COVID-19 : ivermectine, vitamine D et remdésivir : leur intérêt a-t-il été prouvé ? (mise à jour du 22/12 : guideline du NICE sur la vitamine D et la COVID-19) 3 décembre 2020
dernière mise à jour: 22 décembre 2020

Ivermectine: une efficacité revendiquée mais non prouvée

Le CBIP a reçu des informations rapportant l’usage de l'ivermectine par voie orale, en pratique ambulatoire, chez des patients COVID-19. L'ivermectine est un antiparasitaire qui est utilisé par voie orale dans la gale notamment [l'ivermectine n'est pas disponible en Belgique à usage oral, uniquement sous forme de crème]. L'allégation selon laquelle l'ivermectine serait efficace par voie orale dans la COVID-19 n'est fondée sur aucune preuve clinique. Un effet antiviral a été observé in vitro à des concentrations beaucoup plus élevées que les concentrations plasmatiques observées après l'utilisation d'ivermectine par voie orale dans le traitement de certaines parasitoses. Par ailleurs, un effet in vitro permet au mieux de générer des hypothèses mais ne permet pas de se prononcer sur un effet clinique. L'utilisation d'ivermectine peut s'accompagner d'effets indésirables graves (tels que réactions cutanées graves, hépatotoxicité).1

Vitamine D: les données sont insuffisantes pour formuler des recommandations (mise à jour du 22/12 : guideline du NICE sur la vitamine D et la COVID-19)

L'administration de vitamine D, que ce soit à titre préventif contre la COVID-19 ou à titre curatif chez les patients atteints de COVID-19, suscite beaucoup d’intérêt. Cet usage n’est toutefois étayé par aucune étude solide à l’heure actuelle.
Les arguments évoqués pour l’usage de la vitamine D reposent surtout sur les effets immunomodulateurs potentiels de la vitamine D, sur des données suggérant (mais les preuves sont insuffisantes) que la supplémentation en vitamine D protège contre les infections aiguës des voies respiratoires, et sur des études suggérant un lien entre la carence en vitamine D et la COVID-19, un lien dont la causalité n'a pas été démontrée. Des études observationnelles et interventionnelles sont en cours pour examiner ce lien.
Le niveau de preuve de l'étude pilote, menée à petite échelle, qui suggère que la supplémentation en vitamine D chez les patients COVID-19 hospitalisés réduit le risque d'admission en soins intensifs, est trop faible et ne permet pas de tirer des conclusions.2 À l'heure actuelle, les données sont insuffisantes pour recommander ou déconseiller l'utilisation de la vitamine D à titre curatif ou préventif chez les patients atteints de COVID-19.
Un guideline du NICE (17/12/20)2 sur la vitamine D et la COVID-19 conclut que la supplémentation en vitamine D ne doit pas être proposée dans le seul but de prévenir ou de traiter la COVID-19 (sauf dans le cadre d'études cliniques). Une supplémentation en vitamine D est toutefois fortement recommandée chez les personnes présentant une carence (ou un risque de carence) en vitamine D. Les auteurs du guideline du NICE reconnaissent qu'un faible taux de vitamine D est associé à une évolution plus sévère de la COVID 19. Ils indiquent cependant clairement qu'il est impossible de confirmer la causalité de cette association, car de nombreux facteurs de risque d’une forme sévère de COVID-19 sont également des facteurs de risque d’un faible taux de vitamine D.
Pour l'instant, les recommandations en matière de supplémentation en vitamine D restent inchangées, une supplémentation étant recommandée chez les patients présentant une carence (ou un risque de carence) en vitamine D : en particulier les personnes âgées (surtout les personnes âgées institutionnalisées), mais aussi les femmes enceintes (en particulier les femmes enceintes à la peau foncée) et certains enfants (voir le Répertoire 14.2.1.2.). La supplémentation en vitamine D chez les personnes âgées institutionnalisées est toujours justifiée. Dans cette pandémie de COVID-19, le seuil de prescription de vitamine D chez les personnes âgées dont on suspecte qu’elles présentent une carence chronique en vitamine D peut être maintenu à un bas niveau, à condition d’administrer des doses limitées (calcifédiol ou colecalciférol 800 UI par jour).

Remdésivir: pourquoi l'OMS recommande-t-elle de ne pas l'utiliser ?

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas utiliser l’antiviral remdésivir* chez les patients COVID-19, quelle que soit la gravité de leur maladie.3 L'OMS qualifie cette recommandation de « conditionnelle », fondée sur des preuves de faible niveau (low certainty evidence). La recommandation s’appuie sur une synthèse méthodique et une méta-analyse en réseau de 4 études randomisées portant sur un total de 7.333 patients hospitalisés, présentant des formes de COVID-19 de gravité variable (les études les plus importantes étant l'étude WHO SOLIDARITY et l'étude ACTT-1). Les auteurs du rapport de l'OMS concluent que trop d'incertitudes subsistent et que l’on manque de preuves concernant l’effet bénéfique du remdésivir sur des critères d’évaluation cliniquement importants, tels que la mortalité ou la nécessité de ventilation mécanique. La question de savoir si le remdésivir pourrait avoir, dans certains sous-groupes de patients COVID-19, un effet positif ou au contraire nocif, reste sans réponse. Les études randomisées ne montrent pas d’effets indésirables graves, mais les études ont été menées à trop petite échelle pour pouvoir détecter des effets indésirables rares. Les auteurs du rapport de l'OMS craignent en outre que le remdésivir, qui coûte cher, ne détourne l'attention et les ressources financières des soins de soutien optimaux et du traitement par corticostéroïdes dans les formes graves de COVID-19.
* En juin 2020, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a accordé une autorisation de mise sur le marché conditionnelle au remdésivir (Veklury®), avec comme indication le traitement de la COVID-19 chez les adultes et les adolescents présentant une pneumonie et nécessitant une oxygénothérapie. L'autorisation est basée sur un effet favorable du remdésivir sur le délai de rétablissement, par rapport au placebo, chez des patients COVID-19 hospitalisés gravement malades, dans l'étude ACTT-1.4 Dans les recommandations belges (Sciensano, version 01/12/20)5, une place limitée est accordée au remdésivir chez les patients COVID-19 dans un état critique.
 
Note: pour tous nos articles relatifs aux médicaments dans la COVID-19: voir les Actualités COVID-19 sur notre site.
 

Sources spécifiques

1.  https://swab.nl/nl/covid-19 (mot-clé: ivermectine); https://www.fda.gov/emergency-preparedness-and-response/coronavirus-disease-2019-covid-19/covid-19-frequently-asked-questions (mot-clé: ivermectin); https://www.covid19treatmentguidelines.nih.gov/antiviral-therapy/ivermectin/
2.  https://swab.nl/nl/covid-19 (mot-clé: vitamine D); https://www.covid19treatmentguidelines.nih.gov/adjunctive-therapy/vitamin-d/ ; https://www.bmj.com/content/369/bmj.m2629; https://www.nice.org.uk/advice/es28/chapter/Key-messages (29/06/20, avec le “medicines evidence commentary on vitamin D supplementation for preventing intensive care admission in people with COVID-19 associated pneumonia” du 28/09/20); étude pilote via ce lien; NICE: COVID-19 rapid guideline: vitamin D, NICE guideline [NG197], 17/12/20, sur https://www.nice.org.uk/guidance/ng187
3.  Therapeutics and COVID-19: living guideline. WHO REFERENCE NUMBER: WHO/2019-nCov/remdesivir/2020.1. Via https://www.who.int/publications/i/item/therapeutics-and-covid-19-living-guideline. Voir aussi BMJ 2020; 370:m3379 (doi: https://doi.org/10.1136/bmj.m3379)
4.  https://www.ema.europa.eu/en/news/first-covid-19-treatment-recommended-eu-authorisationhttps://www.ema.europa.eu/en/medicines/human/EPAR/veklury et https://www.ema.europa.eu/en/news/update-remdesivir-ema-will-evaluate-new-data-solidarity-trial
5.  Sciensano. Interim clinical guidance for adults with suspected or confirmed COVID-19 in Belgium. Version 15, 1 décembre 2020. Via https://covid-19.sciensano.be/sites/default/files/Covid19/COVID-19_InterimGuidelines_Treatment_ENG.pdf