Prise en charge des nausées et vomissements liés à la grossesse


Abstract

Des nausées et vomissements surviennent fréquemment en début de grossesse, mais ne causent généralement pas de risques pour la mère ou le foetus. Des mesures non médicamenteuses s’avèrent le plus souvent suffisantes. Des médicaments sont fréquemment administrés, mais les données relatives à leur efficacité et à une tératogénicité éventuelle sont limitées. Quand le choix d’un médicament s’impose, La Revue Prescrire propose la doxylamine, un antihistaminique H1 comme médicament de premier choix, mais celui-ci n’est pas disponible en Belgique, ni en spécialité ni comme matière première. Le métoclopramide est présenté comme alternative. En cas de vomissements incoercibles ("hyperemesis gravidarum&quot) la prométhazine, un antihistaminique H1, et la chlorpromazine, un neuroleptique, qui n’est pas disponible en Belgique en spécialité mais qui peut être préparé en magistrale, sont proposés.

Des nausées et vomissements surviennent chez 50 à 90 % des femmes en début de grossesse. La cause n’est pas clairement établie. La situation est sans gravité dans la plupart des cas et il n’y a pas de risque pour la mère ou le foetus.


Mesures non médicamenteuses

La plupart des nausées et vomissements liés à la grossesse peuvent se gérer avec des mesures non médicamenteuses, mais aucune prise en charge n’a été évaluée de manière rigoureuse. La prise fréquente (toutes les 2 à 3 heures) de boissons ou d’aliments en petites quantités (de préférence pauvres en graisses) peut être conseillée. D' autres mesures peuvent être utiles: éviter les odeurs de nourriture qui provoquent des nausées, prise de boissons gazeuses, repos en position couchée, air frais régulier.


Mesures médicamenteuses

Des médicaments contre les nausées et vomissements sont souvent pris durant la grossesse. Leur efficacité n’a toutefois pas été examinée dans des essais cliniques rigoureux, et les informations concernant un risque tératogène éventuel sont généralement limitées. Quand un médicament est jugé nécessaire, le choix doit porter sur le mieux évalué, avec des études épidémiologiques dont les résultats sont rassurants quant à la tératogénicité [n.d.l.r.: concernant les médicaments et la grossesse, voir également les ].


Antihistaminiques H1 non phénothiaziniques

L’effet tératogène éventuel des antihistaminiques H1 a suscité une grande inquiétude dans les années ’70. Une méta-analyse de 24 études, publiée en 1997, ayant inclus au total plus de 200.000 femmes enceintes, conclut à l’absence d’un risque accru de tératogénicité, mais ne fournit aucune information concernant chaque antihistaminique H1 pris individuellement. L’efficacité antiémétique des antihistaminiques H1 durant la grossesse a été évaluée dans plusieurs essais cliniques qui ont également été réunis dans une méta-analyse. Bien que les résultats des études soient hétérogènes, ceux-ci indiquent un effet antiémétique. Les auteurs de La Revue Prescrire estiment que le niveau de preuve de ces méta-analyses est assez modeste, et que les données doivent être examinées séparément pour chaque substance.

  • La doxylamine a été la mieux évaluée, tant en ce qui concerne son efficacité que le risque de tératogénicité. Les effets indésirables chez la mère sont surtout la sédation et des effets anticholinergiques tels constipation et sécheresse de la bouche.
  • Les données chez la femme concernant la méclozine, la diphenhydramine et le dimenhydrinate n’indiquent pas d’effet tératogène, mais l’expérience est beaucoup plus limitée. La méclozine est tératogène chez l’animal.

Métoclopramide

Le métoclopramide est une alternative à la doxylamine. Son efficacité antiémétique n’a pas été étudiée dans la population particulière des femmes enceintes. Les données chez celles-ci sont encore très limitées mais ne montrent pas de risque tératogène. Le métoclopramide n’est pas tératogène chez l’animal. Les effets indésirables extrapyramidaux sont liés à la dose.


Dérivés de la phénothiazine

Des données sont disponibles concernant un effet favorable des dérivés de la phénothiazine en cas de nausées et vomissements liés à la grossesse. Les rapports de cas sur un effet tératogène n’ont pas été confirmés dans des études observationnelles chez 4.000 femmes au total, exposées entre autres à la prométhazine, à la chlorpromazine et à la perphénazine.

  • L’expérience est la plus large avec la prométhazine [n.d.l.r.: classée parmi les antihistaminiques H1 dans le Répertoire Commenté des Médicaments] et la chlorpromazine. La Revue Prescrire considère la chlorpromazine ou la prométhazine comme premier choix pour traiter les vomissements résistant à la doxylamine et au métoclopramide, en particulier les vomissements incoercibles ("hyperemesis gravidarum&quot), en plus des mesures de compensation hydro-électrolytique et de l’administration de vitamine B1 (thiamine) pour la prévention de l’encéphalopathie de Wernicke.
  • Des données valables sur l’usage de la métopimazine pendant la grossesse manquent; cet usage est dès lors déconseillé.

Divers

Le doute persiste quant à l’efficacité de la pyridoxine (vitamine B6) aux doses examinées (30 mg p.j. et 75 mg p.j.). Les données concernant sa sécurité d’emploi sont rassurantes. La dompéridone, les corticostéroïdes et l’ondasétron ne peuvent pas être utilisés en raison de la faiblesse voire de l’absence de données.

D' après:

  • Privilégier les mesures non médicamenteuses. La Revue Prescrire 21 : 838-846(2001)

Note de la rédaction

Pour les médicaments discutés, il est indiqué ci-dessous si les nausées et vomissements en général (indiqué par *) ou liés à la grossesse (indiqué par **) sont repris parmi les indications dans la notice belge. La dose n’est pas mentionnée pour les médicaments déconseillés par La Revue Prescrire.

  • La chlorpromazine n’est pas disponible en spécialité en Belgique, mais peut être prescrite en préparation magistrale. La dose proposée dans Martindale (éd. 33) pour les nausées et vomissements en général est de 10 à 25 mg p.o. toutes les 4 à 6 heures.
  • Diphenhydramine: Benylin, Nuicalm. La dose proposée dans Martindale (éd. 33) pour les nausées et vomissements en général est de 25 à 50 mg p.o., 3 à 4 fois par jour.
  • Dimenhydrinate: Paranausine** (la dose pour les nausées et vomissements en début de grossesse, mentionnée dans la notice, est de 80 mg, à répéter éventuellement toutes les 4 à 5 heures), Vagomine* (la dose pour les nausées en général, mentionnée dans la notice est de 75 à 150 mg, à répéter éventuellement 2 ou 3 fois par jour).
  • La doxylamine n’est pas disponible en Belgique ni en spécialité ni comme matière première.
  • Méclozine: Agyrax**, Postafene**. La dose mentionnée dans la notice de ces spécialités pour traiter les nausées en début de grossesse, est de 25 mg, à augmenter jusqu’à maximum 100 mg par jour en plusieurs prises.
  • Métoclopramide: Dibertil*, Docmetoclo*, Metoclopramide EG*, Movistal*, Primperan*. La dose en cas de nausées et vomissements en général, figurant dans les notices belges, varie de spécialité à spécialité. La dose proposée dans Martindale (éd. 33) pour traiter les nausées et vomissements en général est de 10 à 20 mg par prise (max. 0,5 mg/kg/jour).
  • Métopimazine: Vogalene* (déconseillée par La Revue Prescrire).
  • Prométhazine: Phénergan. La dose proposée dans Martindale (éd. 33) en cas de nausées et vomissements en général est de 25 mg p.o., 2 à 3 fois par jour (max. 100 mg par jour).