La sécurité d’utilisation des benzodiazépines pendant la grossesse reste incertaine en raison des preuves limitées et parfois contradictoires dont on dispose.
Des études observationnelles suggèrent une association entre l’exposition à des benzodiazépines et le risque d’accouchement prématuré et d’avortement spontané. Il reste toutefois difficile de tirer des conclusions de ce type d’études en raison de limites méthodologiques.
La majorité des études ne montrent pas de risque accru de malformations congénitales. Toutefois, une récente étude de cohorte, menée à l’échelle de la population en Corée du Sud, suggère un risque légèrement accru.
La sécurité d’utilisation des Z-drugs pendant la grossesse reste également incertaine, les études scientifiques livrant des résultats contradictoires.
En cas d’utilisation prolongée de ces médicaments jusqu’à l’accouchement, il faut être attentif aux symptômes de sevrage, aux problèmes respiratoires et aux signes d’imprégnation (floppy infant syndrome) qui peuvent survenir chez le nouveau-né.
Étant donné l’impossibilité d’étudier cette question dans le cadre d’études randomisées, les seules données dont nous disposons sont celles qui proviennent d’études observationnelles. Par conséquent, toute utilisation de benzodiazépines ou de Z-drugs pendant la grossesse doit reposer sur une évaluation rigoureuse du rapport bénéfice/risque.
Par précaution, il est conseillé d’utiliser la dose minimale efficace pour la durée de traitement la plus courte possible.

Introduction

Pendant la grossesse, les troubles de l’anxiété, du sommeil et de l’humeur sont fréquents. Les mêmes conseils non médicamenteux que ceux en vigueur en dehors de la grossesse doivent être suivis (Voir Répertoire 10.1. Hypnotiques, sédatifs, anxiolytiques)1.
 Un stress psychologique ou un trouble anxieux non traité pendant la grossesse peut avoir des effets néfastes chez la mère et l’enfant2. Lorsqu’un traitement médicamenteux est considéré comme nécessaire dans la prise en charge des troubles anxieux, les guidelines privilégient de plus en plus les antidépresseurs. Les benzodiazépines ne sont donc pas privilégiées (Voir Répertoire 10.1. Hypnotiques, sédatifs, anxiolytiques).
 
La prévalence mondiale de la consommation de benzodiazépines pendant la grossesse est estimée à environ 2%. Selon une synthèse méthodique de 2020, la prévalence de la consommation de benzodiazépines dans nos régions (Europe du Nord-Ouest) était d’environ 1,2%4. Ce pourcentage n’étant pas négligeable, nous pensons qu’il est important d’aborder la sécurité de cette utilisation.
Suite à la publication récente d’une étude de cohorte réalisée en Corée du Sud3, nous avons nuancé la rubrique « Grossesse et allaitement » de notre Répertoire et décidé de rédiger cet article de synthèse.
Pour l’analyse des données, nous avons utilisé nos sources de référence pour la grossesse, à savoir le Lareb, le Crat et le Briggs (Voir Intro. La Rubrique « Grossesse et allaitement »). Nous avons également consulté un rapport récent du NICE pour obtenir des données supplémentaires sur les risques liés à l’utilisation des benzodiazépines pendant la grossesse.5-8

Avis concernant l’utilisation de benzodiazépines et de Z-drugs pendant la grossesse

Benzodiazépines

Selon le Briggs, il est préférable d’éviter l’utilisation de benzodiazépines pendant la grossesse : leur utilisation pendant le premier trimestre pourrait être associée à un risque accru de malformations congénitales, et leur utilisation pendant le troisième trimestre peut exposer le nouveau-né à des symptômes de sevrage.
 
Contrairement au Briggs, le Lareb et le Crat ne mettent pas explicitement en garde contre l’utilisation des benzodiazépines pendant la grossesse, mais donnent plutôt des conseils de sécurité. Ces conseils de sécurité consistent à souligner que l’utilisation de ce médicament ne doit se faire qu’en cas d’absolue nécessité, à faible dose et pour la durée la plus courte possible. Ces deux sources privilégient les molécules à courte demi-vie d’élimination (voir le tableau 10a du chapitre 10.1.1 Benzodiazépines) (+Plus d’infos)5-7.
Lorsqu’une femme est déjà sous traitement chronique par benzodiazépine au moment de commencer sa grossesse, il faut tenter un sevrage progressif, en étant vigilant aux symptômes de sevrage. Si l’on souhaite interrompre un traitement prolongé, la posologie sera diminuée très progressivement, par exemple à raison de 10 à 20% par semaine ou par quinzaine (voir Répertoire 10.11. Benzodiazépines)5,6.

Selon le Lareb et le Crat, un médicament à courte demi-vie d’élimination est à privilégier pendant la grossesse. Le Crat précise que l’oxazépam est à préférer, les données pour cette benzodiazépine étant très nombreuses et rassurantes en cours de grossesse. Le profil pharmacologique de l’oxazépam est favorable en raison de sa demi-vie d’élimination courte (T1/2 de 5 à 10 heures) et de l’absence de métabolites actifs.
Il n’est pas clair si le fait de passer au diazépam représente une meilleure stratégie pour le sevrage progressif, par rapport à la réduction progressive du produit utilisé. Le diazépam a des métabolites actifs dont la demi-vie est très longue, de sorte que ce produit reste longtemps dans l’organisme. Ceci peut être problématique, notamment parce que le diazépam peut facilement traverser le placenta et s’accumuler chez le fœtus. Le diazépam n’est donc pas considéré comme un premier choix selon Lareb et Lecrat.

Z-drugs

Le Lareb, le Crat et le Briggs conseillent de n’utiliser les Z-drugs pendant la grossesse qu’en cas d’absolue nécessité. Concernant les Z-drugs, le Briggs mentionne quelques études qui montrent un risque accru d’accouchement prématuré, de faible poids de naissance et de césarienne en cas d’exposition pendant la grossesse. Les études mentionnées dans le Briggs ne montrent pas de risque accru de malformations congénitales. Le traitement par Z-drugs doit se faire à la dose la plus faible possible et pour la durée la plus courte possible5-7.

Utilisation concomitante avec d’autres médicaments psychoactifs

Un facteur qui complique la recherche est que les benzodiazépines et les Z-drugs sont souvent utilisées en même temps que d’autres médicaments, en particulier des médicaments psychoactifs tels que les antidépresseurs. Il est important que l’effet de cette prise concomitante avec d’autres médicaments soit également évalué.
Bien que cet aspect ne soit pas développé dans le présent article, il est important de le prendre en considération.

Limites des études évaluant la consommation de médicaments pendant la grossesse

Les études sur la tératogénicité des benzodiazépines et des Z-drugs présentent souvent des limites méthodologiques, notamment des populations d’étude restreintes, des biais de déclaration et de sélection, et des données manquantes, notamment en ce qui concerne la posologie et l’indication. De plus, les résultats n’ont souvent pas été corrigés pour tenir compte de l’effet de certains facteurs de confusion importants tels que comorbidités psychiatriques et comédications ou consommation de substances.

Risque de malformations congénitales

Benzodiazépines

Dans une méta-analyse d’études observationnelles, l’exposition à des benzodiazépines au cours du premier trimestre de grossesse n’a pas été associée à un risque accru de malformations congénitales. Les études incluses dans cette méta-analyse présentent toutefois des limites méthodologiques, notamment des données manquantes concernant l’indication, la posologie et la durée de traitement, et l’absence de contrôle des facteurs de confusion, ce qui peut influencer la fiabilité des résultats5,9.
 
Contrairement à cette méta-analyse, une récente étude de cohorte menée à l’échelle de la population en Corée du Sud, portant sur près de 3,1 millions de grossesses, montre une association entre l’exposition à des benzodiazépines au cours du premier trimestre de grossesse et un risque légèrement accru de malformations congénitales (risque relatif de 1,09 ; IC à 95% 1,05 à 1,13) et de malformations cardiaques (risque relatif de 1,15 ; IC à 95% 1,10 à 1,21)3.
Dans une analyse en sous-groupes, l’augmentation du risque n’était statistiquement significative que dans le sous-groupe ayant reçu une dose quotidienne plus élevée de benzodiazépine (plus de 2,5 mg d’équivalents de lorazépam par jour). Le risque était similaire pour les benzodiazépines à courte durée d’action et à longue durée d’action.
Notons qu’il s’agit d’une étude basée sur des prescriptions médicales : rien ne garantit que les médicaments prescrits ont effectivement été consommés.

Conception de l’étude
La cohorte, tirée d’une base de données couvrant plus de 99% de la population sud-coréenne, était constituée de toutes les grossesses ayant abouti à la naissance d’enfants vivants entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2018. Les enfants nés vivants ont été suivis pendant 8 ans. Les enfants mort-nés n’ont pas été inclus dans l’analyse.
 
L’exposition aux benzodiazépines a été définie comme la prescription d’au moins une ordonnance de benzodiazépine au cours du premier trimestre de la grossesse. Les benzodiazépines à courte et à longue durée d’action, ainsi que les préparations individuelles, ont été examinées.
L’analyse a été ajustée sur plusieurs facteurs de confusion potentiels, tels que la co-médication et un diagnostic connu d’abus de substances en d’alcool. Cependant, il n’y a pas eu de correction pour l’utilisation réelle de substances consommées de manière abusive.
 
Résultats
La cohorte comprenait 3 094 227 grossesses, dont 40 846 grossesses (1,3 %) ont été exposées à au moins 1 benzodiazépine au cours du premier trimestre. Les utilisatrices de benzodiazépines présentaient une prévalence plus élevée de troubles médicaux et utilisaient plus fréquemment d’autres médicaments, aussi bien pour des troubles psychiatriques que non psychiatriques. Par exemple, 12,6% des utilisatrices souffraient d’un trouble anxieux (l’une des indications dans lesquelles les benzodiazépines sont utilisées), contre 0,7% des non-utilisatrices, et 16,9% des utilisatrices recevaient en même temps un antidépresseur, contre 1,4 % des non-utilisatrices.
 
L’exposition à des benzodiazépines pendant le premier trimestre de grossesse a été associée à un risque légèrement accru de malformations congénitales (risque relatif de 1,09 ; IC à 95%  1,05 à 1,13) et de malformations cardiaques (risque relatif de 1,15 ; IC à 95% 1,10 à 1,21).
 
L’analyse des malformations cardiaques a révélé des associations significatives avec des anomalies cardiaques spécifiques, telles que des valvulopathies cardiaques (risque relatif ajusté de 1,13 ; IC à 95% 1,07 à 1,20) et des maladies des grosses artères (risque relatif ajusté de 1,28 ; IC à 95% 1,16 à 1,42).
 
Le risque de malformations congénitales était similaire pour les benzodiazépines à courte durée d’action et à longue durée d’action, avec des risques relatifs ajustés de respectivement 1,09 (IC à 95% 1,03-1,14) et 1,07 (IC à 95% 1,01-1,13).
 
Dans une analyse en sous-groupes, l’augmentation du risque de malformations congénitales et de malformations cardiaques n’était statistiquement significative que chez les femmes ayant reçu une dose quotidienne moyenne de plus de 2,5 mg d’équivalents de lorazépam par jour, avec des risques relatifs ajustés de respectivement 1,26 (IC à 95% 1,17 à 1,36) et 1,31 (IC à 95% 1,19 à 1,45).
 
Le risque relatif de malformations cardiaques était plus élevé chez les femmes prenant concomitamment des benzodiazépines et des antidépresseurs, par rapport au groupe qui n’avait pas été exposé à ces deux médicaments.

Z-drugs

Une méta-analyse récente de cinq études de cohorte n’a pas trouvé d’association statistiquement significative entre l’exposition aux Z-drugs au cours du premier trimestre et le risque de malformations congénitales. Les études présentaient toutefois des limites méthodologiques, telles que des données incomplètes et l’absence de contrôle des facteurs de confusion4,10.

La méta-analyse a relevé 34 cas de malformations congénitales dans le groupe exposé (n = 1 765), contre
42 767 cas de malformations congénitales dans le groupe non exposé (n = 1 309 539) (RC 0,87, IC à
95% 0,56-1,36).
D’importantes limites méthodologiques ont été identifiées dans les études incluses dans cette méta-analyse, notamment :

  • Informations manquantes ou incomplètes sur les indications.
  • Risque élevé de biais de déclaration.
  • Population d’étude restreinte.
  • Correction incomplète, dans certaines études, des facteurs de confusion tels que la consommation d’alcool, la consommation de drogues, la prise concomitante de médicaments, les comorbidités. La plupart des études, à l’exception d’une seule, ont toutefois ajusté l’analyse sur le comportement tabagique.

Risque de fausse couche

Dans le rapport du NICE, les chercheurs ont évalué les complications obstétricales et néonatales associées à l’exposition aux benzodiazépines pendant la grossesse. La méta-analyse de trois études a trouvé des preuves limitées d’un risque accru de césarienne et de fausse couche8.

Dans la méta-analyse (cas exposés : n = 614 ; cas non exposés : n = 590), l’exposition aux benzodiazépines a été associée à un risque accru d’avortement spontané (RC de 1,83 ; IC à 1,19 à 2,82).

Dans une récente étude cas-témoins sur échantillon menée au Canada, l’exposition prénatale à des benzodiazépines de courte ou longue durée d’action a été associée à un risque accru (rapport de cotes ajusté de 1,85 ; IC à 95% 1,61 à 2) d’avortement spontané11(voir +Plus d’infos).

La cohorte étudiée comprenait 442 066 grossesses survenues entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2015. L’exposition initiale aux benzodiazépines à courte durée d’action (284 cas, rapport de cotes ajusté de 1,81 ; IC à 95% 1,55 à 2,12) et aux benzodiazépines à longue durée d’action (98 cas, rapport de cotes ajusté de 1,73 ; IC à 95% 1,31 à 2,28) a été associée à un risque accru d’avortement spontané. Ce risque accru était présent quelle que soit la benzodiazépine utilisée. En outre, l’association entre l’exposition aux benzodiazépines et le risque d’avortement spontané était plus forte à hautes doses quotidiennes (exprimées en équivalents de diazépam).
 
L’interprétation de cette étude doit cependant prendre en compte certaines limites méthodologiques, notamment le manque de données concernant les indications dans lesquelles les benzodiazépines étaient utilisées, et concernant l’observance thérapeutique.

Risque d’accouchement prématuré

Benzodiazépines

Les études abordées ci-dessous ont été trouvées par l’intermédiaire du Lareb.
Dans quelques études, l’exposition à des benzodiazépines au cours du premier et deuxième trimestre est associée à un risque d’accouchement prématuré5,12,13.
Une étude cas-témoins réalisée en 2018 au Japon, portant sur un total de 42 058 naissances, montrait que la prise de benzodiazépines était associée à un doublement du risque d’accouchement prématuré, mais pas à un faible poids de naissance. La principale limite de cette étude est l’absence d’ajustement sur plusieurs facteurs de confusion importants. Par exemple, la consommation d’alcool ou de nicotine n’était pas documentée. De plus, l’étude ne mentionne pas l’indication (ou la pathologie sous-jacente) dans laquelle les benzodiazépines étaient prescrites5,12.

  • Risque d’accouchement prématuré : rapport de cotes ajusté 2,03 ; IC à 95% 1,11 à 3,69.
  • Risque de faible poids de naissance : rapport de cotes ajusté 1,55 ; IC à 95% 0,96 à 2,50.

Dans une étude de cohorte américaine portant sur 2 793 femmes enceintes, l’exposition aux benzodiazépines pendant la grossesse a été associée à un risque accru d’accouchement prématuré, de faible poids de naissance, de faible score d’Apgar, d’admission en néonatologie intensive et de syndrome de détresse respiratoire. Certaines limites méthodologiques de cette étude méritent toutefois d’être soulignées. Notons d’abord le manque ou l’absence d’informations concernant les indications dans lesquelles les benzodiazépines étaient utilisées, d’où l’impossibilité de corriger l’effet de facteurs de confusion dus à la pathologie sous-jacente. De plus, le risque de biais de déclaration était élevé. Remarquons aussi que l’étude portait sur une population de petite taille, ce qui rend les résultats difficilement généralisables. Enfin, la correction des facteurs de confusion était incomplète (par exemple, aucun ajustement sur la consommation d’alcool et de drogues, ni sur les comorbidités)5,13 .

  • Risque d’accouchement prématuré : rapport de cotes ajusté 6,79 ; IC à 95% 4,01 à 11,5.
  • Faible poids à la naissance : rapport de cotes ajusté 7,43 ; IC à 95% 4,315 à 13,3.
  • Faible score d’Apgar : rapport de cotes 3,87 ; IC à 95% 1,53 à 9,76.
  • Admission dans un service de néonatologie intensive: rapport de cotes 4,33 ; IC à 95% 2,45 à 7,63.

 Dans une étude de cohorte menée à l’échelle de la population à Taïwan en 2023, l’utilisation de benzodiazépines et de Z-drugs au cours des 20 premières semaines de la grossesse n’a pas été associée à un risque de mortinaissance, mais pourrait être associée à un risque de naissance prématurée et de faible poids de naissance14.

L’étude incluait 2 882 292 femmes enceintes, dont 2,6% se sont vu prescrire une benzodiazépine ou une Z-drug au cours des 20 premières semaines de grossesse.  L’utilisation d’une benzodiazépine ou Z-drug en début de grossesse n’a pas été associée à un risque accru de mortinaissance (rapport de cotes de 1,10 ; IC à 95% de 0,91 à 1,33) mais a été associée à un risque de naissance prématurée (rapport de cotes de 1,20 ; IC à 95% de 1,11 à 1,29) et de faible poids de naissance (rapport de cotes de 1,14 ; IC à 95% de 1,07 à 1,22) après ajustement sur les facteurs de confusion. D’après une analyse comparée avec les frères et sœurs selon la méthode de recherche « sibling matched comparison », pour corriger les influences génétiques et familiales, l’utilisation de benzodiazépines ne s’avère pas associée à un risque accru de mortinaissance (rapport de cotes de 1,09 ; IC à 95% de 0,95 à 1,26) ou de naissance prématurée (rapport de cotes de 0,95 ; IC à 95% de 0,89 à 1,01), mais s’avère associée à un risque accru de faible poids de naissance (rapport de cotes de 1,13 ; IC à 95% de 1,06 à 1,20).
Il est à noter que cette étude est basée sur des médicaments prescrits, et qu’il n’y a donc aucune garantie que les médicaments prescrits ont effectivement été consommés. En outre, la méthode de la « sibling matched comparison » est sujette à des biais dus à des erreurs d’enregistrement et à des facteurs de confusion dépendants du temps.

Z-drugs

Dans une méta-analyse récente de cinq études de cohorte portant sur un total d’environ 1,6 million de femmes dont 1 765 femmes exposées aux Z-drugs, l’exposition aux Z-drugs pendant la grossesse a été associée à un risque accru d’accouchement prématuré5,10. Le rapport de cotes ajusté était de 1,49 (IC à 95% 1,19 à 1,86).
Les études incluses dans cette méta-analyse présentent d’importantes limites méthodologiques. Parmi ces limites, citons les informations manquantes ou incomplètes sur l’indication, un risque élevé de biais de déclaration, des petits effectifs et dans certaines études, un ajustement incomplet sur les facteurs de confusion, notamment la consommation d’alcool, la consommation de drogues, la prise concomitante de médicaments et les comorbidités. La plupart des études, à l’exception d’une seule, ont toutefois ajusté l’analyse sur le comportement tabagique.

Risque périnatal

Si les benzodiazépines sont utilisées jusqu’à la fin de la grossesse, des symptômes de sevrage peuvent apparaître chez le nouveau-né. Ces symptômes comprennent l’hypotonie (baisse du tonus musculaire), l’hyporéflexie (diminution des réflexes), l’hypothermie (température corporelle basse) et des troubles de la succion (voir la rubrique « Grossesse et allaitement » au chapitre 10.1.1. Benzodiazépines).
 
En outre, l’utilisation de fortes doses de benzodiazépines juste avant l’accouchement peut entraîner une dépression respiratoire (insuffisance respiratoire) et un syndrome d’imprégnation chez le nouveau-né (floppy infant syndrome). Ce syndrome se caractérise par une hypotonie, une léthargie (fatigue extrême), une régulation thermique perturbée et des troubles de la succionn5,6,.

Risque de troubles du développement

Selon le Lareb et le Crat, les effets à long terme d’une exposition aux benzodiazépines pendant la grossesse sont encore peu documentés, mais un risque accru de troubles du développement neurologique et/ou de retard mental chez l’enfant ne peut être exclu. Cette question devrait faire l’objet d’études plus approfondies5,6.

Conclusions

  • Étant donné l’impossibilité d’étudier la sécurité d’emploi des benzodiazépines et des Z-drugs pendant la grossesse dans le cadre d’études randomisées, nous pouvons seulement nous appuyer sur des données observationnelles. En raison de la faible qualité de ces données observationnelles et des informations parfois contradictoires, il n’est pas possible se prononcer clairement sur la sécurité d’utilisation des benzodiazépines pendant la grossesse. Si une benzodiazépine est indispensable chez la femme enceinte, on utilisera par précaution la dose minimale efficace pour la durée de traitement la plus courte possible.

  • Il existe des informations contradictoires concernant le risque de malformations congénitales associé à l’utilisation de benzodiazépines. La plupart des études sont rassurantes, mais une récente étude menée en Corée du Sud montre une association possible, en particulier à doses plus élevées, l’effet étant mineur. Des recherches supplémentaires sont nécessaires.

  • Des études observationnelles suggèrent un risque légèrement accru d’accouchement prématuré et d’avortement spontané avec les benzodiazépines, mais ces études présentent des limites méthodologiques.

  • En ce qui concerne le risque d’accouchement prématuré lié à l’utilisation de Z-drugs pendant la grossesse, les données sont également contradictoires. Les Z-drugs, comme les benzodiazépines, doivent être prescrites à la dose minimale efficace pour la durée de traitement la plus courte possible.

  • Selon le Lareb et le Crat, une préparation à courte durée d’action est préférable à une préparation à longue durée d’action. Bien qu’il n’y ait actuellement pas assez de recherches scientifiques pour étayer cet avis, il peut être compris et soutenu d’un point de vue théorique, sachant qu’un médicament à courte durée d’action reste moins longtemps dans l’organisme et a moins de chances de traverser le placenta. Le fœtus risque donc moins d’y être exposé.

  • En cas d’utilisation de benzodiazépines jusqu’à la fin de la grossesse, il faut être attentif aux symptômes de sevrage, de dépression respiratoire et au syndrome d’imprégnation chez le nouveau-né (floppy infant syndrome).

Sources

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