Doses élevées de corticostéroïdes inhalés : pas sans risques ?

Messages clés

  • Une étude de cohorte rétrospective1 conclut à un risque accru d’accidents cardiovasculaires majeurs, d’arythmie, d’embolie pulmonaire et de pneumonie chez les adultes asthmatiques qui se voient prescrire pour la première fois un traitement par corticostéroïdes inhalés (CSI) à une posologie supérieure à 200 µg par jour (équivalent béclométasone). Le risque absolu était très faible. Le risque n’était pas augmenté à faibles doses (jusqu’à 200 µg par jour).

  • Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer les résultats. Cette étude ne change en rien le positionnement des CSI en tant que traitement de fond de l’asthme.

  • L’étude souligne l’importance de viser la dose minimale efficace, conformément aux guidelines actuels.

En quoi cette étude est-elle importante ?

  • Les guidelines actuels insistent sur l’importance des CSI en traitement de fond de l’asthme.2,3,4 Les CSI réduisent les symptômes, les exacerbations, les hospitalisations et les décès.

  • L’usage de CSI n’est toutefois pas sans risques. Les effets indésirables les plus connus sont la candidose oropharyngée et l’enrouement, bien qu’ils puissent souvent être évités en utilisant une chambre d’expansion et en gargarisant avec de l’eau après l’inhalation. Des effets indésirables systémiques ont par ailleurs aussi été décrits, surtout lors d’un usage prolongé de doses élevées : voir Répertoire 4.1.4.Corticostéroïdes inhalés (ICS).  Un risque accru de pneumonie a été décrit en cas d’utilisation dans la BPCO. Chez les patients asthmatiques, le risque est incertain.

  • Cette étude a évalué les risques d’un usage de courte durée (jusqu’à 1 an) de corticostéroïdes inhalés (CSI) chez des patients atteints d’asthme. L’accent a été mis sur les accidents cardiovasculaires majeurs, les arythmies, les embolies pulmonaires et les pneumonies.

Conception de l’étude

  • L’étude a utilisé les données de deux banques de données nationales du Royaume-Uni. L’analyse principale était une étude de cohorte rétrospective. Note : l’analyse secondaire (une étude cas-témoins sur un échantillon et une étude autocomparative) n’est pas abordée dans cet article.

  • L’analyse principale est basée sur les données de 162 000 adultes asthmatiques. Les personnes à qui on avait prescrit des CSI dans l’année suivant leur inclusion dans la cohorte de l’étude (le groupe exposé) ont été comparé aux personnes à qui des CSI n’avaient été prescrits qu’à partir de la deuxième année suivant leur inclusion (le groupe témoin).

  • Les personnes ayant reçu un traitement par corticostéroïdes oraux pendant l’étude ont été exclues.

  • L’usage de CSI a été classé comme suit sur la base de la dose journalière moyenne : faible (jusqu’à 200 µg d’équivalent béclométasone par jour), moyen (201-599 µg par jour) et élevé (à partir de 600 µg par jour). Dans ce contexte, il est important de noter que les recommandations actuelles de GINA considèrent une dose de 100-200 µg d’équivalent béclométasone comme faible, une dose de 200-400 µg comme intermédiaire et une dose > 400 µg comme forte.

  • Les critères d’évaluation primaires étaient la survenue d’accidents cardiovasculaires majeurs (infarctus aigu du myocarde, accident vasculaire cérébral ou décès cardiovasculaire), d’arythmies, de pneumonies avec hospitalisation et d’embolies pulmonaires. L’analyse s’est déroulée sur une période de 1 an maximum.

  • Les investigateurs ne disposaient pas de données relatives à la sévérité de l’asthme, mais ils ont tenté de minimiser le risque de confusion, e.a. en calculant un score de propension sur la base de facteurs tels que l’âge, l’IMC, le tabagisme, les comorbitidés, l’usage de β2-mimétiques à courte durée d’action (SABA) ou à longue durée d’action (LABA)… et en excluant de l’analyse les personnes qui n’utilisaient pas de CSI dans les deux années à compter de l’inclusion.

Résultats en bref

  • Aucune augmentation du risque n'a été observée à de faibles doses de CSI (jusqu’à 200 µg d’équivalent béclométasone par jour).

  • Quant aux posologies supérieures à 200 µg d’équivalent béclométasone par jour, elles ont été associées à une augmentation dose-dépendante du risque pour tous les critères d’évaluation primaires. L’incidence absolue était faible : voir le nombre nécessaire pour nuire (NNN) ci-dessous sur une période de 12 mois ; il s’agit du nombre de patients qui doivent utiliser un CSI avant qu’un effet indésirable se produise chez l’un d’entre eux (Voir Minerva).

  • À une dose quotidienne de 201-599 µg d’équivalent béclométasone, les investigateurs ont constaté les rapports de risque (HR) suivants :

    • Pneumonie : 2,25 (IC à 95 % de 1,77 à 2,85) ; NNN 230,

    • Accident cardiovasculaire majeur : 2,63 (IC à 95 % de 1,66 à 4,15) ; NNN 473,

    • Arythmie : 2,21 (IC à 95 % de 1,60 à 3,04) ; NNN 567,

    • Embolie pulmonaire : 2,10 (IC à 95 % de 1,37 à 3,22) ; NNN 1 221.

  • Ces risques augmentaient encore à une dose supérieure ou égale à 600 µg d’équivalent béclométasone par jour :

    • Pneumonie : 4,09 (IC à 95 % de 2,98 à 5,60) ; NNN 93,

    • Accident cardiovasculaire majeur : 4,63 (IC à 95 % de 2,62 à 8,17) ; NNN 224,

    • Arythmie : 2,91 (IC à 95 % de 1,72 à 4,91) ; NNN 396,

    • Embolie pulmonaire : 3,32 (IC à 95 % de 1,69 à 6,50) ; NNN 577.

Quelques commentaires

  • L’asthme est une maladie chronique fréquente, associée à une morbi-mortalité importante ainsi qu’à une qualité de vie altérée. Les CSI réduisent les symptômes, les exacerbations, les hospitalisations et les décès et ils constituent la base du traitement de fond.

  • Une faible dose (< 200 µg d’équivalent béclométasone par jour) n’induit pas de risque accru de complications graves. Chez bon nombre de patients, une faible dose de CSI suffit pour le traitement de fond et une dose plus élevée ne produit pas de bénéfice en termes de santé.

  • Cette étude portant sur des adultes asthmatiques conclut que les doses supérieures à 200 µg d’équivalent béclométasone par jour sont associées à une augmentation dose-dépendante du risque d’accidents cardiovasculaires majeurs, d’arythmies, de pneumonies avec hospitalisation et d’embolies pulmonaires dans l’année qui suit l’instauration de CSI. Malgré tout, le risque d’exacerbation reste jusqu’à 20x plus élevé que le risque de complication grave.

  • Il s’agit d’une étude observationnelle, avec les limites connues de biais et, possiblement, de confusion résiduelle.1,5 Il est donc nécessaire de confirmer les résultats par des recherches supplémentaires.

  • Cette étude ne change en rien le positionnement des CSI en tant que traitement de fond de l’asthme. L’étude montre que les CSI, bien que globalement sûrs, peuvent potentiellement donner lieu – du moins à des doses élevées – à des complications rares, mais graves. Elle souligne l’importance de trouver la dose minimale efficace, conformément aux guidelines actuels. Ces derniers recommandent d’abaisser la dose de CSI de 25 % à 50 % chez les patients asthmatiques qui présentent un bon contrôle des symptômes et des exacerbations, jusqu’à atteindre la dose minimale efficace.

  • Pour tout complément d’information sur la place des CSI dans le traitement de l’asthme, nous renvoyons le lecteur au Répertoire > 4.1. Asthme et BPCO > Positionnement.

  • Des informations supplémentaires concernant l’administration et la posologie des CSI sont disponibles dans le Répertoire > 4.1.4. Corticostéroïdes inhalés (CSI) > Administration et posologie.

  • Face à un asthme insuffisamment contrôlé, il convient toujours de commencer par vérifier la bonne observance thérapeutique et la bonne technique d’utilisation de l’inhalateur avant d’adapter le traitement. Un entretien d’accompagnement de Bon Usage des Médicaments peut être prévu à cet effet, voir aussi Folia de septembre 2024.


Noms des spécialités concernées :

Sources

Bloom, C. I., Yang, F., Hubbard, R., Majeed, A., & Wedzicha, J. A. (2025). Association of dose of inhaled corticosteroids and frequency of adverse events. American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine211(1), 54-63 (doi: 10.1164/rccm.202402-0368OC). Met editoriaal: Sin DD en Busse WW: What Harm Are We Doing to Our Patients with Asthma by Using High-Dose Inhaled Corticosteroids? American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 211(1), 4-6 (doi: 10.1164/rccm.202407-1428ED)
Global Initiative for Asthma - GINA. (2024, November 14). 2024 GINA Main Report - Global Initiative for Asthma - GINA. https://ginasthma.org/2024-report/
3 Astma bij volwassenen. (n.d.). NHG-Richtlijnen. https://richtlijnen.nhg.org/standaarden/astma-bij-volwassenen. Consulté le 11/03/2025
4 NICE (2024, November 27). Recommendations | Asthma: diagnosis, monitoring and chronic asthma management (BTS, NICE, SIGN)  | Guidance | NICE. https://www.nice.org.uk/guidance/ng245/chapter/Recommendations#principles-of-pharmacological-treatment. Consulté le 11/03/2025
5 Sin, D. D., & Busse, W. W. (2025). What Harm Are We Doing to Our Patients with Asthma by Using High-Dose Inhaled Corticosteroids?. American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 211(1), 4-6.