Messages clés

  • Ces dernières années, la prévalence de la gale a vraisemblablement augmenté en Belgique, bien que la prévalence exacte ne soit pas connue.

  • Le traitement de la gale est complexe et requiert non seulement un traitement médicamenteux approprié, mais aussi la mise en place de mesures strictes d’hygiène, et ce, tant pour le cas index que pour ses contacts étroits. Une bonne observance thérapeutique est cruciale pour la réussite du traitement.

  • Un nouveau guide de pratique clinique du WOREL dédié au traitement de la gale a été publié plus tôt dans l’année, faisant suite à une demande du Département de la santé (Departement Zorg) de la Communauté flamande.1 Ce guide cite 4 options de traitement à l’efficacité équivalente : perméthrine à 5 % en application locale, benzoate de benzyle à 25 % en application locale, ivermectine à 1 % en application locale et ivermectine à raison de 0,2 mg/kg par voie orale. Le guide de pratique clinique tient compte de la suspicion de résistance croissante à la perméthrine. Le choix du traitement dépend du contexte, des contre-indications (relatives), des préférences du patient ou de ses parents et, éventuellement, de l’échec d’un traitement antérieur. Si plusieurs options de traitement sont adaptées à la situation spécifique du patient, le premier choix peut être déterminé en concertation avec le patient (décision partagée).

  • Les conseils actuels de la BAPCOC seront bientôt mis à jour dans la foulée du guideline du WOREL.

Introduction

La Belgique et le reste du monde connaissent une hausse des infections par la gale. La prévalence exacte en Belgique est inconnue et probablement sous-estimée du fait que l’obligation de déclaration de gale ne s’applique qu’aux infections en collectivité. Sciensano a néanmoins enregistré une augmentation sur la base de données relatives à la vente et au remboursement des traitements de la gale.2

La gale est provoquée par le sarcopte, un acarien. La présence de ces acariens et de leurs œufs déclenche une réaction d’hypersensibilité de type IV retardée, qui se manifeste par d’intenses démangeaisons généralisées, surtout la nuit, et par des lésions locales (e.a. peau squameuse, lésions en relief, papules érythémateuses et lésions de grattage).

Les facteurs de risque d’infection par la gale sont, entre autres, le manque d’hygiène personnelle (p. ex. sans-abris), la malnutrition, les conditions de vie dans la promiscuité (dans des institutions, des logements d’étudiants, des centres d’asile), les séjours dans des régions où la gale est endémique ou les voyages dans de mauvaises conditions d’hygiène, ainsi que la multiplication des partenaires sexuels.

Pour tout complément d’information sur la pathogenèse, le tableau clinique et la transmission d’une infection par la gale, nous renvoyons le lecteur au guide du WOREL pour le traitement de la gale (« Behandeling van scabiës »).1 Pour le diagnostic, nous renvoyons le lecteur au guide du WOREL pour le diagnostic de la gale (« Diagnose van scabiës »).3 Le présent article expose les principales modifications concernant le traitement médicamenteux vis-à-vis des actuelles recommandations de la BAPCOC.

Prise en charge médicamenteuse

Dans la prise en charge d’une infection par la gale, il est important que le bon traitement médicamenteux soit associé au suivi strict des mesures d’hygiène préconisées.
Pour une information détaillée sur les mesures d’hygiène, les contacts à traiter, le suivi et la prévention de la propagation, nous renvoyons le lecteur au guide du WOREL.1 Dans le présent article, nous nous limitons aux données relatives au traitement médicamenteux.

Résistance à la perméthrine ?

La perméthrine était, jusqu’à aujourd’hui, le traitement de première intention recommandé par la BAPCOC. Mais une suspicion de résistance croissante à la perméthrine flotte dans l’air depuis quelques années. Cette suspicion repose sur quelques cas, tant en Belgique qu’à l’international, qui se sont soldés par un échec thérapeutique en dépit d’une exécution adéquate. Les études in vitro n’ont pas pu confirmer cette résistance.4-7 Le groupe de travail du guide de pratique clinique du WOREL conclut qu’il n’est actuellement pas possible de tirer de conclusion définitive en ce qui concerne la résistance à la perméthrine et, dans l’attente d’éclaircissements, propose l’adaptation suivante :

  • les quatre options de traitement aujourd’hui disponibles sur le marché belge sont considérées équivalentes en termes d’efficacité : cf. « Choix du produit > Efficacité » ;

  • il est important de respecter une durée d’application suffisante pour la perméthrine à 5 % (minimum 12 heures) et, par sécurité, de répéter le traitement au jour 8 ;

  • les médecins traitants doivent être vigilants à l’échec du traitement à base de perméthrine. Un suivi proactif est indiqué pour évaluer l’efficacité du traitement et, si nécessaire, répéter le traitement ou appliquer l’une des autres options en temps opportun.

Choix du produit

Jusqu’ici, la BAPCOC conseillait la perméthrine à 5 % en application locale comme traitement de première intention. Dans sa recommandation de 2025, le groupe de travail du WOREL indique que, chez les adultes et les enfants qui ont un poids corporel > 15 kg, le choix du traitement dépend du contexte, des contre-indications (relatives), des préférences (des parents) du patient et, éventuellement, de l’échec d’un traitement antérieur. Si plusieurs options de traitement sont adaptées à la situation spécifique du patient, le premier choix peut être déterminé en concertation avec le patient (décision partagée).
Pour les enfants âgés de > 2 mois et pesant ≤ 15 kg, le guide de pratique clinique conseille un traitement local à base de perméthrine à 5 % ou de benzoate de benzyle à 25 %.
Quant aux enfants âgés de ≤ 2 mois, ils seront de préférence traités avec le benzoate de benzyle à 25 % (en application locale), les autres options de traitement étant contre-indiquées. En cas de contre-indication au benzoate de benzyle à 25 %, la deuxième ligne doit être envisagée.
La BAPCOC reprendra ces conseils dans une prochaine mise à jour de son guide.

Efficacité

En dépit des craintes de résistance (cf. « Résistance à la perméthrine ? »), le groupe de travail stipule que les options de traitement suivantes peuvent être considérées comme étant équivalentes en termes d’efficacité : la perméthrine à 5 % en application locale, le benzoate de benzyle à 25 % en application locale, l’ivermectine à 1 % en application locale et l’ivermectine à raison de 0,2 mg/kg par voie orale.

Innocuité

En ce qui concerne l’innocuité, les quatre options se révèlent donner un risque très limité d’effets indésirables graves.

  • Les traitements locaux provoquent principalement une irritation cutanée.

  • L’ivermectine per os occasionne souvent une intensification temporaire des démangeaisons au début du traitement. L’ivermectine par voie orale a par ailleurs donné lieu à des notifications d’effets indésirables systémiques, y compris de manifestations gastro-intestinales, maux de tête, douleurs musculaires et articulaires, fatigue, hyperéosinophilie de nature transitoire et troubles de la fonction hépatique. De rares cas d’effets indésirables graves ont été déclarés, tels qu’encéphalite, nécrolyse épidermique toxique et syndrome de Stevens-Johnson [cf. Folia d’avril 2023 sur l’ivermectine et les réactions cutanées graves].

Selon les principes de prescription rationnelle, l’application topique doit être privilégiée à la voie orale en vue de limiter le risque d’effets indésirables systémiques.

Contre-indications (relatives)

Le choix du traitement doit tenir compte d’éventuelles contre-indications.

  • L’ivermectine, tant locale qu’orale, est ainsi déconseillée pendant la grossesse. Mais son utilisation est jugée sans danger pendant l’allaitement.

  • Chez les enfants âgés de > 2 mois et pesant ≤ 15 kg, l’ivermectine connaît une contre-indication relative, tant en application locale qu’en administration orale, mais elle peut être envisagée en concertation avec la deuxième ligne à défaut d’autres options adéquates. L’innocuité de l’ivermectine n’a pas été établie chez les enfants ayant un poids corporel < 15 kg.

  • La perméthrine et l’ivermectine (tant per os qu’en traitement local) sont contre-indiquées chez les enfants âgés de ≤ 2 mois.

  • L’application locale de perméthrine et de benzoate de benzyle doit être évitée sur les plaies ouvertes et les lésions cutanées étendues.

  • Le benzoate de benzyle est contre-indiqué en cas de peau eczémateuse et de lésions cutanées surinfectées.

Coût

D’autres facteurs, tels que le statut socio-économique du patient et de ses contacts étroits, peuvent également être pris en considération. Le coût peut en effet fortement varier.

  • Seule la spécialité à base de perméthrine à 5 % en crème et la préparation magistrale de benzoate de benzyle sont remboursées. Pour l’heure, la perméthrine à 5 % et le benzoate de benzyle à 25 % sont bien moins chers que l’ivermectine orale ou locale.

  • L’ivermectine à 1 % à usage local est disponible en spécialité, mais le médicament n’est pas autorisé pour le traitement de la gale (usage off-label) et il n’est pas remboursé. L’ivermectine à 1 % peut aussi faire l’objet d’une préparation magistrale, mais sans remboursement.

  • L’ivermectine per os est disponible en spécialité sous la forme de comprimés ou en préparation magistrale sous la forme de gélules. Aucune des deux formes n’est remboursée.

Pour la version la plus actuelle de ces informations, rendez-vous sur notre site web : 11.5.3.8.2. Scabies (Gale) > Traitement antimicrobien.

Facilité d’utilisation

  • Pour ce qui concerne la facilité d’utilisation, l’ivermectine orale est privilégiée aux traitements locaux, qu’il est parfois difficile d’appliquer correctement.

  • Quant au benzoate de benzyle, il doit en outre être appliqué pendant trois jours consécutifs (72 heures), ce qui peut compliquer l’observance thérapeutique.

  • Le traitement local à base tant de perméthrine à 5 % que d’ivermectine à 1 % doit être répété au jour 8. Si cette répétition était autrefois facultative avec la perméthrine, elle est désormais recommandée.

  • Le traitement topique n’est pas possible dans un certain nombre de situations de vulnérabilité (sociale), p. ex. quand l’observance thérapeutique ou l’exécution pratique ne peut être garantie. Dans ces situations, l’ivermectine est indiquée en traitement oral.

Tableau récapitulatif

  Durée minimale d’application​ Répétition Contre-indications​ Prix du traitement complet (en mai 2025)​
Perméthrine à 5 % (local) ≥12h Jour 8 Plaies ouvertes, hypersensibilité aux ingrédients (pyréthrinoïdes),
enfants ≤ 2 mois
Spécialité : 13,48 €
Benzoate de benzyle à 25 % (local)​ ≥24h Traiter pendant 3 jours consécutifs Lésions cutanées étendues et peau eczémateuse, infection cutanée secondaire, plaies ouvertes Préparation magistrale : 2,54 €
Ivermectine à 1 % (local) ≥8h Jour 8 L’ivermectine ne peut pas être utilisée chez les femmes enceintes, mais est sans danger pendant l’allaitement. Préparation magistrale : 125 €
Ivermectine
0,2 mg/kg (oral)
  Jour 8 Ne pas utiliser en cas d’hypersensibilité aux ingrédients.
Contre-indication relative chez les enfants < 15 kg, mais le produit peut être utilisé en concertation avec la 2e ligne.
Spécialité :
Enfant de 15 à 35 kg : 28,01 €
Personne de 36 à 65 kg : 56,02 €
Personne de > 66 kg : 84,03 €

Conseils pratiques

  • Traitements locaux

    • En préparation à l’application des produits locaux, il est conseillé de se couper les ongles et de s’assurer que la peau est sèche et fraîche. Le patient doit prévoir deux sets de vêtements, serviettes et draps de lit propres : un à utiliser dès l’application et un autre à utiliser après la durée de l’application. Les deux doivent ensuite être lessivés à 60 °C (cf. guide de pratique clinique du WOREL > mesures d’hygiène).

    • Le site d’application : Chez les adultes et les enfants de plus de 12 ans, le médicament est en général appliqué sur tout le corps, depuis le rebord mandibulaire jusque et y compris la plante des pieds. Il convient d’être particulièrement attentif aux poignets, aux aisselles, aux organes génitaux, aux plis cutanés et aux zones situées entre les doigts, entre les orteils et sous les ongles (conseiller une brosse à dents souple pour appliquer le médicament sous les ongles). Chez les enfants de moins de 12 ans, les patients immunodéficients, les personnes âgées vulnérables (multimorbidité/fragilité) et les patients présentant des lésions cutanées au niveau du cou, des sourcils ou du cuir chevelu, il est important de bien enduire la tête (au-dessus du rebord mandibulaire) également (le visage, les sourcils, le cou, la nuque, les oreilles, l’arrière des oreilles et le cuir chevelu).

    • Il faut disposer d’une quantité suffisante de médicament pour assurer une application uniforme sur tout le corps :

      • chez l’adulte, une application nécessite en moyenne 30-45 grammes (+- 1 tube)

      • chez l’enfant âgé de 6 à 12 ans, la moitié de cette quantité suffit (1/2 tube)

      • chez l’enfant de moins de 6 ans, un quart de cette quantité suffit (1/4 tube)

      • chez les personnes de grande taille et/ou en surcharge pondérale, il convient de prévoir une plus grande quantité.

    • En théorie, le traitement peut être appliqué à tout moment de la journée mais, pour la perméthrine à 5 % et l’ivermectine à 1 % (en traitement local), une application le soir, avant le coucher, peut simplifier le respect des mesures d’hygiène puisqu’elle limite le temps de contact avec l’un ou l’autre objet. Au terme de la durée minimale d’application, seuls le pyjama et le linge de lit doivent ainsi être soumis aux mesures d’hygiène. Vu la longue durée d’application du benzoate de benzyle (minimum 72 h), il n’y a pas de moment privilégié pour l’appliquer.

    • Les produits à usage local doivent être réappliqués après chaque passage aux toilettes et changement de lange ou de matériel d’incontinence (uniquement au niveau de la zone intime) ou après chaque lavage des mains (au niveau des mains). Si le patient souhaite prendre une douche pendant la durée d’application du benzoate de benzyle, l’application doit être répétée une heure après la douche, dès que la peau est à nouveau fraîche et sèche.

    • Après l’application de produits à usage local, il est important de bien laisser pénétrer le produit dans la peau avant d’enfiler des vêtements propres et de ne pas utiliser d’autres crèmes ou cosmétiques. Chez les enfants de moins de 2 ans, les personnes ayant un déficit intellectuel et les personnes âgées atteintes de maladies neurodégénératives, il peut être indiqué d’enfiler au patient une paire de gants/moufles (en coton, laine ou autre matière, mais pas en plastique à cause de son effet occlusif) après l’application du produit pour éviter tout contact avec la muqueuse buccale.

    • Après le traitement, le patient peut faire sa toilette en utilisant des serviettes propres et se revêtir de linge propre.

  • Ivermectine per os

    • En cas d’administration orale, les mesures d’hygiène doivent aussi être observées au début du traitement et répétées 12 heures après la prise. Encore une fois, il est dès lors indiqué de programmer la prise du traitement au coucher pour des raisons pratiques.

    • Le patient doit éviter de manger 2 heures avant et 2 heures après l’administration.

Traitement symptomatique

Le prurit qui accompagne une infection par la gale est la conséquence d’une réaction d’hypersensibilité de type IV. En conséquence, il ne disparaîtra pas immédiatement après l’éradication des acariens et peut persister jusqu’à 4 semaines après le début du traitement. La décomposition des acariens peut induire une aggravation temporaire des symptômes après le début du traitement.
La prise d’antihistaminiques (sédatifs) peut soulager pendant le traitement. Une fois le traitement local de la gale terminé, une crème indifférente peut être appliquée pour atténuer les symptômes.
Face à un prurit post-scabieux, des corticoïdes locaux peuvent être utilisés sauf en présence de signes de réinfection ou d’échec thérapeutique. Cet usage doit être court, intermittent et contrôlé.
En pratique, il est souvent difficile de distinguer un prurit post-scabieux d’une réinfection ou d’un échec thérapeutique.

Orientation du patient

Le patient doit être orienté en deuxième ligne (dermatologue, pédiatre) dans les cas suivants :

  • Démangeaisons persistantes avec impossibilité de distinguer un prurit post-scabieux d’une infection active.

  • Enfant âgé de < 2 mois avec contre-indication au benzoate de benzyle.

  • Enfant pesant ≤ 15 kg pour lequel l’ivermectine est la seule option.

  • Faites une déclaration en cas d’épidémie dans une collectivité (≥ 2 cas en 6 semaines).

Déclaration obligatoire

La Flandre, la Wallonie et Bruxelles imposent une déclaration obligatoire pour les cas de gale en collectivité, à savoir ≥ 2 cas au sein d’un même établissement dans un délai de 6 semaines. Les infections multiples au sein d’un ménage et les infections solitaires au sein d’une collectivité ne doivent pas être déclarées.
Les procédures de déclaration sont disponibles sur les sites web suivants :

Sources

De Sutter A, Janssen A, Piessens V, Stul F, Van Royen P. Scabiës: behandeling. Werkgroep Ontwikkeling Richtlijnen Eerste Lijn (WOREL). 21 janvier 2025. Cliquer ici (uniquement disponible en néerlandais).
Sciensano. Epidemiological evolution of scabies in Belgium, 2000-2022. Cliquer ici .
3 De Sutter A, Janssen A, Piessens V, Stul F, Van Royen P. Scabiës: diagnose. Werkgroep Ontwikkeling Richtlijnen Eerste Lijn (WOREL). 21 janvier 2025. Cliquer ici (uniquement disponible en néerlandais).
4 Vos S, Ruizendaal E, Hekker T. Is de menselijke schurftmijt resistent geworden voor behandeling met permetrine. Seksoa Magazine, novembre 2022. Cliquer ici.
5 Yürekli A. Is there a really resistance to scabies treatment with permethrin? In vitro killing activity of permethrin on Sarcoptes scabiei from patients with resistant scabies. Dermatologic Therapy. 2022;35(3). doi:10.1111/dth.15260

6 Andriantsoanirina V, Izri A, Botterel F, Foulet F, Chosidow O, Durand R. Molecular survey of knockdown resistance to pyrethroids in human scabies mites. Clinical Microbiology and Infection. 2014;20(2):O139-O141. doi:10.1111/1469-0691.12334
7 Riebenbauer K, Purkhauser K, Walochnik J, et al. Detection of a knockdown mutation in the voltage-sensitive sodium channel associated with permethrin tolerance in Sarcoptes scabiei var. hominis mites. Acad Dermatol Venereol. 2023;37(11):2355-2361. doi:10.1111/jdv.19288