La maladie d'Alzheimer: les défis en matière de développement de médicaments vraiment efficaces restent majeurs

Les médicaments actuellement disponibles pour traiter la maladie d’Alzheimer (inhibiteurs de la cholinestérase, mémantine) ont un effet positif limité. Dans des études cliniques, les médicaments récemment développés tels que ceux dirigés contre la protéine bêta-amyloïde, ont donné des résultats décevants chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Actuellement, la recherche médicale se concentre plutôt sur les patients au stade prodromal ou présymptomatique de la maladie d’Alzheimer. Ceci entraîne de nouveaux défis, entre autres en ce qui concerne la valeur prédictive des biomarqueurs, le coût et la possibilité d’extrapolation vers la population réelle des patients âgés chez lesquels l’étiologie de la démence est probablement multifactorielle.

Les médicaments actuels utilisés chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ont un effet positif incertain et limité. Les inhibiteurs de la cholinestérase (donépézil, galantamine, rivastigmine) ainsi que la mémantine (un antagoniste des récepteurs au glutamate de type NMDA) ont été associés à un bénéfice limité et temporaire sur les fonctions cognitives chez une minorité de patients, mais il est impossible de prédire quels patients répondront favorablement au traitement. Il convient en outre de tenir compte des effets indésirables fréquents, et on ne dispose pas encore de suffisamment de données fiables concernant l’effet de ces médicaments sur la mortalité et le délai d’institutionnalisation. Les résultats récemment publiés de l’étude DOMINO-AD que l’arrêt du donépézil, par rapport à la poursuite du traitement, augmente le risque d’institutionnalisation au cours de la première année après l’arrêt du traitement (mais pas au cours des trois années suivantes du suivi de l’étude) ne donnent non plus pas de réponse définitive à ce propos. En ce qui concerne le Ginkgo biloba, les preuves d’efficacité sont insuffisantes. Aucun de ces médicaments n’a démontré un impact positif sur l’évolution de la maladie d’Alzheimer.

Les défis en matière de traitement des patients atteints de la maladie d’Alzheimer restent donc majeurs.

 

Médicaments anti-bêta-amyloïde et anti-tau

Ces dernières années, la recherche s’oriente vers des médicaments dont on espère qu’ils pourront ralentir le processus neurodégénératif. Dans ce contexte, des médicaments ont été développés, axés sur deux protéines formées de manière anormale et déposées dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer: (1) la bêta-amyloïde (Aβ), composant principal des “plaques séniles”, produite par des enzymes bêta- et gamma-sécrétase à partir de la protéine transmembranaire précurseur de l'amyloïde (amyloid precursor protein), et (2) la tau hyperphosphorylée, formée à partir de la protéine tau, qui stabilise les microtubules. Ces protéines sont utilisées comme “biomarqueurs” dans les études cliniques, entre autres pour sélectionner des patients, ou comme critère d’évaluation intermédiaire pour mesurer l’effet des médicaments.

Plusieurs médicaments anti-bêta-amyloïde ont été développés, p. ex. des modulateurs de la bêta- et gamma-sécrétase (entre autres semagacestat, tarenflurbil) et des anticorps monoclonaux anti-Aβ (entre autres bapineuzumab, solanezumab). Un certain nombre de ces médicaments ont fait l’objet d’études de phase III rigoureuses, à grande échelle, chez des patients atteints d’une forme légère ou modérément sévère de la maladie d’Alzheimer, mais les résultats sur les critères d’évaluation cliniques étaient systématiquement décevants: il n’y avait aucune amélioration cognitive malgré l’influence sur les biomarqueurs, et les anticorps monoclonaux anti-Aβ étaient associés à des effets indésirables potentiellement sévères (entre autres œdème cérébral et micro-hémorragies). Les résultats d’études cliniques avec les médicaments anti-tau sont également décevants.

 

Domaines de recherche actuels et défis pour l’avenir

L’hypothèse actuelle est que les traitements anti-bêta-amyloïde ne représentent plus aucun bénéfice une fois que la démence est déclarée: en effet, le dépôt de bêta-amyloïde débute déjà 10 à 15 ans avant l’apparition des changements cognitifs. C’est pourquoi les études sur les médicaments dirigés contre la bêta-amyloïde se concentrent actuellement sur des patients en phase prodromale (c.-à-d. dysfonction cognitive légère en l’absence de démence, avec ou sans biomarqueurs positifs) ou en phase présymptomatique (c.-à-d. capacité cognitive intacte associée à un dépôt de protéine amyloïde ou une prédisposition génétique connue) de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs études sont en cours. Si ces études révélaient des résultats favorables, de nouveaux problèmes se poseraient. Ainsi, la sélection des patients qui entrent en ligne de compte pour un traitement n’est pas évidente; il reste encore à savoir si les biomarqueurs seront en mesure de prédire l’évolution de la maladie et si l’effet sur les biomarqueurs se traduira par une amélioration clinique. La question se posera de savoir comment extrapoler les résultats vers la population réelle des patients âgés atteints de comorbidités multiples chez lesquels l’étiologie de la démence est probablement multifactorielle. On se demandera également comment sera gérée l’augmentation des dépenses en soins de santé qui découleront du traitement préventif d’une vaste population.

 

Quelques références

- Les Fiches de transparence “Démence” (date de recherche jusqu’au 1er septembre 2013); voir aussi “Mise à jour automne 2014” (via www.bcfi.be)

- Waite LM. Treatment for Alzheimer’s disease: has anything changed? Australian Prescriber 2015;38:60-3

- Kozauer N en Katz R. Regulatory innovation and drug development for early-stage Alzheimer’s disease. N Engl J Med 2013;368:1169-71 (doi: 10.1056/NEJMp1302513)

- Friedrich MJ. Researchers test strategies to prevent Alzheimer disease. JAMA 2014;311:1596-8

- van Marum RJ. Commenaar. Behandeling van patiënten met de ziekte van Alzheimer. Wel of geen doorbraak? Ned Tijdschr Geneeskd 2015;159:A9494

- Howard R, McShane R, Lindesay J et al. Nursing home placement in the Donepezil and Memantine in Moderate to Severe Alzheimer's Disease (DOMINO-AD) trial: secondary and post-hoc analyses. The Lancet Neurology 2015;14:1171-81 (doi: http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422(15)00258-6), met editorial 1145-6 (doi: http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422(15)00302-6)