Retrait mondial du rofécoxib (Vioxx®, VioxxDolor®


Communiqué du 9 octobre

Ce texte a été publié le 9 octobre sur les sites web du Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique, du "Groupe de Recherche et d’Action pour la Santé" (GRAS), du Projekt Farmaka, de Minerva et du Groupe de travail Formulaire MRS.

Le 30 septembre 2004, il a été annoncé que les spécialités à base de l’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) COX-2 sélectif rofécoxib (Vioxx®, VioxxDolor®) étaient mondialement retirées du marché, et ce à l’initiative de la firme productrice MSD.

Cette décision a été prise suite à la connaissance des résultats préliminaires de l’étude APPROVe (Adenomatous polyp prevention on Vioxx), une étude contrôlée versus placebo sur l’effet du rofécoxib (25mg par jour) sur le risque de récidive de polypes du côlon chez des patients avec des antécédents d’adénomes colo-rectaux; il s’agissait de patients à risque cardio-vasculaire faible. Lors de l’analyse intérimaire après 18 mois, un risque accru d’accidents cardio-vasculaires graves (entre autres d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral) a été retrouvé dans le groupe rofécoxib. Dans le groupe rofécoxib, sur les 18 mois, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral est survenu chez 3,5% des patients, versus 1,9% dans le groupe placebo (p<0,001). Cela signifie que pour 1.000 patients, il y a eu 16 incidents en plus avec le rofécoxib qu’avec le placebo.

Déjà en 2001, la possibilité d’un risque accru d’accidents cardio-vasculaires avec le rofécoxib avait été avancée sur base de l’étude VIGOR, une étude comparative entre le rofécoxib et le naproxène. Des doutes persistaient cependant à ce moment, étant donné qu’il n’était pas évident s’il s’agissait réellement d’un effet néfaste du rofécoxib ou d’un effet cardio-protecteur du naproxène. En effet, contrairement au naproxène, le rofécoxib n’a pas d’effet antiagrégant.

Suite au retrait du rofécoxib, se pose la question de savoir si un risque accru d’accidents cardio-vasculaires existe aussi avec les autres AINS COX-2 sélectifs [célécoxib (Celebrex®), étoricoxib (Arcoxia®), valdécoxib (Bextra®)]. En d’autres mots, s’agit-il d’un effet de classe? Bien qu’il ne soit pas possible pour le moment d’apporter une réponse univoque à cette question, un certain nombre de remarques peuvent être faites.

  • Les AINS COX-2 sélectifs n’influencent pas l’agrégation plaquettaire, mais (à l’instar des AINS non sélectifs) ils inhibent la synthèse vasculaire de prostaglandines. Ceci pourrait être un argument en faveur de l’existence d’un effet de classe.
  • Avec le rofécoxib, le risque est apparu clairement dans une étude randomisée contrôlée, et ce après 18 mois. Les données à long terme concernant les autres AINS COX-2 sélectifs sont limitées.

Que pouvons-nous en tirer comme conclusion pour l’utilisation des autres AINS COX-2 sélectifs?

Dans l’attente de données supplémentaires, il est raisonnable de n’utiliser les AINS COX-2 sélectifs que si un AINS est vraiment nécessaire chez un patient présentant un risque élevé de complications gastro-intestinales. A ce sujet, il ne faut pas oublier que les AINS COX-2 sélectifs ont peut-être un risque légèrement moindre de complications gastro-intestinales, mais il est certain qu’ils ne sont pas dénués de tout risque dans ce domaine. Chez les patients nécessitant une protection cardio-vasculaire, la prise d’acide acétylsalicylique doit certainement être poursuivie lors d’un traitement par un AINS COX-2 sélectif. L’acide acétylsalicylique augmente dans ce cas le risque de problèmes gastro-intestinaux et dès lors, l’avantage d’une sécurité gastro-intestinale plus grande d’un AINS COX-2 sélectif tombe. La présence à l’anamnèse d’incident cardio-vasculaire ou d’un risque élevé pour celui-ci est cependant une contre-indication pour leur usage.

Cet incident avec le rofécoxib souligne une fois encore l’importance de suivre de manière systématique (e.a. par des études contrôlées) les effets indésirables des médicaments et leur rapport risque/bénéfice, après leur enregistrement et commercialisation. En effet, les risques et les bénéfices des médicaments ne peuvent être correctement évalués que lorsqu’ils sont utilisés après commercialisation durant une longue période par un grand nombre de personnes non sélectionnées.

Informations plus détaillées sur ce retrait via les sites web suivants

Ces derniers jours, plusieurs articles ont aussi été publiés dans des revues renommées

Dans nos publications, l’attention a déja été attirée sur les risques des AINS COX-2 sélectifs.

  • Folia Pharmacotherapeutica
  • Cette problématique est également discutée dans le Répertoire Commenté des Médicaments.


Encore quelques commentaires sur le communiqué

Le communiqué ci-dessus abordait déjà la question importante de savoir si le risque cardio-vasculaire observé avec le rofécoxib (Vioxx®, VioxxDolor®) est un effet de classe des AINS COX-2 sélectifs; en d’autres termes, les autres AINS COX-2 sélectifs présentent-ils aussi ce risque? Partout dans le monde, des messages publicitaires de firmes pharmaceutiques insistent sur le fait que les AINS COX-2 sélectifs, autres que le rofécoxib, ne posent pas de problème à cet égard. Nous souhaitons toutefois nuancer cet avis. Il est frappant de voir qu’à côté de ce qui a été observé avec le rofécoxib, plusieurs études avec d’autres AINS COX-2 sélectifs montrent une tendance à plus d’effets indésirables cardio-vasculaires.

  • L’étude CLASS avec le célécoxib (Celebrex®) [ J Am Med Assoc 284 : 1247-1255(2000), voir aussi Folia de septembre 2002 ] a montré, d’après une analyse de la Food and Drug Administration, une augmentation- bien que statistiquement non significative- de certains effets indésirables cardiaques par rapport au diclofénac et à l’ibuprofène [ http://www.fda.gov/ohrms/dockets/ac/01/briefing/3677b1_03_med.doc ].
  • Une étude avec le parécoxib (Dynastat®) et le valdécoxib (Bextra®) chez des patients ayant subi un pontage [ J Thorac Cardiovasc Surg 125 : 1481-1492(2003)] a montré une augmentation statistiquement non significative du risque d’infarctus du myocarde par rapport au placebo.
  • L’étude TARGET avec le lumiracoxib (non commercialisé en Belgique) [ Lancet 364 : 675-684(2004) ] a montré une augmentation statistiquement non significative du risque d’infarctus du myocarde par rapport au naproxène.

Pour beaucoup d’investigateurs et de commentateurs, cette tendance récurrente à plus de problèmes cardio-vasculaires avec les AINS COX-2 sélectifs suscite des inquiétudes [ Can Med Assoc J 167 : 1131-1137(2002); Worst Pills Best Pills 10 : 65-68(2004); Lancet 364 : 639-640(2004) ; Brit Med J 329 : 867-868(2004) ; les articles récents du Lancet et du New England Journal of Medicine mentionnés plus haut]. Il faut également faire remarquer que la plus-value revandiquée pour les AINS COX-2 sélectifs par rapport aux AINS classiques en matière d’effets indésirables gastro-intestinaux graves fait l’objet de discussions, par ex. en cas d’utilisation concomitante d’acide acétylsalicylique à faibles doses en prévention cardio-vasculaire.

Cet événement avec le rofécoxib et les incertitudes qui existent encore à propos des autres AINS COX-2 sélectifs illustrent une fois encore l’importance de l’utilisation rationnelle des médicaments.