative n’ a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne le risque d’hémorragies majeures (2,2% versus 2,4 % par an), tandis que le risque d’hémorragies mineures était plus élevé dans le groupe traité par les antiagrégants. Les résultats de cette étude confirment que chez les patients atteints de fibrillation auriculaire avec un risque thrombo-embolique élevé, les anticoagulants sont à préférer aux antiagrégants, même lorsque les antiagrégants sont utilisés en association.

Traitement antithrombotique et gravité des accidents vasculaires cérébraux

Une étude d’observation récente a évalué si l’administration préalable ou non d’un traitement antithrombotique influence la gravité des accidents vasculaires cérébraux chez 948 patients atteints de fibrillation auriculaire. Les résultats suggèrent qu’ un traitement préalable par des anticoagulants oraux (avec un INR > 2) diminue non seulement le risque d’accident vasculaire cérébral mais aussi la gravité de celui-ci, avec amélioration du pronostic du patient. Un traitement préalable par des antiagrégants semble aussi diminuer la gravité des accidents vasculaires cérébraux mais dans une moindre mesure. [ Lancet Neurology 5: 749-542006; ]


Notes

  • En ce qui concerne le contrôle du niveau d’anticoagulation par la mesure de l’ INR, il peut exister des divergences de résultats d’un laboratoire à l’autre. Il est donc préférable que les contrôles de l’ INR pour un même patient se fassent dans le même laboratoire.
  • L’occlusion de l’auricule gauche (Percutaneous Left Atrial Appendage Transcatheter Occlusion ou PLAATO) est une technique qui aide à éviter la formation de thrombi dans l’oreillette gauche. Cette technique est dès lors proposée comme alternative aux anticoagulants oraux en prévention des accidents thrombo-emboliques dans la fibrillation auriculaire, p. ex. chez les patients chez qui un traitement anticoagulant est contre-indiqué. Des études contrôlées, en particulier en ce qui concerne son efficacité à long terme et ses répercussions hémodynamiques, font toutefois défaut. [ Tijdschr voor Geneeskd 2006; 62: 1285-90]