Prévention des accidents cardio-vasculaires: y a-t-il un avantage à associer un autre antiagrégant à l’acide acétylsalicylique?


Abstract

L’acide acétylsalicylique est le premier choix dans la prévention secondaire des accidents cardio-vasculaires. Le clopidogrel peut être une alternative en cas de contre-indication, d’intolérance ou d’efficacité insuffisante de l’acide acétylsalicylique. Les preuves de l’efficacité du dipyridamole dans la prévention cardio-vasculaire sont faibles. La question qui se pose est de savoir s’il y a un avantage à associer un autre antiagrégant à l’acide acétylsalicylique. Deux études récentes apportent des éléments de réponse à cette question.

  • Dans l’étude CHARISMA, l’association de clopidogrel et d’acide acétylsalicylique n’a pas été plus efficace que l’acide acétylsalicylique seul dans la prévention des accidents cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires chez des patients avec un risque élevé.
  • Dans l’étude ESPRIT, l’association de dipyridamole et d’acide acétylsalicylique est apparue plus efficace que l’acide acétylsalicylique seul dans la prévention secondaire chez des patients ayant présenté un accident ischémique transitoire ou un accident vasculaire cérébral mineur, mais l’association a été mal tolérée par beaucoup de patients.

La place des antiagrégants dans la prévention des affections cardio- et cérébro-vasculaires est bien établie et a déjà été largement discutée dans les Folia de septembre 2002 février 2004 septembre 2004 . Il y est mentionné que l’acide acétylsalicylique (à raison de 75 à 160 mg p.j.) est le premier choix, que le clopidogrel (à raison de 75 mg p.j.) peut être une alternative en cas de contre-indication, d’intolérance ou d’efficacité insuffisante de l’acide acétylsalicylique, et que les preuves de l’efficacité du dipyridamole dans la prévention cardio-vasculaire sont faibles. La question qui se pose est de savoir s’il y a un avantage à associer un autre antiagrégant à l’acide acétylsalicylique dans la prévention cardio-vasculaire. Deux études publiées récemment, l’étude CHARISMA et l’étude ESPRIT, apportent des éléments de réponse à cette question.


L’association de clopidogrel et d’acide acétylsalicylique: l’étude CHARISMA

Plusieurs études ont montré un effet bénéfique de l’administration de l’association d’acide acétylsalicylique et de clopidogrel en présence de syndromes coronariens aigus ainsi que lors d’interventions coronariennes telle l’angioplastie coronaire transluminale percutanée. L’administration de cette association dans la prévention secondaire des accidents cardio-vasculaires n’est toutefois pas recommandée en routine.

L’étude CHARISMA a comparé l’efficacité de l’association de clopidogrel (75 mg p.j.) et d’acide acétylsalicylique (75 à 162 mg p.j.) par rapport à l’acide acétylsalicylique seul chez des patients présentant soit une affection cardio-vasculaire avérée, soit plusieurs facteurs de risque cardio-vasculaires (durée médiane de traitement de 28 mois). L’association de clopidogrel et d’acide acétylsalicylique dans ces conditions n’a pas été plus efficace que l’acide acétylsalicylique seul en ce qui concerne le critère d’évaluation primaire (une combinaison d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et de mortalité cardio-vasculaire). Il a toutefois été suggéré, sur base d’une analyse de sous-groupes, que le clopidogrel en association avec l’acide acétylsalicylique pouvait avoir un faible effet bénéfique chez les patients avec une affection cardio-vasculaire avérée, mais un effet néfaste chez les patients avec uniquement des facteurs de risque. Ces résultats étaient cependant à peine statistiquement significatifs. L’incidence d’hémorragies modérées à graves était plus élevée dans le groupe clopidogrel que dans le groupe placebo.

Les investigateurs de cette étude ainsi que l’auteur de l’éditorial s’y rapportant concluent qu’étant donné l’absence de bénéfice significatif et le risque accru d’hémorragie avec l’association ainsi que le coût du clopidogrel, il n’est pas justifié d’associer le clopidogrel à l’acide acétylsalicylique en prévention des accidents cardio-vasculaires chez des patients avec un risque élevé d’accident cardio-vasculaire.


L’association de dipyridamole et d’acide acétylsalicylique: étude ESPRIT

L’association d’acide acétylsalicylique et de dipyridamole n’était jusqu’ici pas recommandée, en raison de son coût élevé et de l’absence d’efficacité en terme de mortalité.

L’étude ESPRIT a comparé l’efficacité de l’association de dipyridamole (400 mg p.j. sous forme de préparation à libération prolongée) et d’acide acétylsalicylique (30 à 325 mg p.j.) par rapport à l’acide acétylsalicylique seul chez des patients ayant présenté un accident ischémique transitoire (AIT) ou un accident vasculaire cérébral (AVC) mineur au cours des 6 mois précédents. Après un suivi moyen de 3,5 ans, l’association de dipyridamole et d’acide acétylsalicylique a été de manière statistiquement significative plus efficace que l’acide acétylsalicylique seul en ce qui concerne le critère d’évaluation primaire (une combinaison de mortalité vasculaire, d’infarctus du myocarde non fatal, d’AVC non fatal et d’hémorragie majeure). Une méta-analyse de cette étude et de cinq autres études ayant comparé l’association de dipyridamole et d’acide acétylsalicylique par rapport à l’acide acétylsalicylique seul, montre une diminution du risque d’accident vasculaire majeur avec l’association [risque relatif 0,82; intervalle de confiance à 95% de 0,74 à 0,91]. L’auteur d’un commentaire au sujet de cette étude attire l’attention sur le fait qu’il n’est cependant pas toujours possible de poursuivre ce traitement de façon prolongée, et ce en raison des effets indésirables (céphalées), et souligne l’importance de ne pas négliger la prise en charge de tous les facteurs de risque cardio-vasculaires.


D’après

  • The CHARISMA investigators. Clopidogrel and aspirin versus aspirin alone for the prevention of atherothrombotic events. N Engl J Med 2006; 354: 1706-17
  • Pfeffer MA et Jarcho JA.: The charisma of subgroups and the subgroups of CHARISMA. N Engl J Med 2006; 354: 1744-6
  • Norrving B.: Dipyridamole with asprin for secondary stroke prevention. Lancet 2006; 367: 1638-9
  • The ESPRIT Study Group. Aspirin plus dipyridamole versus aspirin alone after cerebral ischaemia of arterial origin (ESPRIT): randomized controlled trial. Lancet 2006; 367: 1665-73