Le bévacizumab dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge


Abstract

Le bévacizumab (Avastin®) est couramment utilisé en injection intravitréenne dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Cette indication ne figure pas dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) de l’Avastin®, mais des données récentes apportent cependant des preuves quant à son efficacité.

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie dégénérative de la rétine, chronique et évolutive, entraînant une perte progressive de la vision centrale et qui débute après l’âge de 50 ans. Le principal facteur de risque est l’âge. D’autres facteurs de risque sont incriminés, comme le tabagisme, l’influence génétique, le degré de pigmentation, l’hypertension artérielle, les rayons ultraviolets et un déséquilibre alimentaire.

Deux inhibiteurs du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF), le pegaptanib (Macugen®) et le ranibizumab (Lucentis®), sont enregistrés et remboursés sous certaines conditions dans le traitement de la DMLA [voir Folia de décembre 2007 ]. On y mentionne également le bévacizumab (Avastin®), un inhibiteur du VEGF enregistré comme antitumoral mais fréquemment utilisé " off label " dans la DMLA; cette indication ne figure pas dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), et ne bénéficie pas d'un remboursement. L’utilisation du bévacizumab dans la DMLA s'explique principalement par son faible coût, mais jusqu' à présent, il n’y avait pas de preuve d’efficacité.

Deux études randomisées contrôlées multicentriques ayant évalué l’efficacité du bévacizumab dans la DMLA ont été publiées récemment.

  • La première étude, l'étude ABC [Avastin®(bévacizumab) for choroidal neovascularisation trial, 131 patients], parue dans le British Medical Journal, a comparé le bévacizumab en injection intravitréenne à raison de 1,25 mg (toutes les 6 semaines) par rapport aux traitements classiques (pegaptanib, vertéporfine). Cette étude révèle une efficacité supérieure du bévacizumab sur l’acuité visuelle avec un faible taux d’effets indésirables oculaires sévères. Le risque d’effets indésirables systémiques reste à évaluer au niveau d’une population plus large.
  • La deuxième étude, l’étude CATT [Comparison of Age-Related Macular Degeneration Treatments Trials, 1.208 patients], est une étude de non infériorité d'une durée de deux ans, qui compare le bévacizumab (1,25 mg en injection intravitréenne) et le ranibizumab (0,5 mg en injection intravitréenne), à raison d'une injection mensuelle ou " au besoin " (c.-à-d. en présence de signes de néovascularisation active). Les résultats préliminaires (après un an) ont été publiés récemment dans le New England Journal of Medicine. Il ressort de ces résultats que le bévacizumab et le ranibizumab, administrés selon le même schéma, apportent une amélioration similaire de l’acuité visuelle après un an de traitement. Ils montrent également qu’un traitement par le ranibizumab " au besoin " est équivalent à un traitement mensuel systématique. Bien que le nombre de complications systémiques graves soit un peu plus élevé dans le groupe traité par le bévacizumab, cette différence n’est pas statistiquement significative. Les résultats de cette étude après un suivi de deux ans, ainsi que ceux de cinq études comparatives multicentriques en cours devraient clarifier la situation.

Les effets indésirables décrits dans la littérature semblent similaires pour les différents inhibiteurs du VEGF administrés en injection intravitréenne et consistent surtout en des troubles oculaires (troubles infectieux et inflammatoires, abrasion de la cornée, décollement de la rétine, aggravation de cataracte, thromboses, hémorragies oculaires,..) mais peut-être aussi, en raison du passage dans la circulation générale, en des effets systémiques, principalement cardiovasculaires (élévation de la pression artérielle, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux).

Bien que ces résultats sur l’efficacité du bévacizumab dans la DMLA soient encourageants, il faut attirer l’attention sur le fait que, contrairement aux deux autres inhibiteurs du VEGF, cette indication ne figure pas dans le RCP de l’Avastin® et ne bénéficie pas d'un remboursement. Rappelons que lorsqu’un médecin prescrit un médicament en dehors des recommandations figurant dans le RCP, il en porte la responsabilité sur le plan médico-légal. Si l’on décide quand même d’utiliser le bévacizumab, il convient de prendre les mesures nécessaires pour assurer la stabilité et la stérilité de la préparation à base de bévacizumab après reconstitution.


Références utiles

Anonymous.: Bévacizumab et dégénérescence maculaire liée à l’âge. La Revue Prescrire 2011; 31: 335-40

Rosenfeld PJ.: Bevacizumab versus Ranibizumab-The verdict. N Engl J Med 2011; 364: 1966-7 (doi:10.1056/NEJMe1103334)

The CATT Research Group.: Ranibizumab and Bevacizumab for Neovascular Age-Related Macular Degeneration. N Engl J Med 2011; 364: 1897-908 (10.1056/NEJMoa1102673)

Tufail A, Patel PJ et al.: Bevacizumab for neovascular age related macular degeneration (ABC Trial): multicentre randomised double masked study. BMJ 2010; 340: c2459 (doi:10.1136/bmj.c2459)