14 décembre 2010

TRAITEMENT HYPOCHOLESTEROLEMIANT INTENSIF PAR UNE STATINE A DOSES ELEVEES

- Chez les patients présentant des antécédents d’accidents cardio-vasculaires ou un syndrome coronarien aigu, l’administration d’une statine à doses élevée peut entraîner une faible diminution du nombre d’accidents cardio-vasculaires majeurs, comparé à la dose standard. Ceci n’a toutefois pas été démontré dans toutes les études. Si l’on envisage une statine à doses élevées chez des patients à risque cardio-vasculaire très élevé (antécédents d’accidents cardio-vasculaires, syndrome coronarien aigu), il convient de mettre en balance le bénéfice supplémentaire éventuel, le risque accru d’effet indésirables et le coût plus élevé, comme mentionné dans les Folia de septembre 2009.

- Chez les patients à risque cardio-vasculaire élevé mais avec un faible taux de LDL-cholestérol, un traitement par une statine peut tout de même s’avérer avantageux.

 

Les Folia de septembre 2009 ont abordé les preuves disponibles concernant les avantages des statines à doses élevées, comparé aux doses standard. The Lancet a publié récemment l’étude SEARCH et une méta-analyse concernant les statines à doses élevées. Par ailleurs, deux autres méta-analyses sur les statines ont également été publiées dans The Lancet,  et le Centre Fédéral d’Expertise (KCE) vient aussi de publier un rapport sur les statines.

 

L’étude SEARCH et une méta-analyse dans The Lancet

Cinq études randomisées, ayant comparé des statines à doses élevées avec la dose standard, ont été publiées jusqu’à ce jour[1]; toutes ont été menées chez des patients à risque élevé ayant des antécédents d’accidents cardio-vasculaires ou présentant un syndrome coronarien aigu. Sur les 5 études, seules 2 (études PROVE IT-TIMI 22 et TNT, voir Folia de septembre 2009) ont relevé un bénéfice supplémentaire statistiquement significatif en faveur des doses élevées sur l’apparition d’accidents cardio-vasculaires majeurs; les 3 autres études (l’étude SEARCH qui vient juste d’être publiée [The Lancet 2010;376:1658-69, avec un éditorial 1622-4], et les études A to Z et IDEAL, voir Folia de septembre 2009) n’ont pas révélé de bénéfice supplémentaire statistiquement significatif en faveur des doses élevées. D’après une méta-analyse ayant réuni les données individuelles de ces 5 études [The Lancet 2010;376:1670-81, avec un éditorial 1622-4], les statines à doses élevées présentent un bénéfice supplémentaire statistiquement significatif: diminution supplémentaire du LDL-cholestérol de 0,5 mmol/l (19,3 mg/dl) et diminution supplémentaire du nombre d’accidents cardio-vasculaires majeurs de 15%. La méta-analyse ne révèle pas d’augmentation de la mortalité non vasculaire ou du risque de cancer avec des taux plus faibles de LDL-cholestérol, ce qui est rassurant. Plusieurs effets indésirables n’ont pas été étudiés en détail (tels que le diabète, les troubles hépatiques). Par contre, la rhabdomyolyse a été étudiée, et survenait plus fréquemment avec les doses élevées qu’avec la dose standard: 4 cas supplémentaires sur 10.000 patients.

Il existe à première vue une contradiction entre les résultats des études individuelles et ceux de la méta-analyse.  Ceci pourrait s’expliquer (1) par l’augmentation du pouvoir statistique obtenu en regroupant plusieurs études, et (2), par le fait que la diminution supplémentaire du cholestérol avec les statines à doses élevées était plus faible que prévu, comme par exemple dans le cas de l’étude SEARCH. Les investigateurs de l’étude SEARCH n’ont donc pas pu vérifier l’hypothèse selon laquelle “une diminution supplémentaire du LDL-cholestérol diminuerait encore davantage le risque cardio-vasculaire”. 

 

La méta-analyse apporte peut-être des arguments en faveur des statines à doses élevées par rapport aux doses standard, chez certains patients à risque élevé. Il convient cependant de ne pas perdre de vue les résultats négatifs d’un certain nombre de ces études individuelles.

 

Deux autres méta-analyses dans The Lancet

A ce propos, deux autres méta-analyses ont été publiées dans cette même édition de The Lancet [The Lancet 2010;376:1670-81, avec un éditorial 1622-4]: (1) une méta-analyse de 21 études randomisées ayant comparé une statine à dose standard avec un placebo ou l’absence de traitement, et (2) une méta-analyse commune de ces 21 études et des 5 études ayant comparé une statine à dose élevée avec la dose standard (voir ci-dessus).

La méta-analyse des 21 études ayant comparé une statine à dose standard avec un placebo ou l’absence de traitement, est en fait une mise à jour d’une méta-analyse précédente [voir Folia de septembre 2009]. La méta-analyse actualisée ne modifie pas la conclusion de la méta-analyse précédente: les statines à dose standard diminuent les taux de LDL-cholesterol de 1,07 mmol/l en moyenne (41,37 mg/dl), réduisant ainsi de 22% le risque d’accidents vasculaires majeurs, qu’il s’agisse d’une réduction de 4 à 3 mmol/l par exemple (154,68 à 116 mg/dl), ou de 3 à 2 mmol/l (116 à 77,34 mg/dl). Plus le risque de base du patient est élevé, plus le gain de 22% sera élevé en chiffres absolus. Rien ne prouve jusqu’à présent que les différentes statines à leur dose standard diffèrent entre elles quant à leur effet cardioprotecteur. Le risque de rhabdomyolyse à la dose standard était légèrement accru, comparé au placebo ou à l’absence de traitement: 1 cas supplémentaire sur 10.000 patients. Ces données confirment que, chez les patients à risque cardio-vasculaire élevé mais avec de faibles taux de LDL-cholestérol, le traitement par une statine peut tout de même s’avérer avantageux.

 

Rapport du Centre Fédéral d’Expertise concernant les statines

Selon un rapport qui vient d’être publié par le Centre Fédéral d’Expertise (KCE) (http://www.kce.fgov.be/index_fr.aspx?SGREF=3461&CREF=18214), les statines ne sont pas encore suffisamment utilisées en prévention secondaire des accidents cardio-vasculaires. Il ressort du rapport que l’usage des statines en Belgique a été multiplié par 20 ces 12 dernières années, mais que cette augmentation est surtout due à une augmentation de l’usage des statines en prévention primaire, dans laquelle le bénéfice est nettement moins grand que dans la prévention secondaire. Selon le KCE toujours, rien ne prouve que les statines à leur dose standard diffèrent entre elles quant à leur effet cardioprotecteur. Le KCE conclut que les statines doivent être considérées comme une composante de la gestion globale de la prévention cardio-vasculaire et que l’adaptation du mode de vie, comme l’arrêt du tabagisme, une augmentation de l’activité physique et une alimentation saine, devrait être considérée comme prioritaire.

 



[1] Dans les 5 études, on a utilisé comme doses standard: l’atorvastatine à 10 mg par jour, la pravastatine à 40 mg par jour, la simvastatine à 20 mg par jour ; et comme doses « élevées » : l’atorvastatine à 80 mg par jour, la simvastatine à 80 mg par jour. Les Folia de septembre 2009 mentionnaient les doses standard suivantes (sur base de la dose « usuelle » mentionnée dans la notice, et les doses utilisées dans les études ayant des critères d’évaluation cliniques) : l’atorvastatine à 10 mg par jour, la simvastatine de 20 à 40 mg par jour, la pravastatine à 40 mg par jour. En ce qui concerne la fluvastatine et la rosuvastatine: dans les études sur la fluvastatine ayant des critères d’évaluation cliniques, on a utilisé des doses de 80 mg par jour (la dose « usuelle » dans la notice était de 40 à 80 mg par jour), la seule étude à critères d’évaluation cliniques ayant été menée jusqu’à présent avec la rosuvastatine, a utilisé des doses de 20 mg par jour (la dose « usuelle » dans la notice était de 5 à 10 mg par jour).