Sont abordés dans ce chapitre: la chimiothérapie, la thérapie ciblée, l’immunothérapie, divers médicaments antitumoraux, les médicaments antihormonaux et les agents détoxifiants.
La chimiothérapie et la thérapie ciblée attaquent directement les cellules cancéreuses. L’effet cytotoxique de la chimiothérapie ne différencie pas les cellules cancéreuses des cellules normales à division rapide, contrairement à la thérapie ciblée qui vise spécifiquement les cellules cancéreuses ou les cellules du tissu autour de la tumeur.
La thérapie ciblée est subdivisée en anticorps monoclonaux, inhibiteurs de protéines kinases, inhibiteurs de PARP, inhibiteurs du protéasome et inhibiteurs de la voie de signalisation Hedgehog.
L’immunothérapie par contre vise à stimuler le système immunitaire qui va réagir contre les cellules cancéreuses. L’immunothérapie est subdivisée en inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, thérapies cellulaires CAR-T et agents immunothérapeutiques divers.
Les érythropoïétines, qui sont utilisées entre autres dans l'anémie consécutive à une chimiothérapie, sont discutées au point 2.3.1. Médicaments de l'anémie. Les facteurs de croissance hématopoïétiques utilisés dans la neutropénie consécutive à une chimiothérapie sont discutés en 2.3.3. Médicaments dans la neutropénie et la mobilisation des cellules souches.
- L'usage des médicaments antitumoraux relève de la compétence des médecins spécialisés dans le traitement des cancers. Le champ d’indications pour beaucoup d’antitumoraux s’élargit régulièrement sur base de nouvelles études. Les indications précises de ces médicaments ne sont donc pas reprises ici, et nous renvoyons aux RCP.
- Grossesse et allaitement (voir rubrique “Grossesse et allaitement”).
- Dépression médullaire telle qu’hypoplasie médullaire, leucopénie, anémie sévère ou thrombopénie.
- Infections sévères telles que la tuberculose, le VIH ou d'autres syndromes d'immunodéficience.
- L'utilisation de vaccins vivants est contre-indiquée pendant un traitement par antitumoraux (voir également l'avis du Conseil Supérieur de la Santé).
- Certains effets indésirables sont liés à l'atteinte des cellules à renouvellement rapide, p.ex. au niveau de la moelle osseuse ou de la muqueuse digestive. D'autres effets indésirables sont propres à certains médicaments ou à certaines classes de médicaments, p.ex. cardiotoxicité des anthracyclines, toxicité pulmonaire de la bléomycine, toxicité rénale du cisplatine.
- Les effets indésirables suivants peuvent être observés avec de nombreux antitumoraux.
- Nausées, vomissements, diarrhée.
- Irritation au site d'injection, nécrose tissulaire en cas d’extravasation.
- Réactions d'hypersensibilité.
- Dépression médullaire avec neutropénie (risque d'infections graves), anémie, thrombopénie (risque de saignements).
- Fatigue, parfois longtemps après l'arrêt du traitement.
- Atteinte cutanée et des muqueuses, alopécie, mucite.
- Hyperuricémie (syndrome de lyse tumorale) par destruction massive des cellules néoplasiques.
- Organotoxicité spécifique (au niveau du cœur, du cerveau, des poumons, des reins, de la vessie, des ovaires, des testicules, ...).
- Affections malignes secondaires.
- Certains antitumoraux sont eux-mêmes cancérigènes. Cet effet est difficile à évaluer parce qu’il est souvent difficile de déterminer si l’affection maligne secondaire est associée à la pathologie primaire ou consécutive au traitement antitumoral. De plus, les agents antitumoraux étant souvent administrés en association à d’autres agents, ou simultanément à la radiothérapie, il est difficile d’identifier l’agent responsable de la survenue d'une affection maligne secondaire.
- Avec les agents chimiothérapeutiques, les tumeurs malignes secondaires sont principalement observées avec les agents alkylants, l’étoposide (un inhibiteur de la topo-isomérase 2) et les anthracyclines. Il s'agit principalement de tumeurs malignes hématologiques.
- Les inhibiteurs de PARP sont associés à un risque accru d'hémopathies malignes secondaires (syndrome myélodysplasique/leucémie myéloïde aiguë).
- Suite à une chimiothérapie pendant l'enfance ou l'adolescence, de nombreux effets indésirables peuvent encore se produire à l'âge adulte [voir Folia de février 2017].
- Le profil des effets indésirables des “thérapies ciblées” est différent de celui des antitumoraux classiques. Les principaux effets indésirables les plus fréquents ou les plus prononcés de certains médicaments ou de certaines classes de médicaments sont mentionnés au niveau de ces médicaments ou classes de médicaments. Il est impossible de mentionner en détails tous les effets indésirables: le RCP et des ouvrages spécialisés doivent être consultés.
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Grossesse.
- Pour la plupart des antitumoraux, il existe des preuves ou des suspicions d'un effet nocif sur l'enfant à naître (effets tératogènes et mutagènes, embryotoxicité) ou d’une diminution de la fertilité. C’est particulièrement le cas pour certains agents alkylants, antimétabolites et anthracyclines, pour la trétinoïne et pour le thalidomide et ses analogues, le lénalidomide et le pomalidomide. Pour les produits introduits plus récemment (p.ex. les inhibiteurs de protéines kinases, les anticorps monoclonaux), il y a moins ou pas d'expérience chez l’homme. En principe, tous les antitumoraux sont donc contre-indiqués pendant la grossesse et on tentera en tout cas d’éviter l’administration pendant le premier trimestre.
- Si des antitumoraux sont utilisés chez la femme ou chez l’homme, une contraception stricte est recommandée avant le début du traitement, pendant le traitement et en général quelques semaines à quelques mois après. Certains RCP précisent le temps de contraception recommandé avant et après le traitement. Il convient de garder à l'esprit que certains antitumoraux peuvent avoir une influence sur la fiabilité contraceptive de la contraception hormonale, et dans ce cas, une double contraception (hormonale et mécanique) est recommandée.
- Allaitement: compte tenu des nombreuses incertitudes quant à un effet nocif possible de ces médicaments chez le nourrisson, il semble justifié de considérer l'allaitement maternel chez la femme prenant des antitumoraux comme contre-indiqué.
- Les antitumoraux ayant une marge thérapeutique-toxique étroite, leurs interactions avec d’autres antitumoraux ou d’autres médicaments ont souvent des répercussions cliniques. Ces interactions peuvent provoquer une perte d'efficacité ou une augmentation des effets indésirables. Chez un patient sous traitement antitumoral, toute utilisation concomitante d’un autre médicament doit donc inciter à la prudence; cela vaut aussi pour certains compléments alimentaires, extraits de plantes ou aliments (le pamplemousse p.ex.). L'association à des médicaments toxiques vis-à-vis du même organe (p.ex. la moelle osseuse, les reins) augmente le risque de toxicité.
- Potentialisation ou diminution possible de l'effet des antagonistes de la vitamine K (voir Tableau 2a. dans 2.1.2.1.1.).
- Les aliments peuvent interférer avec l'absorption intestinale de certains antitumoraux administrés par voie orale.
- De nombreuses interactions pharmacocinétiques via les substrats, les inhibiteurs et les inducteurs des isoenzymes CYP et P-gP sont possibles avec les médicaments antitumoraux. Voir à ce sujet Tableau Ic. dans Intro.6.3., Tableau Id. dans Intro.6.3., le RCP et les bases de données spécialisées en libre accès comme https://www.cancer-druginteractions.org/.
- Des contrôles réguliers de l'hémogramme ainsi que de la fonction hépatique et rénale sont nécessaires.
- Certains antitumoraux nécessitent une surveillance de la fonction cardiaque (p.ex., les anthracyclines, le trastuzumab) ou de la fonction pulmonaire (p.ex. la bléomycine) avant ou pendant le traitement.
- Pour bon nombre de chimiothérapies, une hydratation suffisante est indispensable pour limiter la néphrotoxicité.
- Une diminution de l'absorption des médicaments est possible en cas de lésions importantes au niveau du tractus gastro-intestinal.
- Lors de la manipulation des antitumoraux par le personnel médical (p.ex. préparation des perfusions), il convient de respecter certaines mesures de précaution, certainement chez les femmes en âge de procréer.
- Pour les précautions particulières propres à chaque antitumoral, consulter le RCP.