En cas d’usage prolongé de corticoïdes par voie orale, en fonction de la dose, de la durée du traitement et des caractéristiques du patient, de nombreux effets indésirables peuvent survenir, parmi lesquels : des fractures (surtout des fractures vertébrales et fractures col du fémur), une fonte musculaire, une augmentation de la glycémie, une augmentation de la tension artérielle, une insuffisance cardiaque, un glaucome à angle ouvert, une cataracte, des troubles psychiques et une susceptibilité accrue aux infections.
La revue Prescrire1 vient de publier une synthèse à propos des mesures qui permettent de réduire le risque d’effets indésirables graves associé à l’usage prolongé (> 3 semaines) des corticoïdes par voie orale. Il nous semblait utile de souligner quelques messages clés issus de cette publication. À noter que le niveau de preuve concerne quasiment uniquement des « avis d’experts ». Les données disponibles sont peu nombreuses, et principalement issues d’études observationnelles.

Ce qui fait consensus :

  • La mesure principale à mettre en œuvre pour diminuer le risque d’effets indésirables est de viser la dose et la durée de traitement minimales efficaces.

  • Il est utile d’informer le patient des risques de la corticothérapie orale prolongée, et en particulier du risque d’insuffisance surrénalienne en cas d’arrêt trop brusque du traitement.

  • Avant d’entamer une corticothérapie prévue pour plus de 3 semaines, il est utile de :

    • Déceler les situations qui exposent à des risques accrus d’effets indésirables avec la corticothérapie. Il s’agit principalement de la présence de facteurs de risque de fracture ostéoporotique, de diabète, d’insuffisance cardiaque, d’accidents cardiovasculaires, de glaucome et de troubles psychiques.​

    • Faire un bilan des vaccinations, en particulier le statut d’immunité pour la varicelle (également dans l’entourage proche du patient), cette infection pouvant parfois être sévère chez les patients immunodéprimés.

    • Prévoir les vaccins vivants atténués éventuellement utiles, plusieurs semaines avant d’entamer la corticothérapie.

      Il s’agit principalement des vaccins contre la rougeole-rubéole-oreillons, le rotavirus et la varicelle. Plus rarement il s’agit des vaccins contre la Dengue, la fièvre jaune et le BCG (voir aussi chapitre 12.1. > Précautions > Immunodéficience ou immunosuppression et vaccination).
    • Faire une revue des médications prises par le patient qui sont à risque d’interaction avec la corticothérapie. Sont cités :

      • ​​​les diurétiques et les laxatifs : risque d’hypokaliémie ;

      • les AINS : aggravation du risque d’ulcère gastrointestinal et de rétention hydrosodée ;

      • les bisphosphonates : aggravation du risque d’ulcère gastrointestinal ;

      • les neuroleptiques atypiques et les antiandrogènes : aggravation du risque d’hyperglycémie ;

      • les antiépileptiques, les quinolones et les rétinoides : aggravation du risque de dépression ; NDLR : on peut aussi mentionner le risque accru de tendinites et de ruptures tendineuses avec les quinolones ;

      • les antidépresseurs et les agonistes dopaminergiques utilisés dans la maladie de Parkinson : aggravation du risque d’épisodes maniaques.

  • Pendant le traitement, on propose

    • des mesures d’hygiène de vie : exercice physique suffisant, abstention du tabac, limiter l’alcool, alimentation équilibrée, riche en calcium et en protéines et éviter les restrictions caloriques sévères. Il existe des preuves de l’intérêt de l’exercice physique pour maintenir la force musculaire et la densité osseuse de patients sous corticothérapie prolongée.

    • de ne pas vacciner avec des vaccins vivants atténués (attendre minimum 3 mois après la fin de la corticothérapie).

      le Conseil Supérieur de la Santé dans son avis 9158 de septembre 2019 à propos de la vaccination d’enfants et/ou d’adultes immunodéficients ou malades chroniques préconise un délai de 1 mois avant de donner un vaccin vivant chez des patients exposés à une corticothérapie à haute dose (plus de 14 jours de traitement à la dose de prednisone ou équivalent > 1mg/kg/j (chez l’enfant) et de > 20 mg/j chez l’adulte).
    • de procéder à la vaccination saisonnière (grippe, covid 19 et pneumocoque), et vérifier la vaccination de base (DTP).

      dans le RCM chapitre 12.1. > Précautions particulières > Immunodéficience ou immunosuppression et vaccination, nous mentionnons le risque d’une réponse immunitaire réduite et l’intérêt, dans la mesure du possible, de réaliser la vaccination avec des vaccins non vivants au moins 2 semaines avant le début du traitement immunosuppresseur.
    • de prévoir, dès le début du traitement et de façon périodique par la suite, un suivi clinique et biologique (e.a. suivi de la tension artérielle et du poids, examen ophtalmologique au minimum tous les 6 à 12 mois si risque de glaucome chronique, suivi de la glycémie et de la kaliémie, …).

Ce qui semble moins clair :

  • Chez les patients qui ne présentent pas d’ostéoporose au moment de débuter la corticothérapie, il n’y a pas de consensus à propos du suivi par ostéodensitométrie ni du traitement préventif avec les bisphosphonates : chez quels patients le proposer ? Les guidelines ne sont pas univoques. D’une part, un bénéfice des bisphosphonates sur le risque de fracture est possible chez certains patients, mais sans que l’on puisse déterminer précisément lesquels (données insuffisantes). Et d’autre part, certains effets indésirables des bisphosphonates s’additionnent à ceux de la corticothérapie, ce qui justifie la prudence. Selon Prescrire, proposer annuellement un suivi de densité minérale osseuse chez les patients qui ne prennent pas déjà un bisphosphonate semble raisonnable.

  • Les mesures préventives non-pharmacologiques (activité physique, éviter le tabac et l’alcool, alimentation/exposition UV pour le calcium et la vitamine D) et pharmacologiques (Calcium-vitamine D), habituellement préconisées pour ralentir la perte osseuse n’ont pas apporté la preuve d’un bénéfice dans la prévention des fractures.

  • Les  IPP en prévention des ulcères gastro-duodénaux liés à la corticothérapie sont rarement justifiés. Le risque d’ulcères en lien avec la corticothérapie est faible et les IPP exposent, en cas d’usage prolongé, à des effets indésirables, dont un risque accru de fractures. Ils sont par contre conseillés aux patients à risque, tels ceux qui reçoivent en même temps des AINS.

Sources spécifique

La Revue Prescrire. Corticothérapie orale prolongée. Des repères pour diminuer le risque d’effets indésirables graves. La Revue Prescrire 2023 ;43 :837-43