Prévention secondaire après infarctus du myocarde: état de la question


Abstract

Dans la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde, outre les mesures non médicamenteuses, un antiagrégant, un β-bloquant, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et une statine sont systématiquement recommandés. Un effet bénéfique sur la mortalité et sur le risque de récidive a en effet été démontré avec des médicaments appartenant à ces quatre classes. Le traitement est en principe poursuivi indéfiniment.

Des études randomisées récentes ont apporté de nouvelles preuves concernant la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde. Outre les programmes de revalidation comportant entre autres des exercices physiques adaptés, des conseils diététiques et l’arrêt du tabagisme, l’administration de médicaments appartenant aux quatre classes suivantes est maintenant systématiquement recommandée: les antiagrégants, les β-bloquants, les IECA et les statines. Malgré l’apparition de preuves de plus en plus nombreuses, il semble que ces mesures préventives restent encore sous-utilisées dans la pratique courante.


Antiagrégants

La place des antiagrégants dans la prévention secondaire après un infarctus du myocarde est bien établie. L’acide acétylsalicylique à raison de 75 à 160 mg p.j. est le traitement de premier choix et doit être poursuivi indéfiniment [voir aussi Folia de septembre 2002 et de février 2004 ]. Des doses supérieures à 160 mg par jour ne sont pas plus efficaces et augmentent le risque de toxicité gastrique. Le clopidogrel (75 mg p.j.) est une alternative efficace mais coûteuse à l’acide acétylsalicylique en cas d’intolérance ou d’efficacité insuffisante. L’association d’acide acétylsalicylique et de clopidogrel entraîne un risque accru d’hémorragie et dans l’attente des résultats d’études encore en cours, cette association ne devrait pas être utilisée en routine [n.d.l.r.: cette association est toutefois utilisée pendant une période variant de un à 12 mois après une angioplastie coronaire transluminale percutanée avec mise en place d’un stent].


β-bloquants

Les β-bloquants font depuis longtemps partie de la prévention secondaire après un infarctus du myocarde. Une diminution du risque de décès et de récidive d’infarctus du myocarde non fatal a été démontrée avec le métoprolol, le propranolol et le timolol [n.d.l.r.: en Belgique, la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde figure comme indication dans les notices des spécialités à base de ces β-bloquants (situation au 1er juillet 2004)]. Les β-bloquants restent néanmoins sous-utilisés dans cette indication, probablement en raison de la crainte d’effets indésirables. Il ressort toutefois d’une revue systématique récente que les patients traités par un β-bloquant ne présentent pas un risque accru de dépression et que le risque de fatigue et de troubles sexuels n’est que faiblement augmenté. D’autre part, une revue Cochrane récente conclut que chez les patients atteints d’une forme légère à modérée d’asthme ou de BPCO, les β-bloquants cardiosélectifs ne semblent pas entraîner d’effets indésirables respiratoires à court terme et ne devraient dès lors pas être évités chez de tels patients. Leur innocuité à long terme (en particulier leur impact lors d’une exacerbation aiguë) n’est cependant pas établie.


Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine

Dans la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, un IECA est systématiquement administré pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indication. La poursuite du traitement (p.ex. après évaluation après 6 semaines), c.-à-d. le passage à la prévention secondaire, n’était traditionnellement recommandée que chez les patients présentant des signes d’insuffisance cardiaque ou un dysfonctionnement ventriculaire gauche, c.-à-d. des patients à haut risque [voir Folia de septembre 1997].

Récemment, deux études à large échelle randomisées et contrôlées par placebo, l’étude HOPE (avec le ramipril) et l’étude EUROPA (avec le périndopril), ont montré une diminution du critère d’évaluation combinant la morbidité (e.a. le risque d’infarctus du myocarde) et la mortalité cardio-vasculaires, et ce indépendamment de la fonction ventriculaire gauche. Sur base de ces études, il est dès lors recommandé de traiter à long terme par un IECA tous les patients ayant fait un infarctus du myocarde, pour autant bien sûr qu’il n’y ait pas de contre-indication. [N.d.l.r.: certains auteurs estiment toutefois que chez les patients ayant fait un infarctus du myocarde mais présentant par ailleurs un faible risque cardio-vasculaire, un traitement à vie par un IECA ne doit pas être systématiquement envisagé. Cette position se justifie de plus par le fait que dans l’étude EUROPA effectuée avec le périndopril chez des patients avec un risque cardio-vasculaire pas trop élevé, il y avait une diminution du critère d’évaluation combiné mais pas de la mortalité lorsque celle-ci était analysée séparément]. Chez les patients avec un dysfonctionnement ventriculaire gauche et/ou une insuffisance cardiaque, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II semblent aussi efficaces que les IECA (étude OPTIMAAL avec le losartan, l’étude VALIANT avec le valsartan) et sont proposés comme alternative en cas d’intolérance à ces derniers. [N.d.l.r.: en Belgique, la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde est mentionnée comme indication dans les notices scientifiques des IECA à base de captopril, lisinopril, ramipril (situation au 1er juillet 2004). Cette indication n’est mentionnée dans aucune des notices des spécialités à base d’un sartan (situation au 1er juillet 2004).]


Statines

Les statines font maintenant aussi partie du traitement standard après un infarctus du myocarde. Une diminution de la mortalité et du risque d’accident vasculaire majeur a en effet été observée avec certaines statines, et ce indépendamment de l’âge, du sexe ou du taux de cholestérol initial des patients [voir aussi Folia de janvier 2003 ]. Le taux précis de cholestérol à partir duquel un tel traitement doit être instauré après un infarctus du myocarde n’est pas clairement défini, mais les articles de référence mentionnent un taux de cholestérol total supérieur ou égal à 5 mmol/l (195 mg/dl). [N.d.l.r.: voir aussi l’article "Les statines dans la prévention cardio-vasculaire: état de la question" publié dans les Folia de juillet 2004 dans lequel on mentionne pour le remboursement un taux de cholestérol total supérieur ou égal à 190 mg/dl, ou un taux de LDL cholestérol supérieur ou égal à 115 mg/dl].


Autres

Outre ces quatre classes thérapeutiques principales, d’autres médicaments tels les dérivés nitrés et les antagonistes du calcium (surtout le vérapamil et le diltiazem) peuvent être utiles dans la prise en charge des symptômes d’angor ou de facteurs de risque tels l’hypertension en cas d’intolérance aux β-bloquants et aux IECA. Aucun effet sur la mortalité n’a cependant été observé avec les dérivés nitrés ou les antagonistes du calcium.

D’après

  • H. Dalal et al.: Recent developments in secondary prevention and cardiac rehabilitation after acute myocardial infarction. Brit Med J 328 : 693-697(2004)
  • National Institute for Clinical Excellence ( www.nice.org.uk ). Clinical guideline A: prophylaxis for patients who have experienced a myocardial infarction (Review date: april 2003)

Note de la rédaction

La place des anticoagulants oraux dans la prévention secondaire après infarctus du myocarde a été discutée dans le numéro thématique sur le traitement antithrombotique [ Folia de février 2004 ]: les anticoagulants oraux ne se justifient pas de manière systématique après un infarctus du myocarde mais peuvent être envisagés chez les patients avec un risque thrombo-embolique veineux élevé, par ex. en cas d’infarctus antérieur étendu.