Antipyrétiques chez l’enfant: des données récentes ne modifient pas les recommandations sur la prise en charge de la fièvre chez l’enfant 21 octobre 2008

En cas de fièvre chez l’enfant, il est important de rappeler que la fièvre en elle-même n’est pas dangereuse, et que d’autres symptômes sont plus importants pour déterminer la gravité d’une infection. Lorsqu’un antipyrétique est prescrit pour soulager l’inconfort, le paracétamol et l’ibuprofène sont les premiers choix. Les résultats d’une étude récente n’apportent aucun argument en faveur de l’utilisation concomitante ou en alternance de ces deux médicaments. Aucune différence n’a été observée entre ces médicaments quant à leur effet sur les symptômes après 48 heures, mais la durée d’action un peu plus longue de l’ibuprofène peut toutefois être un avantage par rapport au paracétamol. Il convient néanmoins de tenir compte des effets indésirables de l’ibuprofène. D’autre part, les résultats d’une étude d’observation, suggérant un lien entre la prise de paracétamol et l’apparition d’asthme à l’âge de 6 -7 ans, ne permettent pas de tirer des conclusions et ne modifient pas le rapport bénéfice/risque du paracétamol. Ces données ne modifient donc pas les recommandations concernant la prise en charge de la fièvre chez l’enfant.

 

En cas de fièvre chez  l’enfant, il est important de rappeler aux parents que la fièvre en elle-même n’est pas dangereuse, et que d’autres symptômes tels qu’une dyspnée, une tachypnée ou des pétéchies sont plus importants que le degré de fièvre pour déterminer la gravité d’une infection. Lorsqu’un traitement antipyrétique est prescrit pour soulager l’inconfort, le paracétamol et l’ibuprofène sont les premiers choix. L’acide acétylsalicylique est déconseillé en cas de fièvre chez l’enfant en raison de la possibilité d’un risque accru de syndrome de Reye [voir Folia de mars 2003 et de septembre 2003]. Le choix entre le paracétamol et l’ibuprofène  a déjà été discuté antérieurement, entre autres dans les Folia de juillet 2005. La conclusion était la suivante: le paracétamol, de préférence par voie orale, est le premier choix; l’ibuprofène est aussi efficace mais le risque d’effets indésirables est plus important.

Des publications récentes sur l’efficacité et l’innocuité du paracétamol relancent la discussion sur le choix de l’antipyrétique de premier choix chez l’enfant.

 

L’étude PITCH

Le British Medical Journal a publié récemment les résultats d’une étude randomisée contrôlée ayant comparé le paracétamol, l’ibuprofène  ou l’association des deux médicaments dans la prise en charge de la fièvre en première ligne chez 156 enfants âgés de 6 mois à 6 ans [étude PITCH: BMJ 2008; 337: a1302]. Les critères d’évaluation primaires étaient la durée de la période sans fièvre pendant les 4 heures suivant la prise de l’antipyrétique, et l’absence d’inconfort et de symptômes associés à la fièvre après 48 heures . Aucune différence n’a été observée entre les groupes en ce qui concerne l’amélioration de l’inconfort et des symptômes associés à la fièvre après 48 heures (le pouvoir de détection de telles différences était cependant faible dans cette étude). Quant à la durée de la période sans fièvre pendant les 4 premières heures,  l’association paracétamol + ibuprofène est apparue aussi efficace que l’ibuprofène seul et plus efficace que le paracétamol seul (différence de 55 minutes, intervalle de confiance à 95% de 33 à 77). Les auteurs concluent que l’ibuprofène devrait être utilisé comme antipyrétique de premier choix, et que l’ajout de paracétamol ne devrait être envisagé qu’en l’absence d’amélioration après 24 heures. Par ailleurs, une analyse du coût de ces différents traitements antipyrétiques n’a pas mis en évidence de différence importante entre les groupes [BMJ 2008;337:a1490].

Dans un éditorial se rapportant à cette étude [BMJ 2008;337:a1409], l’auteur attire l’attention sur le fait que l’objectif principal d’un traitement antipyrétique est de diminuer l’inconfort associé à la fièvre, et qu’il n’est pas prouvé que le fait de traiter la fièvre diminue la durée de la maladie ou le risque de complications, y compris les convulsions fébriles. Etant donné l’absence de bénéfice de l’association par rapport à l’ibuprofène, il n’y a aucun argument en faveur de l’utilisation concomitante ou en alternance d’ibuprofène et de paracétamol. La durée d’action un peu plus longue de l’ibuprofène peut être un avantage par rapport au paracétamol, mais il convient de tenir compte de ses effets indésirables tels que des problèmes gastriques, des réactions d’hypersensibilité et un risque d’atteinte rénale, surtout en cas de déshydratation (dans l’étude PITCH, les enfants présentant un état de déshydratation ou une atteinte rénale étaient exclus). Des infections des tissus mous parfois graves, telle qu’une fasciite nécrosante, ont également été décrites lors de l’utilisation de l’ibuprofène dans certaines infections virales, p. ex. par le virus de la varicelle [BMJ 2008 ; 337:a1767].  Aux doses thérapeutiques, le paracétamol entraîne peu d’effets indésirables.

 

Paracétamol et asthme

Les résultats d’une large étude d’observation ayant porté sur plus de 200.000 enfants suggèrent que l’utilisation de paracétamol pendant la première année de vie pourrait être associée à un risque accru d’asthme (odds-ratio 1,5 ; intervalle de confiance à 95% 1,4-1,6), de rhinoconjonctivite (OR 1,48 ; IC 95% 1,38 à 1,60) ou d’eczéma (OR 1,35 ; IC 95% 1,26 à 1,45) à l’âge de 6-7 ans [The Lancet  2008;372:1039-48 avec un éditorial 1011-2].

Il s’agit toutefois d’une étude d’observation, ce qui implique un certain nombre de problèmes méthodologiques. Toutes les données, y compris le diagnostic de l’asthme, proviennent de questionnaires complétés rétrospectivement par les parents. Il est possible que les parents d’enfants asthmatiques se rappellent plus facilement de ce qu’ils ont administré à leurs enfants 6 à 7 ans auparavant par rapport aux parents d’enfants en bonne santé (biais d’information ou « recall bias »). Des variables confondantes sont également possibles : d’une part, les enfants ayant une constitution asthmatique sont plus sensibles aux infections virales et peuvent dès lors avoir été traités plus souvent par du paracétamol; d’autre part, une infection virale concomitante à la prise du paracétamol et la prise d’autres médicaments peuvent aussi avoir eu un rôle dans l’apparition ultérieure de l’asthme. Comme le signalent les investigateurs eux-mêmes ainsi que l’auteur de l’éditorial, les résultats de cette étude ne permettent de tirer aucune conclusion quant à un éventuel lien de causalité. [A propos des études d’observation, voir Folia d’octobre 2005].

 

Conclusion

Ces données ne modifient pas le rapport bénéfice/risque du paracétamol, et renforcent les recommandations concernant l’usage rationnel des antipyrétiques dans la prise en charge de la fièvre chez l’enfant. Les dernières recommandations du National Institute for Health and Clinical Excellence [NICE clinical guideline 47, mai 2007] à ce sujet peuvent être résumées de la façon suivante.

-          L’utilisation d’antipyrétiques ne devrait être envisagée chez l’enfant que lorsque la fièvre occasionne un inconfort ou des symptômes. L’utilisation d’antipyrétiques dans le but de diminuer le risque de convulsions fébriles ne se justifie pas.

-          Le paracétamol ou l’ibuprofène peuvent être utilisés en monothérapie pour diminuer la température. [N.d.l.r.: lorsque le choix se porte sur l’ibuprofène, il convient cependant d’être attentif aux situations pouvant augmenter le risque d’effets indésirables telles que déshydratation, diarrhée, insuffisance rénale, infection virale par le virus de la varicelle].

-          L’utilisation concomitante ou en alternance de paracétamol et d’ibuprofène n’est pas recommandée.

Il convient aussi bien entendu de veiller à prescrire une dose adaptée au poids de l’enfant et d’informer les parents de ne pas dépasser les doses maximales recommandées :

paracétamol : 10 à 15 mg/kg/prise jusqu’à 4 fois par jour ;

ibuprofène :

-          6 à 12 mois : jusqu’à 3x p.j. 50 mg

-          1 à 2 ans : jusqu’à 3 à4 x p.j. 50 mg

-          2 à 7 ans : jusqu’à 3 à 4 x p.j. 100 mg

-          > 7 ans : jusqu’à 3 à 4 xp.j. 200 mg