Traitement intensif du diabète de type 2

Les patients diabétiques ont un risque accru de développer des complications microvasculaires et macrovasculaires, et il est bien établi que la prise en charge optimale du diabète nécessite non seulement un contrôle approprié de la glycémie mais également des facteurs de risque cardio-vasculaires tels que le tabagisme, l’hypertension artérielle et l’hyperlipidémie. Plusieurs grandes études randomisées contrôlées ont été réalisées afin d’évaluer dans quelle mesure un traitement intensif des facteurs influençant le pronostic du diabète de type 2 permettrait de diminuer le risque de complications microvasculaires et macrovasculaires du diabète. Cet article propose ici une synthèse de ces études et tente d’en tirer des conclusions pour la pratique.


Traitement intensif de la glycémie


Abstract

Un traitement intensif de la glycémie (HbA1c < 7%) diminue surtout le risque de complications microvasculaires. Des données récentes obtenues chez des patients atteints d’un diabète de type 2 de longue durée, avec un risque cardio-vasculaire élevé n’apportent pas d’arguments en faveur d’un contrôle encore plus strict de la glycémie (HbA1c < 6 à 6,5%).


Etude UKPDS

L’étude UKPDS, réalisée chez des patients atteints d’un diabète de type 2 récemment diagnostiqué, a révélé qu’un traitement intensif de la glycémie (HbA1c entre 7 et 7,5%) diminue le risque de complications microvasculaires du diabète (surtout la rétinopathie) et exerce à long terme un effet bénéfique sur les complications macrovasculaires, à savoir les maladies cardio-vasculaires et la mortalité [voir Folia d' octobre 2008 ].


Etudes ACCORD, ADVANCE et VADT

Ces trois études à large échelle ont évalué dans quelle mesure un contrôle encore plus strict de la glycémie (HbA1c < 6 ou 6,5%) diminuerait davantage le risque de complications vasculaires par rapport au traitement standard (HbA1c 7 à 7,5%) chez des patients diabétiques avec un risque cardio-vasculaire élevé, c.-à-d. des patients atteints d’un diabète de type 2 de longue durée (au moins 8 à 10 ans d’évolution) et présentant une affection cardio-vasculaire et/ou un facteur de risque cardio-vasculaire supplémentaire.

  • L’étude ADVANCE et la branche de l’étude ACCORD sur le contrôle de la glycémie ont été discutées dans les Folia d' octobre 2008 . Les résultats de ces deux études n’ont pas montré de diminution significative des complications macrovasculaires chez les patients sous traitement très intensif (HbA1c < 6% dans l’étude ACCORD, < 6,5% dans l’étude ADVANCE) par rapport au traitement standard (HbA1c 7 à 7,5%). De plus, dans l’étude ACCORD, une augmentation de la mortalité a été observée dans le groupe sous traitement très intensif, raison pour laquelle cette branche de l’étude a été interrompue prématurément. Dans l’étude ADVANCE, une diminution de l’incidence de la néphropathie a été observée dans le groupe sous traitement très intensif, mais cet effet bénéfique était contre-balancé par un risque plus élevé d’hypoglycémies sévères.
  • Dans l’étude VADT [ Veterans Administration Diabetes Trial. N Engl J Med 2009; 360: 129-39 ], un traitement très intensif de la glycémie (HbA1c < 6%) n’a pas entraîné de diminution significative des complications micro- et macrovasculaires, ni de la mortalité par rapport au groupe contrôle (HbA1c < 9%).

Traitement intensif de la tension artérielle


Abstract

Un traitement intensif de la tension artérielle diminue le risque de complications micro- et macrovasculaires du diabète de type 2. Selon les directives actuelles, les chiffres tensionnels à viser sont < 130/80 mm/Hg. Des données récentes n’apportent pas d’arguments en faveur de chiffres tensionnels plus faibles (tension systolique < 120 mmHg).


Etude UKPDS

Les résultats de l’étude UKPDS ont montré qu’un contrôle de la tension artérielle (< 150/85 mmHg) chez les patients diabétiques de type 2 hypertendus était associé à une diminution du risque de complications micro- et macrovasculaires du diabète [voir Folia de février 1999 ].


Etudes ADVANCE et ACCORD

  • Dans l’étude ADVANCE, un contrôle strict de la tension artérielle par une dose fixe de l’association de périndopril et d’indapamide en plus du traitement habituel a entraîné une diminution du risque d’accidents cardio-vasculaires majeurs ainsi que de la mortalité totale chez des patients diabétiques de type 2 (hypertendus ou normotendus). Dans cette étude, la tension artérielle dans le groupe traité de façon intensive était en moyenne inférieure à 140/80 mmHg [voir Folia d' octobre 2008 ].
  • Une branche de l’étude ACCORD a évalué l’effet du contrôle de la tension artérielle sur le risque d’accidents cardio-vasculaires [ N Engl J Med 2010; 362: 1575-85 avec un éditorial N Engl J Med : 1628-30 ]: un traitement très intensif de la tension artérielle (tension artérielle systolique < 120 mmHg) a été comparé à un traitement standard (tension artérielle systolique < 140 mmHg) chez des patients diabétiques de type 2 avec un risque cardio-vasculaire élevé. Les résultats n’ont pas montré de différence significative entre les deux groupes au niveau du critère d’évaluation primaire (une combinaison des infarctus du myocarde non fatals, des accidents vasculaires cérébraux non fatals et de la mortalité cardio-vasculaire), et ce quel que soit les antihypertenseurs utilisés. Le risque d’effets indésirables graves dus aux antihypertenseurs était par contre plus élevé dans le groupe sous traitement très intensif. Chez les patients traités de façon très intensive, un léger bénéfice a toutefois été observé en ce qui concerne le taux total d’accidents vasculaires cérébraux (0,32% par an versus 0,53% par an) et le taux d' accidents vasculaires cérébraux non fatals (0,30% par an versus 0,47% par an); il a été calculé que 89 patients devaient être traités de manière très intensive pendant 5 ans pour éviter un seul accident vasculaire cérébral (NNT = 89).

Il existe un consensus selon lequel il est recommandé chez les patients diabétiques de viser des chiffres tensionnels < 130/80 mmHg. Les résultats de l’étude ACCORD ne permettent pas de conclure quels sont les chiffres tensionnels à atteindre chez les patients diabétiques, mais ils n’apportent en aucun cas d' arguments en faveur d’un traitement plus intensif que celui recommandé par les directives actuelles.


Traitement intensif de l’hyperlipidémie


Abstract

Une prise en charge multifactorielle diminue le risque de complications micro- et macrovasculaires du diabète. Des données récentes n’apportent pas d’arguments en faveur de l’administration d’une association statine-fibrate chez la plupart des patients diabétiques.

  • Les résultats de l’étude STENO-2, réalisée chez des patients diabétiques de type 2 avec un risque cardio-vasculaire élevé, ont montré qu’une prise en charge multifactorielle (contrôle adéquat de la glycémie, IECA, acide acétylsalicylique, traitement hypolipidémiant) diminue le risque de complications micro- et macrovasculaires du diabète ainsi que la mortalité [ N Engl J Med 2008; 358: 580-91 ].
  • Une branche de l’étude ACCORD a évalué si un contrôle très strict de l’hyperlipidémie par une association statine-fibrate était plus efficace qu’une statine seule pour diminuer le risque d’affections cardio-vasculaires chez des patients diabétiques de type 2 avec un risque cardio-vasculaire élevé [ N Engl J Med 2010; 362: 1563-74 avec un éditorial N Engl J Med : 1628-30 ]. Les résultats n’ont pas montré de différence significative entre les deux groupes au niveau du critère d’évaluation primaire (une combinaison des infarctus du myocarde non fatals, des accidents vasculaires cérébraux non fatals et de la mortalité cardio-vasculaire). Une analyse de sous-groupes indique toutefois que l’association statine-fibrate peut avoir un effet bénéfique chez les patients avec une dyslipidémie associant une hypertriglycéridémie et des taux bas de HDL cholestérol malgré un traitement par une statine.

Conclusion

Il est bien établi, entre autres sur base de l’étude STENO-2, que la prise en charge du diabète de type 2 doit reposer sur une approche multifactorielle. Un traitement intensif de la glycémie (d’après les directives, HbA1c < 7%) est surtout important en prévention des complications microvasculaires du diabète, et une prise en charge adéquate des autres facteurs de risque cardio-vasculaires est primordiale en prévention tant des complications microvasculaires que macrovasculaires du diabète. Les résultats des études discutées cidessus n’apportent aucun argument en faveur d’un traitement très intensif de la glycémie (HbA1c < 6 ou 6,5%) et des autres facteurs de risque cardio-vasculaires.