La consommation de benzodiazépines et apparentés (Z-drugs) en Belgique est une des plus élevées en Europe1. En plus du risque de tolérance et de dépendance lié à ces produits, il existe également un risque de chute, de troubles de la mémoire, de somnolence diurne et d’accident.
Un programme de sevrage progressif, encadré par le médecin et le pharmacien, peut être proposé à certains utilisateurs chroniques de benzodiazépines et de Z-drugs depuis le
1er février 2023. Ce programme s’inscrit dans le cadre d’une approche multidisciplinaire impliquant à la fois le médecin prescripteur, le pharmacien et le patient.

Le programme de sevrage

Principe

Le programme a pour objectif un arrêt progressif des benzodiazépines et apparentés (Z-drugs). Ce programme est basé sur des préparations magistrales de gélules, réalisées par le pharmacien d’officine suite à la prescription par un médecin, pour certains patients ambulatoires utilisateurs chroniques de benzodiazépines ou Z-drugs. Ce programme multidisciplinaire, remboursé par l’INAMI, permet un arrêt progressif en 50 à 360 jours, ou une stabilisation jusqu’à la dose la plus faible possible2.  Il s’agit d’un projet pilote d’une durée d’un an.

Public cible et conditions

Ce programme sera initié sur base d’une prescription médicale. Les patients doivent répondre à un certain nombre de critères :

  • Être âgé d’au moins 18 ans.

  • Avoir donné son consentement eHealth (partage des données relatives à la santé).

  • Suivre le programme en milieu ambulatoire (donc hors des maisons de repos et maisons de soins), dans la même pharmacie de son choix durant toute la durée du programme.

  • Utilisation chronique (≥ 3 mois) d’une seule benzodiazépine ou apparenté (Z-drug) en une seule prise par jour à une dose ne dépassant pas 3 fois la DDD (Defined Daily Dose) 2.

  • Le patient n’a droit qu’au remboursement d’un seul programme par an 3.

Aspects pratiques de prescription par le médecin

Lorsque le médecin décide, en concertation avec le patient, de lancer un programme de sevrage, tous deux doivent signer le formulaire d’accord tripartite. Ce formulaire doit être remis au patient afin qu’il le remette au pharmacien de son choix.
Dans ce document, le médecin spécifie :

  • Le nom de la molécule

  • Le schéma de sevrage choisi :

    • 5 paliers : 100% – 80% – 60% – 40% – 20%

    • 7 paliers : 100% – 80% – 60% – 40% – 30% – 20% – 10%

    • 10 paliers : 100% – 90% – 80% – 70% – 60% – 50% – 40% – 30% – 20% – 10%

  • La durée de chaque palier : 10, 20 ou 30 jours 4.

En plus, le médecin rédige une prescription par palier. Cette prescription mentionne :

  • Le nom de la molécule

  • Le dosage (exprimé en mg ou en pourcentage de la dose initiale)

  • Le nombre de gélules.

Exemple du premier palier d’une durée de 30 jours au départ d’alprazolam à une dose initiale de 1mg :
R/ alprazolam 1mg (ou R/ alprazolam 100%)
30 gélules

Exemple du second palier d’une durée de 30 jours au départ d’alprazolam à une dose initiale de 1mg :
R/ alprazolam 0,80 mg (ou R/ alprazolam 80%)
30 gélules

Exemple du troisième palier d’une durée de 30 jours au départ d’alprazolam à une dose initiale de 1mg :
R/ alprazolam 0,60 mg (ou R/ alprazolam 60%)
30 gélules

Par consultation, deux prescriptions peuvent être données pour deux paliers consécutifs. La première préparation est dosée à 100% et la dernière à 20% ou 10%, en fonction du schéma choisi5.
Le médecin a la possibilité d’inclure deux « périodes de stabilisation » de maximum 30 jours durant le programme de sevrage.

Le patient peut demander au médecin ou au pharmacien de modifier la durée d’un palier. Le pharmacien et le médecin se tiendront mutuellement informés. Cette modification doit être prescrite par le médecin. La prescription pour un palier de stabilisation doit être suivie d’une consultation pour la prescription d’une diminution de dose.

Pour plus d’informations, voir « Document d’information à l’attention du médecin » et « Document de sensibilisation ».

Rôle du pharmacien d’officine

Cette prestation INAMI6 comprend un entretien d’initiation, un entretien de suivi ainsi que la réalisation et la délivrance des gélules. Un honoraire est donc prévu pour les deux entretiens ainsi que pour la préparation des gélules.

  1. Une fois le formulaire d’accord (provenant du médecin et remis par le patient) rempli et signé, le pharmacien réalise un entretien d’initiation avec le patient lors duquel il aborde notamment les objectifs et le déroulement du programme, et donne des conseils.

    Note de la rédaction : concernant les conseils non pharmacologiques, les professionnels de la santé peuvent se référer au manuel d’aide en ligne « Somnifères & calmants » (campagne coordonnée par le SPF Santé publique), ainsi qu’au guideline d’EBPracticenet « Prise en charge des problèmes de sommeil et de l’insomnie chez l’adulte en première ligne » (2018), avec le Guide-patient « Troubles du sommeil et insomnie chez l’adulte » (Info Santé) [voir aussi Folia de juin 2019 sur le guideline d’EBPracticeNet].
  2. Sur base de la prescription du médecin, le pharmacien prépare les gélules à partir de la spécialité la plus adaptée (à charge du patient) (voir « Commentaire du CBIP »).

  3. Le pharmacien ne peut dispenser que la préparation correspondant à un seul palier à la fois.

  4. Au plus tard lors de la délivrance des gélules du dernier palier, le pharmacien réalise l’entretien de suivi. Ce dernier ne peut être réalisé qu’une seule fois durant le programme et est certainement utile lors de la dispensation du dernier palier.

Commentaire du CBIP

Ce programme concerne principalement les patients utilisant une benzodiazépine en tant que somnifère. Les patients qui consomment plusieurs benzodiazépines ou qui ont recours à plusieurs prises par jour ne sont donc éligibles pour ce programme de sevrage que si la consommation est d’abord réduite à une seule dose quotidienne, et ceci éventuellement après un passage au diazépam.

Le passage au diazépam a parfois été proposé comme une option pour le sevrage progressif des benzodiazépines. Cette option n’a été présentée qu’exceptionnellement comme un choix possible pour ce programme de sevrage. En effet, le diazépam et ses métabolites actifs ont une longue demi-vie, avec un risque d’effets indésirables, surtout chez les personnes âgées [voir Répertoire 10.1.1. > Posologie].

La préparation magistrale est préparée par le pharmacien à partir de la spécialité prescrite par le médecin. Le pharmacien a la possibilité de choisir le conditionnement le moins cher possible en fonction de la préparation magistrale. Les comprimés restants sont conservés par le pharmacien dans un contenant étiqueté au nom du patient (site web KLAV).

Le sevrage n’est pas totalement gratuit pour le patient. Il lui reste à payer les consultations médicales ainsi que les conditionnements de la spécialité utilisée pour réaliser la préparation magistrale.

Sources spécifiques

AFMPS, Somnifères : une enquête de l’AFMPS montre que plus d’un tiers des patients présentent une dépendance et que la majorité d’entre eux utilisent des somnifères pendant trop longtemps. Communiqué du 21/06/22
APB, Communiqué de presse : le sevrage progressif de somnifères désormais remboursé. Communiqué du 01/02/23
3 APB, Le sevrage progressif somnifères en pratique
4 APB, Formulaire médecin patient pharmacien
5 APB, Document d’information à l’attention du médecin

6 INAMI, Tarifs- Programme de sevrage aux benzodiazépines et produits apparentés à partir du 1er février 2023