Dans la prise en charge de la dépendance alcoolique, les médicaments n’ont qu’une place limitée à côté des mesures d’accompagnement psychosocial. Lorsqu’un traitement médicamenteux est envisagé, l’acamprosate (Campral®) et la naltrexone (Nalorex®) sont généralement les médicaments de premier choix mais leur efficacité est modérée et ils ne sont pas dépourvus d’effets indésirables. Le nalméfène (Selincro®), un antagoniste des récepteurs aux opioïdes apparenté à la naltrexone, est maintenant aussi  proposé pour aider à réduire la consommation d’alcool chez des patients alcoolodépendants. SelincroÒest commercialisé en Belgique à partir du 1er avril 2014, et remboursable en catégorie c selon le chapitre IV (contrôle a priori) chez les patients adultes ayant une dépendance à l’alcool avec une consommation d’alcool à risque élevé (≥ 60g/jour pour les hommes et ≥ 40g/jour pour les femmes), ne présentant pas de symptômes physiques de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiat, et ce en association avec un suivi psychosocial continu. Le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) de SelincroÒstipule de prendre le médicament lorsque le patient en ressent le besoin, de préférence 1 à 2 heures avant le moment présumé de la consommation alcoolique, et à raison de maximum un comprimé par  jour.

Le nalméfène présente des effets indésirables comparablesà ceux de la naltrexone tels que insomnies, céphalées, vertiges et nausées, et plus rarement hallucinations et confusions, mais contrairement à la naltrexone, une hépatotoxicité n’a pas été rapportée jusqu’à présent. Le nalméfène est contre-indiqué chez les patients traités par des analgésiques opioïdes en raison du risque d’un syndrome de sevrage brutal ainsi que chez les patients avec des antécédents récents de dépendance aux opioïdes ou de sevrage aigu à l’alcool. Le nalméfène est également contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère ou d’insuffisance hépatique sévère. En présence d’une insuffisance hépatique légère à modérée, les taux sanguins de nalméfène sont plus élevés. On ne sait pas dans quelle mesure le nalméfène influence les complications de l’alcoolodépendance.

 

Deux études randomisées contrôlées par placebo d’une durée de 6 mois ont évalué l’efficacité du nalméfène, administré à la demande pendant 6 mois chez 1.332 patients au total. Les résultats montrent un effet à peine supérieur par rapport au placebo  en termes de diminution du nombre de jours de consommation élevée d’alcool (heavy drinking days) et de la consommation totale d’alcool par jour : la différence entre les deux groupes était inférieure à 2 jours par mois de consommation élevée d’alcool, et était de 5 à 9 g d’alcool (c.-à-d. environ ½ verre de vin) par jour. Dans une troisième étude contrôlée par placebo d’une durée d’un an, le nalméfène n’a pas entraîné de diminution statistiquement significative de ces mêmes critères d’évaluation après 6 mois, mais bien après un an. Dans toutes ces études, les patients des différents groupes recevaient un soutien psychosocial, et l’effet placebo y est très important.

 

La pertinence de ces études est donc incertaine, d’autant plus que le taux d’abandons y est aussi élevé (30 à 50%). Par ailleurs, on ne dispose pas d’études comparatives avec la naltrexone ou l’acamprosate. Tenant compte des faibles preuves d’efficacité du nalméfène par rapport au placebo, de l’absence de données par rapport aux autres traitements de la dépendance alcoolique ainsi que de l’incidence élevée des effets indésirables, le nalméfène n’est pas une solution miracle dans la prise en charge de la dépendance alcoolique. Dans la prise en charge de la dépendance alcoolique, la prise en charge psychosociale garde certainement une place prépondérante. [1][2][3]



[1] La Revue Prescrire 2014; 34: 6-9

[2]Pharma Selecta 2012; 28:97-89

[3]Cochrane Database Syst Rev.2010 Dec 8;(12):CD001867. doi: 10.1002/14651858.CD001867.pub2.