Les auteurs d’une Cochrane Review récente concluent qu’il y a un manque de données provenant d’études randomisées pour évaluer l’impact clinique (c.-à-d. l’effet sur la morbidité et la mortalité à long terme) des antiviraux à action directe dans l’hépatite C chronique. Il existe bien des preuves d’une réponse virologique soutenue (RVS, c.-à-d. absence du virus dans le sang 24 semaines après le traitement antiviral), mais la pertinence clinique de ces données comme critère d’évaluation intermédiaire est mise en doute par les auteurs de la Cochrane Review. Cette conclusion a fait l’objet d’une controverse dans laquelle les critiques soutiennent que la RVS peut être considérée comme un indicateur d’une réduction de la morbidité et mortalité liées à l’hépatite C.Des études permettant d’évaluer correctement l’impact de cette médication sur la morbidité et la mortalité s’avèrent en tout cas nécessaires.

On dispose depuis quelques années de nouvelles molécules antivirales pour le traitement de l’hépatite C chronique, appelées « antiviraux à action directe ». Il s’agit des médicaments suivants: daclatasvir, dasabuvir, elbasvir, grazoprévir, lédipasvir, ombitasvir, paritaprévir, siméprévir, sofosbuvir et velpatasvir. Ils sont utilisés en association entre eux ou en association avec d’autres antiviraux tels que certains interférons et la ribavirine [voir Folia de septembre 2014 et mars 2017, et chapitre 11.4.5. dans le Répertoire]. Ces médicaments sont très onéreux [voir aussi Folia de février 2017] et ne sont remboursés que sous certaines conditions.

Cochrane Review

Une Cochrane Review1 récente a examiné quelles sont les preuves d’un effet des antiviraux à action directe sur la morbidité et la mortalité chez des patients atteints d’hépatite C chronique. Les auteurs de la Cochrane Review concluent que les données provenant des études (toutes randomisées) incluses dans la Review sont insuffisantes pour se prononcer à ce sujet. D’après les auteurs, il existe bien des données probantes démontrant que  les antiviraux à action directe donnent une meilleure réponse virologique soutenue (RVS) (c.-à-d. « absence du virus dans le sang 24 semaines après le traitement antiviral ») par rapport au placebo ou à l’absence d’intervention mais les auteurs estiment que la pertinence clinique de cet effet est «douteuse»: ils estiment que la RVS est un « critère d’évaluation intermédiaire non validé » et qu’il n’est pas prouvé que l’absence du virus dans le sang signifie également que le virus est absent dans le corps, ni que cela entraîne moins de complications ou prolonge la survie ». En outre, les auteurs sont particulièrement critiques en ce qui concerne la qualité des études randomisées disponibles avec ces médicaments : les études ont toutes été réalisées à l’initiative des entreprises responsables, elles sont de courte durée et présentent toutes un risque élevé de biais; la qualité des preuves est classée dans la Cochrane Review comme « très faible ».

Réactions dans la presse médicale

Les conclusions de cette Cochrane Review ont fait l’objet d’une controverse, avec des publications dans The BMJ et The Lancet2-5. Un certain nombre d’experts spécialisés dans l’hépatite C contestent les conclusions de la Cochrane Review, et estiment que la RVS est un critère d’évaluation intermédiaire valable. Ces experts partagent toutefois l’avis que des études rigoureuses à long terme sur la morbidité et la mortalité font défaut, et ils soulignent que les études randomisées incluses dans la Cochrane Review étaient conçues pour évaluer l’influence sur la RVS, et non pour étudier la morbidité et la mortalité, ce qui requiert un plus long délai et un plus grand nombre de patients. C’est pourquoi on ne peut pas conclure non plus que ces médicaments n’ont pas d’influence sur la mortalité ou la morbidité. Ces experts argumentent que les études observationnelles montrent de manière cohérente une influence favorable sur la morbidité ou la mortalité; ils partagent toutefois l’avis que des études randomisées doivent être réalisées pour évaluer correctement ces critères d’évaluation forts.

Commentaire du CBIP

La nécessité d’effectuer des études cliniques permettant de mieux évaluer l’impact clinique de ces médicaments relativement nouveaux, ne fait aucun doute. Les décideurs politiques, les médecins et les patients doivent pourvoir disposer d’études rigoureuses pour pouvoir évaluer correctement le rapport coût/efficacité de ces médicaments onéreux ainsi que leur rapport bénéfice/risque.
 

Sources spécifiques

1 Jakobsen JC, Nielsen EE, Feinberg J, Katakam KK, Fobian K, et al. Direct-acting antivirals for chronic hepatitis C. Cochrane Database of Systematic Reviews 2017, Issue 6. Art. No.: CD012143. (doi: 10.1002/14651858.CD012143.pub2.)
2 Hawkes N. Are new hepatitis C drugs all they’re cracked up to be? (Feature) BMJ 2017;357:j2961 (doi: 10.1136/bmj.j2961)
3 Wiktor SZ en Scott JD.What is the impact of treatment for hepatitis C virus infection? (Comment) The Lancet 2017;390:107-108
4 Doyle JS, Thompson AJ, Higgs P, Stoove M, Dietze PM en Hellard ME. Correspondence. New hepatitis C antiviral treatments eliminate the virus. The Lancet, online op 6 juli 2017 (doi: 10.1016/S0140-6736(17)31817-2)
5 The Hepatitis C Coalition’s response to the Cochrane Review on hepatitis C medicines. Via https://www.bmj.com.gateway.cdlh.be/content/357/bmj.j2961/rapid-responses (30 june 2017)