Contraceptifs oraux et risques cardio-vasculaires

A plusieurs reprises, nous avons déjà attiré l' attention dans les Folia de novembre 1995, de Folia mars 1996, d’ Folia octobre 1996 et de Folia janvier 1998 sur le risque de thrombo-embolie veineuse lié aux contraceptifs oraux. Il s' agissait alors surtout de l' inquiétude quant à la possibilité d' un risque accru de thrombo-embolie veineuse pour les contraceptifs oraux faiblement dosés en estrogènes et contenant comme progestatif du gestodène ou du désogestrel (contraceptifs de troisième génération) par rapport aux contraceptifs contenant un autre progestatif (contraceptifs de deuxième génération). Le dernier article à ce sujet publié dans les Folia de janvier 1998, rapporte la dernière mise au point du Comité des Spécialités Pharmaceutiques (CSP). Le CSP estime qu' il n' est pas encore clairement établi que les contraceptifs oraux contenant un progestatif de troisième génération présentent un risque accru de thrombose veineuse par rapport aux contraceptifs oraux à base de lévonorgestrel, et il insiste sur le fait que la thrombo-embolie veineuse est un effet indésirable grave mais rare de tous les contraceptifs oraux. Plusieurs facteurs de risque ainsi que des recommandations et des mesures de précaution sont également mentionnés dans cet article.

Le British Medical Journal a publié récemment un éditorial sur les risques cardio-vasculaires des contraceptifs oraux suite à la publication de nouvelles données sur le risque d' infarctus du myocarde et aux récentes déclarations de la British Medicines Commission.

Les résultats de deux études d' observation internationales suggèrent que le risque d' infarctus du myocarde est plus faible chez les utilisatrices de contraceptifs oraux de troisième génération que chez les utilisatrices de contraceptifs oraux de deuxième gé nération; dans une de ces études, cette différence semblait ne pas se retrouver dans le sous-groupe de femmes britanniques ni dans celui des femmes de moins de 35 ans. Dans une troisième étude, la plus grande réalisée à ce jour, [l' étude MICA, une étude cas-té moins publiée récemment dans le Brit Med J [318 : 1579-1584(1999)] aucune différence quant au risque d' infarctus du myocarde ne fut observée entre les utilisatrices de contraceptifs de deuxième ou de troisième génération.

Plus controversé est le risque de thrombo-embolie veineuse lié aux contraceptifs oraux de troisième génération. Il ressort de quatre études d' observation que ce risque est environ deux fois plus élevé avec les contraceptifs oraux de troisième génération qu' avec ceux de deuxième génération [n.d.l.r.: pour plus de détails sur ces études, voir Folia de mars 1996]. Les études publiées par après étaient en général de moins bonne qualité et rapportaient des résultats divergents. Les quatre études originales ont fait l' objet de critiques importantes, en particulier parce qu' elles auraient été sujettes à des biais et à des facteurs de confusion (&quotconfounding factors&quot).

  • Lors de leur introduction, les contraceptifs de troisième génération étaient présentés comme plus sûrs de sorte qu' ils ont pu être prescrits préférentiellement à des femmes présentant un risque accru de thrombose.
  • Les femmes sous contraceptifs de deuxième génération chez qui une thrombose survenait étaient exclues des études, ce qui aboutissait à long terme à une cohorte de femmes qui prenaient ce type de pilule depuis longtemps et avaient un risque moindre de thrombose; les utilisatrices de contraceptifs oraux de troisième génération seraient en général des femmes qui ne prennent la pilule que depuis peu, ce qui conduit à un nombre accru de femmes à risque élevé dans cette cohorte.

Même lorsque ces facteurs sont contrôlés, un risque plus marqué de thrombo-embolie veineuse est cependant encore observé avec les contraceptifs oraux de troisième génération.

Toujours d' après le même éditorial, le risque plus élevé de thrombo-embolie veineuse avec les contraceptifs oraux de troisième génération est réel et mesurable; ce risque accru est cependant faible en valeur absolue, et est surtout présent lors de l' instauration de la contraception.

La British Medicines Commission a confirmé récemment le risque accru de thrombo-embolie veineuse lié aux contraceptifs oraux de troisième génération. La commission laisse toutefois le choix du contraceptif à l' appréciation clinique du médecin et à la préférence du patient. D' après les données cliniques, les contraceptifs de deuxième génération doivent être considérés comme un premier choix. Certaines femmes présenteront toutefois des effets indésirables dits &quotmineurs&quot lors de la première utilisation d' une pilule, et il peut alors être utile de la remplacer par un autre contraceptif oral contenant un autre progestatif. Chez certaines femmes, les avantages potentiels d' un contraceptif oral de troisième génération possédant des propriétés androgéniques plus faibles (par exemple, risque moindre d' acné) compensent la faible augmentation du risque de thrombo-embolie veineuse. Des données randomisées sur ces effets indésirables androgeniques ne sont toutefois pas systématiquement analysées. On attend une revue de la Cochrane Collaboration.

La conclusion de l' éditorial est que le risque de thrombo-embolie veineuse est plus élevé avec les contraceptifs oraux de troisième génération qu' avec ceux de deuxième génération. La vérité n' est pas tant de dire que les contraceptifs oraux de troisième génération ne sont pas sûrs, mais bien qu' il existe des alternatives plus sûres.

D' après

  • P. A. O' Brien: The third generation oral contraceptive controversy. The evidence shows they are less safe than second generation pills. Brit Med J 319 : 795-796(1999) L' auteur est un consultant rémunéré de l' équipe juridique qui représente les femmes qui ont développé une thrombo-embolie veineuse sous contraceptif oral de troisième génération.

Noms de spécialités

Contraceptifs oraux de troisième génération


Contraceptifs à base de désogestrel: Marvelon Mercilon

Contraceptifs à base de gestodène: Femodène Harmonet Méliane Minulet

Contraceptifs oraux de deuxième génération

Cilest Conova Microgynon 30 Minestril-20 Minestril-30 Ovysmen Stediril-30

Note de la rédaction

Une étude randomisée récente a comparé chez 33 femmes les effets d' un contraceptif oral de deuxième génération (lévonorgestrel 0, 15 mg + éthinylestradiol 0,03 mg) et ceux d' un contraceptif oral de troisième génération (désogestrel 0, 15 mg+éthinylestradiol 0,03 mg) sur l' activité anticoagulante de l' APC ("Activated Protein C&quot) [ Lancet 354 : 2036-2040(1999) ]. Il s' agissait d' une étude transversale: la première préparation a été administrée pendant deux cycles; puis, après une période d' abstention, l' autre préparation a été administrée pendant deux cycles ou plus. Les deux contraceptifs oraux diminuaient l' efficacité avec laquelle l' APC inhibait la formation de thrombine in vitro (appelée &quotrésistance acquise à l' APC&quot). La résistance acquise à l' APC était significativement plus marquée chez les femmes sous contraceptifs oraux de troisième génération que chez celles sous contraceptifs oraux de deuxième génération. Les auteurs de cette étude concluent toutefois qu' il n' est pas encore prouvé que la résistance acquise à l' APC soit à l' origine de l' augmentation du risque de thrombo-embolie chez les utilisatrices de la pilule.