Message clé

Une méta-analyse d’études observationnelles publiée dans le journal JAMA Dermatology en 2023 conclut que l’isotrétinoïne n’est pas associée à une augmentation du risque de tentative de suicide ou de troubles psychiatriques, contrairement à certains signaux antérieurs.1
Cela ne change pas la conclusion de l’EMA de 2018 : les patients sous isotrétinoïne orale doivent être surveillés pour détecter les signes et symptômes de dépression, et une prudence particulière est nécessaire chez les patients présentant des antécédents de dépression.
 

En quoi cette étude est-elle importante ?

  • L’isotrétinoïne est prescrite dans les formes graves et rebelles d’acné nodulokystique et d’autres formes d’acné résistantes aux traitements classiques (voir 15.6.6. Isotrétinoïne).
    Des effets indésirables neuropsychiques (entre autres dépression, angoisse, troubles de l’humeur et (tentatives de) suicides) ont été rapportés au cours du traitement avec des rétinoïdes oraux.
    Selon l’EMA, il n’est actuellement pas possible de déterminer s’il y a un lien de causalité vu les limites des données (notifications spontanées, études observationnelles). Cependant, depuis 2019, les avertissements à ce sujet ont été renforcés dans le RCP et la notice des rétinoïdes oraux [voir Folia février 2019].2

  • Cet article a pour but de fournir des données actualisées concernant le risque de (tentatives de) suicide et de troubles psychiatriques ainsi que leurs facteurs de risque chez les utilisateurs d’isotrétinoïne.

     

Protocole de l’étude

  • Les auteurs ont cherché des études randomisées et observationnelles qui mentionnent le risque absolu, le risque relatif et les facteurs de risque de suicide et de troubles psychiatriques chez les utilisateurs d’isotrétinoïne, par rapport aux patients non traités par l’isotrétinoïne. Cette méta-analyse n’a finalement inclus que des études observationnelles.

  • Les critères d’évaluation sont les suivants : le risque absolu et le risque relatif de suicide ou de troubles psychiatriques chez les utilisateurs d’isotrétinoïne ainsi que les facteurs de risque.

     

Résultats en bref

  • Les auteurs ont sélectionné 25 études observationnelles portant sur un total de 1 625 891 participants, mais seules quelques-unes ont pu être incluses dans la méta-analyse. L’âge moyen des patients était compris entre 16 et 38 ans.

  • Trois études présentaient un risque élevé de biais, 16 études présentaient un risque modéré de biais et 6 études avaient un risque faible de biais.

  • Risque de troubles psychiatriques :

    • Les risques absolus sur un an d’automutilation, d’idées suicidaires, de tentatives de suicide et de suicide étaient inférieurs à 0,5%. Le risque de tentative de suicide était de 0,14%, ce qui est inférieur à ce qui a été trouvé en général dans les études longitudinales chez les adolescents.

    • Deux, 3 et 4 ans après le traitement on observe chez les utilisateurs d’isotrétinoïne moins de tentatives de suicides que chez les non-utilisateurs.

    • Il n’y a pas d’association entre l’isotrétinoïne et les tentatives de suicide pendant le traitement (RR, 0,84 ; IC95%, 0,45 à 1,56) mais également 6 mois, 1 an, 5 ans et 10 ans après le traitement. L’association entre l’isotrétinoïne et le suicide n’a pas été étudiée.

    • Les utilisateurs d’isotrétinoïne ne présentent pas un risque plus élevé de troubles psychiatriques, de dépression, d’anxiété, de troubles psychotiques, et de problèmes de sommeil un an après le traitement par rapport aux non-utilisateurs d’isotrétinoïne.

      Troubles psychiatriques (RR 1,08 ; IC95% 0,99 à 1,19), dépression (RR 1,46 ; IC95% 0,55 à 3,87), anxiété (RR 0,97 ; IC95% 0,73 à 1,30), troubles psychotiques (RR 0,80; IC95% 0,41 à 1,58) et problèmes de sommeil (RR 1,61 ; IC95% 0,89 à 2,93).
  • Facteurs de risque de troubles psychiatriques :

    • Les utilisateurs d’isotrétinoïne ayant des antécédents psychiatriques étaient plus susceptibles de développer des troubles psychiatriques que les utilisateurs sans antécédents psychiatriques.

      Dans cette étude, les antécédents psychiatriques sont considérés comme un facteur de risque.

       

Limites de l’étude

  • Cette méta-analyse n’a trouvé que des études observationnelles.

  • Les résultats sont limités par une hétérogénéité substantielle.

  • Les méta-analyses portant sur divers critères d’évaluation sont limitées par leur imprécision. Par exemple, les estimations du risque relatif de dépression et de tentative de suicide ont des intervalles de confiance (IC) larges, ce qui suggère que ces analyses sont relativement peu puissantes ou hétérogènes.

  • La majorité des études incluses dans l’analyse du risque relatif n’ont ajusté que l’âge et/ou le sexe sans toujours tenir compte d’autres facteurs de confusion potentiels tels que la gravité de l’acné, les comorbidités médicales et psychiatriques et le statut socio-économique.

  • Les études incluses n’ont pas spécifiquement évalué les troubles psychiatriques chez tous les utilisateurs d’isotrétinoïne; il est donc possible que certains troubles psychiatriques n’aient pas été rapportés.

  • Peu d’études ont été incluses dans les méta-analyses sur le risque relatif de troubles psychiatriques en raison des limites de la littérature existante.

  • Enfin, toutes les études étaient sujettes à des biais de confusion liés à l’indication et à la détection, qui pourraient tous deux influencer les résultats dans un sens ou dans l’autre.

     

Commentaire du CBIP

Cette méta-analyse, bien que limitée par son hétérogénéité et son imprécision, montre qu’il n’y a pas d’augmentation du risque de tentatives de suicide ou de troubles psychiatriques chez les utilisateurs d’isotrétinoïne.

Bien que ces résultats soient rassurants, les patients prenant de l’isotrétinoïne par voie orale doivent être informés qu’ils peuvent présenter des changements d’humeur et/ou de comportement. Les patients et leur famille doivent y être attentifs et en parler à leur médecin si cela se produit.2
L’avis de l’EMA reste d’application : les patients traités par de l’isotrétinoïne par voie orale doivent être surveillés pour détecter les signes et symptômes de dépression et être orientés vers un traitement approprié, si nécessaire. Une attention particulière doit être portée aux patients ayant des antécédents de dépression.2
 

Noms de spécialités :

  • Isotrétinoïne : Isotretinoine(e), Isocural®, Isosupra®, Roaccutane® (voir Répertoire).
     

Sources

Tan NKW, Tang A et al. Risk of Suicide and Psychiatric Disorders Among Isotretinoin Users. A meta-analysis. JAMA Dermatology 2024;160:54-62 (doi: 10.1001/jamadermatol.2023.4579)
EMA, Warning on possible risk of neuropsychiatric disorders also to be included for oral retinoids, 02/07/18, consulté le 15/01/24.