Il avait été suggéré, sur base d’études observationnelles, que l’utilisation du paracétamol en bas âge pouvait augmenter le risque de wheezing et d’asthme. Dans les Folia de décembre 2010, nous avions conclu que ces études, en raison de leurs limites, n’apportaient pas de réponse définitive et qu’il n’existe aucun argument en faveur d’un lien de causalité. Une étude randomisée en double aveugle, publiée récemment, apporte des preuves solides montrant que le paracétamol est aussi sûr que l’ibuprofène en termes de contrôle de l’asthme, du moins chez les enfants présentant un asthme persistant léger et qui nécessitent un analgésique pour soigner des douleurs ou de la fièvre. Bien que cette étude ne portait pas sur le paracétamol et l’apparition d’asthme, elle contribue néanmoins à infirmer la suggestion de l’impact négatif du paracétamol sur le wheezing ou l’asthme chez les jeunes enfants.

La question de savoir si l’utilisation du paracétamol chez de jeunes enfants augmente le risque de wheezing ou d’asthme fait l’objet de discussions depuis des années. Cette discussion repose sur des données provenant d’études observationnelles, dont les résultats sont contradictoires, et jusqu’à présent, on concluait qu’il n’existait pas suffisamment d’arguments en faveur d’un lien de causalité. En effet, les études observationnelles comportent des limites, et les études ayant observé un lien sont biaisées par la confusion par indication (confounding by indication): les enfants utilisant fréquemment du paracétamol diffèrent en effet des enfants qui en utilisent moins ou pas du tout. Ces enfants présentent plus fréquemment de la fièvre et un malaise (indications pour le paracétamol) parce qu’ils sont par exemple plus sujets aux infections, et les infections virales des voies respiratoires constituent en soi une cause importante de wheezing [voir aussi les Folia de décembre 2010].

En raison des limites des études observationnelles, une étude randomisée en double aveugle a été menée chez des enfants présentant un asthme persistant léger (défini comme suit: symptômes durant plus de 2 jours par semaine, mais pas quotidiennement; environ 75 % de ces enfants recevaient un traitement d’entretien consistant en un corticostéroïde inhalé faiblement dosé ou un antagoniste des récepteurs des leucotriènes). Les résultats ont récemment été publiés dans le New England Journal of Medicine.1 L’utilisation au besoin (« as needed ») du paracétamol a été comparée à l’utilisation au besoin d’ibuprofène pour soulager la fièvre ou la douleur chez 300 enfants (âgés de 12 à 59 mois). A la fin de l’étude (48 semaines), les enfants des deux groupes avaient reçu 5,5 doses (valeur médiane) de paracétamol ou d’ibuprofène. On n’a pas observé de différence entre les groupes en ce qui concerne le nombre d’exacerbations d’asthme (critère d’évaluation primaire), ni en ce qui concerne les critères d’évaluation secondaires (entre autres l’utilisation d’un β2-mimétique à courte durée d’action comme traitement d’appoint).

Cette étude apporte des preuves solides montrant que, chez les enfants présentant un asthme persistant léger et qui nécessitent un analgésique en raison de douleurs ou de fièvre, le paracétamol est aussi sûr que l’ibuprofène en termes de contrôle de l’asthme. L’utilisation du paracétamol ne doit donc pas être évitée chez ces enfants par crainte d’un contrôle moins bon de l’asthme. Cette étude ne permet pas de savoir si cette recommandation est également valable chez les enfants présentant un asthme plus sévère. Pour des raisons pratiques et éthiques, l’étude n’incluait pas de groupe placebo, et il ne peut donc pas être exclu que tant le paracétamol que l’ibuprofène ont un impact négatif sur le contrôle de l’asthme. L’auteur de l’éditiorial juge cette hypothèse toutefois peu plausible étant donné que le nombre d’exacerbations de l’asthme correspondait à l’incidence attendue dans cette population.

Même chez les enfants ayant été exposés in utero au paracétamol, un risque accru de wheezing et d’asthme a été suggéré. Ici aussi, on peut admettre, en s’appuyant sur nos sources [Drugs in Pregnancy and Lactation (Briggs et al.), Martindale], qu’il n’existe pas suffisamment de preuves en faveur d’un lien de causalité.

Le CBIP conclut, comme dans les Folia de décembre 2010, que le paracétamol reste le premier choix en cas de fièvre chez l’enfant.

1Sheehan WJ et al. Acetaminophen versus ibuprofen in young children with mild persistent asthma. N Engl J Med 2016;375:619-30 (doi:10.1056/NEJMoa1515990)

2Litonjua AA (editorial). Acetaminophen an asthma – a small sigh of relief? N Engl J Med 2016;375:684-5 (doi:10.1056/NEJMe1607629)