Contrôle intensif de la glycémie dans le diabète de type 2: les études ACCORD et ADVANCE


Abstract

L’étude UKPDS a montré qu’un contrôle intensif de la glycémie (taux d’hémoglobine glycosylée (HbA1c) entre 7 et 7,5%) dans le diabète de type 2 diminue le risque de complications microvasculaires, et les résultats du suivi de cette étude indiquent que ce bénéfice se maintient à long terme. Deux études récentes, ACCORD et ADVANCE, ont analysé dans quelle mesure un contrôle encore plus intensif de la glycémie (HbA1c inférieur à 6 ou 6,5 %) diminuerait davantage le risque de complications vasculaires chez des patients diabétiques de type 2 avec un risque cardio-vasculaire élevé. Les résultats de ces deux études n’apportent pas d’argument convaincant en faveur d’un taux d’HbA1c inférieur au taux de 7% (en ce qui concerne les complications macrovasculaires dans les 5 ans), et un taux d’HbA1c de 7% paraît toujours le plus indiqué chez les patients diabétiques de type 2 avec un risque cardio-vasculaire élevé.

Les patients diabétiques ont un risque accru de développer des maladies cardio-vasculaires. A l’instar de l’étude DCCT dans le diabète de type 1, l’étude UKPDS dans le diabète de type 2 a montré qu’un contrôle rigoureux de la glycémie diminue le risque de complications microvasculaires du diabète (surtout la rétinopathie) mais sans avoir pu démontrer un effet favorable sur le risque de complications macrovasculaires [voir Folia de février 1999 et de septembre 2000 ]. Les résultats du suivi à long terme de l’étude UKPDS ont été publiés récemment early online sur le site Web du New England Journal of Medicine (10/09/’08; publications dans le numéro du 09/10/’08). En ce qui concerne le contrôle intensif de la glycémie (HbA1c entre 7 et 7,5%), les résultats indiquent non seulement que l’effet bénéfique observé sur les complications microvasculaires se maintient après 10 ans (et ce, malgré un contrôle moins intensif de la glycémie après l’arrêt de la phase randomisée de l’étude, avec un taux d’HbA1c entre 6,9 et 10%), mais également que cet effet s’accompagne d’une légère diminution à long terme du risque d’infarctus du myocarde et de la mortalité (surtout chez les patients traités par la metformine).

Deux études multicentriques à large échelle récentes, l’étude ACCORD et l’étude ADVANCE, ont évalué dans quelle mesure un contrôle encore plus intensif de la glycémie (HbA1c inférieur à 6 ou 6,5 %) diminue davantage le risque de complications vasculaires par rapport au traitement standard (HbA1c 7 à 7,5%) chez des patients atteints d’un diabète de type 2 de longue durée (au moins 8 à 10 ans d’évolution) et présentant un risque cardio-vasculaire élevé (c.-à-d. une affection cardio-vasculaire et/ou au moins un facteur de risque cardio-vasculaire supplémentaire) [ Etude ACCORD: N Engl J Med 2008; 358: 2545-59 ; étude ADVANCE N Engl J Med 2008; 358: 2560-72 ; et deux éditoriaux s’y rapportant 2008; 358: 2630-3 et : 2633-5 ].


Etude ACCORD

Dans l’étude ACCORD, le contrôle intensif de la glycémie visait à obtenir un taux d’HbA1c inférieur à 6%. Le critère d’évaluation primaire était une combinaison d’infarctus du myocarde non fatal, d’accident vasculaire cérébral non fatal et de mortalité cardio-vasculaire (toutes les complications macrovasculaires). En raison d’une augmentation de la mortalité dans le groupe sous traitement plus intensif (HbA1c < 6%) par rapport au traitement visant à obtenir un taux d’HbA1c entre 7 et 7,9%, cette branche de l’étude a été interrompue prématurément 18 mois plus tôt que prévu, après un suivi de 3,5 ans. L’augmentation de la mortalité dans cette étude correspond à un décès supplémentaire pour 95 patients traités pendant 3,5 ans (Number Needed to Harm ou NNH = 95). Dans les deux groupes, le taux de mortalité était toutefois inférieur à celui observé dans des études épidémiologiques chez le même type de patients. Par ailleurs, les résultats après un suivi de 3,5 ans ne montrent pas, dans le groupe sous traitement intensif, de diminution statistiquement significative du risque d’accidents cardio-vasculaires majeurs. L’étude ACCORD se poursuit avec des critères de contrôle glycémique moins stricts (HbA1c entre 7 et 7,9%).


Etude ADVANCE

Dans l’étude ADVANCE, le contrôle intensif de la glycémie visait à obtenir un taux d’HbA1c inférieur à 6,5%. Le critère d’évaluation primaire était une combinaison d’accidents macrovasculaires (infarctus du myocarde non fatal, accident vasculaire cérébral non fatal et mortalité cardio-vasculaire) et d’accidents microvasculaires (apparition ou aggravation d’une rétinopathie ou d’une néphropathie). Les résultats après un suivi médian de 5 ans montrent une diminution statistiquement significative du critère d’évaluation primaire dans le groupe sous traitement intensif par apport au traitement moins intensif, mais cette diminution est due surtout à la diminution de la néphropathie. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes en ce qui concerne la rétinopathie, les accidents macrovasculaires, la mortalité cardio-vasculaire et la mortalité totale.


Discussion

Les études ACCORD et ADVANCE montrent que, chez des patients atteints d’un diabète de type 2 de longue durée, avec un risque cardio-vasculaire élevé, contrôler la glycémie de façon à atteindre un taux d’HbA1c inférieur à 6 ou 6,5 % ne diminue pas davantage le risque de complications vasculaires majeures par rapport au traitement moins intensif (du moins dans les 5 premières années). Les résultats de l’étude ADVANCE montrent toutefois l’effet bénéfique d’un traitement très intensif sur la néphropathie. Ces études ne permettent pas de tirer des conclusions quant à l’effet d’un traitement très intensif chez des patients diabétiques de type 2 avec un faible risque cardio-vasculaire (c.-à-d. sans affection cardio-vasculaire existante ou facteur de risque cardio-vasculaire supplémentaire).

Bien que ces deux études n’apportent pas d’argument convaincant en faveur d’un taux d’HbA1c inférieur à 7%, elles ne mettent pas en doute l’intérêt d’un contrôle rigoureux de la glycémie avec un taux d’HbA1c le plus proche possible de 7%, tel que recommandé dans la plupart des directives. Lorsque ce taux ne peut être atteint, il est nécessaire de revoir le traitement. Si l’on vise quand même à atteindre un taux d’HbA1c inférieur à 6 ou 6,5%, il convient de bien mettre en balance le bénéfice escompté, en particulier en termes de complications microvasculaires, et le risque d’effets indésirables tel que le risque élevé d’hypoglycémies graves.


Note

Cet article discute du contrôle intensif de la glycémie dans le diabète de type 2 chez des patients présentant un risque cardio-vasculaire élevé, mais il est évident qu’une prise en charge intensive multifactorielle des autres facteurs de risque cardio-vasculaires est certainement très importante chez ces patients. Les résultats d’une étude d’observation parue récemment dans le N Engl J Med [2008; 358: 580-91 ] et discutée dans Minerva [2008; 7: 106-7] indiquent que l’effet bénéfique sur le risque cardio-vasculaire d’une prise en charge multifactorielle, comme déjà observé dans l’étude STENO après un suivi de 7,8 ans, persiste après un suivi de 13,3 ans et s’accompagne en outre d’une diminution de la mortalité.

Les études ACCORD et ADVANCE ont également évalué l’effet d’un contrôle intensif de la tension artérielle sur le risque d’accidents cardio-vasculaires chez des patients diabétiques de type 2 présentant au moins un autre facteur de risque cardio-vasculaire. Cette branche de l’étude ACCORD est encore en cours. Les résultats de cette branche de l’étude ADVANCE ont été publiés dans Lancet [2007; 370: 829-40 avec un éditorial : 804-5 ]. Ils montrent une diminution du risque d’accidents cardio-vasculaires majeurs de 9% et une diminution du risque de décès de 14% chez les patients (hypertendus ou normotendus) traités de façon intensive par l’association de périndopril et d’indapamide (2 mg/0,625 mg augmenté après 3 mois à 4 mg/1,25 mg, en plus du traitement habituel). Ces résultats confirment l’intérêt d’un contrôle tensionnel rigoureux (< 130/80 mmHg) chez les patients diabétiques présentant un risque cardio-vasculaire élevé, mais ils ne permettent pas d’affirmer la supériorité de l’association utilisée par rapport à d’autres antihypertenseurs ou associations d’antihypertenseurs [voir aussi Folia d' avril 2004 ].