Les informations concernant le syndrome sérotoninergique reprises dans l’Introduction du Répertoire (Intro.6.2.4.) ont été revues sur la base des données les plus récentes de nos sources, à savoir Stockley’s Drug Interactions, Martindale et BMJ Best Practice.1-5 Nous reprenons ici les infos actualisées du Répertoire, en y ajoutant encore plus de détails. Nous abordons les causes, les caractéristiques cliniques, le délai d’apparition et la prise en charge, les médicaments concernés et la différenciation entre un syndrome sérotoninergique et un syndrome anticholinergique, entre autres.
Messages clés
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Le syndrome sérotoninergique est un effet indésirable rare qui résulte d’un excès d’activité de la sérotonine dans le système nerveux central. La sévérité des symptômes peut varier de légère à potentiellement mortelle. La clonie est la principale caractéristique diagnostique, après l’agitation et la transpiration excessive.
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Les cas graves de syndrome sérotoninergique s’observent habituellement en cas de prise de deux ou plusieurs médicaments sérotoninergiques, qui augmentent la concentration de sérotonine dans le cerveau via un mécanisme différent. Les cas potentiellement mortels ont principalement été décrits avec l’association IMAO + ISRS.
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L’arrêt rapide du médicament responsable est extrêmement important. Dans les cas de syndrome sérotoninergique modérément sévère, il est recommandé de garder le patient au moins 6 heures en observation à l’hôpital. Un syndrome sérotoninergique sévère constitue une urgence, nécessitant des soins intensifs de soutien à l’hôpital.
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Nous dressons la liste des médicaments qui ont été associés à une toxicité sérotoninergique : le tableau 1 reprend les médicaments qui sont souvent mis en corrélation avec une toxicité sérotoninergique et qui ont un mécanisme clairement décrit qui sous-tend l’élévation des concentrations de sérotonine (par exemple, les ISRS et les IRSN, le tramadol, la trazodone) ; et le tableau 2 énumère les autres médicaments pour lesquels une toxicité sérotoninergique a été suggérée, mais pour lesquels le mécanisme n’est pas clair ou les preuves sont limitées.
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Conclusion du CBIP : Pensez au syndrome sérotoninergique lorsque des symptômes caractéristiques apparaissent chez des patients qui combinent différents médicaments sérotoninergiques (notamment des antidépresseurs, le lithium, des amphétamines), ou qui associent des médicaments sérotoninergiques à des drogues illicites (cocaïne, MDMA), ou encore après une prise massive de médicaments sérotoninergiques. Il est important de notifier des cas suspectés (via le site notifieruneffetindesirable.be).
Généralités : définition et incidence
Le syndrome sérotoninergique est un effet indésirable rare de médicaments sérotoninergiques qui résulte d’un excès d’activité de la sérotonine dans le système nerveux central. Sur le plan clinique, le syndrome se caractérise par une altération des facultés mentales, un dysfonctionnement du système autonome et des troubles neuromusculaires (cf. ultra). La sévérité des symptômes augmente avec la concentration de sérotonine et est donc dose-dépendante. Bien que l’on parle généralement de « syndrome sérotoninergique », le terme « toxicité sérotoninergique » est aujourd’hui jugé plus précis, car il s’agit d’un spectre de toxicité qui peut varier de légère à potentiellement fatale.
Les données relatives à l’incidence du syndrome sérotoninergique sont rares et ne permettent pas de tirer des conclusions (sous-notification, difficulté à reconnaître le syndrome, critères diagnostiques variables…). Une analyse d’études avec des données sur l’incidence (2024) mentionne que l’incidence après l’usage de doses thérapeutiques de médicaments sérotoninergiques spécifiques variait de 0,006 % à 25 % ; les taux d’incidence sont élevés dans certains cas de surdosage : 15 % après un surdosage d’ISRS ou d’IRSN ; 55 % après une intoxication au moclobémide (en particulier en cas de prise d’autres médicaments sérotoninergiques).
Cause : généralement une combinaison de médicaments sérotoninergiques
Les cas graves de toxicité sérotoninergique s’observent habituellement en cas de prise de deux ou plusieurs médicaments sérotoninergiques, qui augmentent la concentration de sérotonine dans le cerveau via un mécanisme différent.
- inhibition de la métabolisation de la sérotonine : p. ex. IMAO ;
- inhibition de la recapture de la sérotonine : p. ex. ISRS et IRSN, tramadol ;
- augmentation de la production de sérotonine ou de la libération de sérotonine : amphétamines, cocaïne, tryptophane ;
- stimulation des récepteurs à la sérotonine. Toutefois, la question de savoir si les médicaments qui stimulent simplement les récepteurs de la sérotonine (par exemple les triptans) peuvent provoquer une toxicité sérotoninergique est débattue.
Les cas potentiellement mortels ont principalement été décrits avec l’association IMAO + ISRS. Il convient d’éviter toute combinaison de médicaments sérotoninergiques qui augmentent la concentration de sérotonine via un mécanisme différent (en particulier la combinaison IMAO + ISRS).
Une toxicité sérotoninergique a également été décrite avec des combinaisons de médicaments sérotoninergiques qui augmentent la concentration de sérotonine via un mécanisme similaire, p. ex. un ISRS associé au tramadol, au millepertuis ou à la trazodone. La prudence est de mise, moyennant une vigilance accrue vis-à-vis des symptômes de toxicité sérotoninergique.
Le syndrome sérotoninergique peut également être provoqué par un surdosage ou une augmentation de la dose d’un seul médicament sérotoninergique. Un syndrome sérotoninergique modérément sévère a été décrit dans 15 % des surdosages d’ISRS.
Note : le Centre Belge de Pharmacovigilance a reçu une quarantaine de notifications de syndrome sérotoninergique sur la période 2010–2025. Parmi celles-ci, 10 cas faisaient suite à la prise de combinaisons de médicaments sérotoninergiques et ont donné lieu à une hospitalisation.
- duloxétine + trazodone ;
- venlafaxine + mirtazapine ;
- paroxétine + mirtazapine + miansérine + olanzapine ;
- escitalopram + rasagiline ;
- bleu de méthylène + sertraline ;
- bleu de méthylène + paroxétine ;
- tramadol + paroxétine ;
- tramadol + amitriptyline + mirtazapine + bupropion + amisulpiride + aripiprazole + néfopam (issue fatale) ;
- escitalopram + mélitracène + flupentixol ;
- tramadol + venlafaxine + alcool
On ne comprend pas encore pourquoi un grand nombre de patients peuvent prendre deux ou plusieurs médicaments sérotoninergiques sans problèmes, tandis qu’un très petit nombre de sujets développent une toxicité sérotoninergique potentiellement sévère.
Le syndrome sérotoninergique peut également se produire au début d’un traitement par un médicament sérotoninergique suivant de trop près l’arrêt d’un autre médicament sérotoninergique. Par exemple : période de wash-out trop courte entre l’arrêt d’un ISRS (et en particulier de la fluoxétine, qui a une longue demi-vie) et l’initiation d’un IMAO. Il est conseillé de consulter les RCP pour vérifier les intervalles à respecter entre l’arrêt d’un médicament et l’instauration de l’autre.
| Médicament arrêté | Période de wash-out | Nouveau médicament |
| phénelzine (Inhibiteur irréversible non sélectif des MAO) | 14 jours minimum | ISRS |
| moclobémide (inhibiteur réversible de la MAO-A) | 24 heures | ISRS |
| ISRS : citalopram, escitalopram, fluvoxamine, paroxétine, sertraline et dapoxétine | 7 jours | phénelzine ou moclobémide |
| ISRS : fluoxétine | 5 semaines minimum (plus après un traitement prolongé ou à haute dose de fluoxétine) | phénelzine ou moclobémide |
Caractéristiques cliniques, délai d’apparition et prise en charge
Caractéristiques cliniques
Le syndrome sérotoninergique se caractérise par la triade suivante de symptômes :
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altération des facultés mentales : agitation, anxiété, confusion, manie ;
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dysfonctionnement du système autonome : hypersudation, diarrhée, hyperthermie, frissons, tachycardie ; et
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troubles neuromusculaires : clonies (contractions musculaires rythmiques et répétées ; signe le plus fréquent), hyperréflexie, myoclonies, tremblements, hypertonie/rigidité.
Les cas sévères de syndrome sérotoninergique peuvent entraîner des complications telles que crises d’épilepsie, rhabdomyolyse, myoglobinurie, acidose métabolique, défaillance rénale, syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), insuffisance respiratoire, coagulation intravasculaire disséminée, coma et décès.
Il existe différents critères diagnostiques, mais les critères de Hunter (Hunter Serotonine Toxicity Criteria, HSTC) sont les plus précis et les plus spécifiques et ils ont aussi été élaborés pour reconnaître les formes précoces, légères ou subaiguës du syndrome sérotoninergique. La clonie est la principale caractéristique diagnostique.
– présence de clonies spontanées
OU
– présence de clonies inductibles ou oculaires avec agitation ou hypersudation
OU
– présence de tremblements et d’hyperréflexie
OU
– présence d’hypertonie et de température supérieure à 38 °C, avec clonies inductibles ou oculaires.
Une hypertonie/rigidité due aux clonies spontanées persistantes et associée à une hyperthermie indique une toxicité sévère nécessitant un traitement urgent.
Note : Les symptômes susceptibles de survenir après l’initiation d’ISRS, tels qu’agitation, tachycardie, tremblements et diarrhée, sont souvent passagers ou diminuent après une diminution de la posologie. Il ne faut pas confondre ces symptômes avec un syndrome sérotoninergique.
Délai d’apparition
Le syndrome sérotoninergique se manifeste habituellement dans les 24 heures, voire le plus souvent dans les 6 heures, qui suivent le début d’un traitement par un médicament sérotoninergique, un changement de dose ou une surdosage.
Un diagnostic rapide est très important, car l’état du patient peut rapidement se détériorer s’il reçoit de nouvelles doses du médicament responsable.
Prise en charge
Si un syndrome sérotoninergique est suspecté, le médicament responsable doit être arrêté immédiatement.
La prise en charge d’un syndrome sérotoninergique modérément sévère à sévère repose sur le soulagement des symptômes et les soins de soutien.
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Dans les cas de syndrome sérotoninergique modérément sévère, il est recommandé de garder le patient au moins 6 heures en observation à l’hôpital.
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Un syndrome sérotoninergique sévère constitue une urgence, nécessitant des soins intensifs de soutien à l’hôpital.
Les détails de la prise en charge sortent du cadre du présent article.
Dans les cas de toxicité sérotoninergique légère à modérément sévère, les symptômes disparaissent généralement dans les 24 heures ou dans les quelques jours (en fonction de la demi-vie du médicament) qui suivent l’arrêt du médicament responsable et l’administration des soins de soutien. Les cas de toxicité sérotoninergique sévère se résolvent aussi complètement, sauf si le traitement a été initié tardivement et qu’une défaillance de plusieurs organes survient. Si la prise en charge est rapide, le taux de mortalité est < 1 %.
Après la guérison, la possibilité de réinstaurer un seul médicament sérotoninergique – éventuellement à une dose plus faible – peut être évaluée sur base individuelle. Le cas échéant, le patient doit faire l’objet d’un suivi étroit.
Quels médicaments ?
Le tableau 1 et le tableau 2 reprennent les médicaments qui ont été associés à une toxicité sérotoninergique (liste non exhaustive, source : Stockley’s Drug Interactions). Le Stockley’s Drug Interactions distingue :
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les médicaments qui sont souvent mis en corrélation avec une toxicité sérotoninergique et qui ont un mécanisme clairement décrit pour l’élévation des concentrations de sérotonine : les « principaux médicaments sérotoninergiques » et
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les autres médicaments pour lesquels un risque de toxicité sérotoninergique a été suggéré, mais où le mécanisme n’est pas clair ou les preuves sont limitées.
Tableau 1 : Principaux médicaments associés au syndrome sérotoninergique (liste non exhaustive)
et leur mécanisme
| Principaux médicaments sérotoninergiques | Mécanisme |
| amphétamines : dexamphétamine (préparation magistrale uniquement), lisdexamfétamine |
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les antidépresseurs suivants :
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| la chlorphénamine | inhibition de la recapture de la sérotonine |
| la dapoxétine (ISRS) | inhibition de la recapture de la sérotonine et de la métabolisation de la sérotonine |
| le dextrométorphane | augmentation de la libération de sérotonine + inhibition de la recapture de la sérotonine |
| le linézolide | inhibition de la métabolisation de la sérotonine |
| le bleu de méthylène | inhibition de la métabolisation de la sérotonine |
| les opioïdes suivants : fentanyl, méthadone, péthidine, tramadol | inhibition de la recapture de la sérotonine NB pour la péthidine et le tramadol : + augmentation de la libération de sérotonine |
| les drogues : cocaïne, ecstasy | augmentation de la libération de sérotonine + inhibition de la recapture de la sérotonine |
Tableau 2 : Autres médicaments pour lesquels un risque de toxicité sérotoninergique a été suggéré,
mais où le mécanisme n’est pas clair ou les preuves sont limitées
| Autres médicaments pour lesquels un risque de toxicité sérotoninergique a été suggéré | Mécanisme suggéré |
les antidépresseurs suivants :
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| le lithium | augmentation de la réponse des récepteurs post-synaptiques |
| les inhibiteurs de la MAO-B utilisés dans la maladie de Parkinson : sélégiline, rasagiline et safinamide (note : la sélégiline perd sa sélectivité à des doses > 10 mg par jour) | inhibition de la métabolisation de la sérotonine |
| le méthylphénidate | inconnu – pas d’inhibition significative de la recapture de la sérotonine |
| les opioïdes suivants : buprénorphine, codéine, morphine, oxycodone, tapentadol (attention : d’autres opioïdes sont cités parmi les principaux médicaments sérotoninergiques) | inconnu |
| les triptans | agoniste des récepteurs de la sérotonine |
Ne pas confondre avec le syndrome malin des antipsychotiques, la toxicité anticholinergique ou l’hyperthermie maligne
D’autres syndromes provoqués par des médicaments, tels que le syndrome malin des antipsychotiques, mais aussi la toxicité anticholinergique et l’hyperthermie maligne, sont souvent confondus avec la toxicité sérotoninergique. Les signes et symptômes distinctifs sont les suivants (source : BMJ Best-Practice) :
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Syndrome malin des antipsychotiques :
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Antécédent d’exposition aux antipsychotiques sauf si le patient prend plusieurs médicaments, dont des sérotoninergiques (dans ce cas, penser au syndrome sérotoninergique).
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Apparition lente des symptômes, généralement sur plusieurs jours. Non dose-dépendant (idiosyncrasique).
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Bradykinésie, rigidité extrapyramidale, instabilité autonome. Pas d’hyperactivité neuromusculaire.
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Syndrome anticholinergique central
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Antécédent d’exposition aux anticholinergiques (cf. Intro.6.2.3.).
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Absence de bruits intestinaux.
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Sécheresse cutanée.
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Pas d’hyperactivité neuromusculaire.
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Hyperthermie maligne
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Antécédent d’exposition aux anesthésiques.
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Survenue périopératoire.
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Pas d’hyperactivité neuromusculaire.
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Conclusion du CBI
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Le syndrome sérotoninergique est un effet indésirable rare, mais potentiellement grave.
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Pensez au syndrome sérotoninergique lorsque des symptômes caractéristiques apparaissent chez des patients qui combinent différents médicaments sérotoninergiques (notamment des antidépresseurs, le lithium, des amphétamines), ou qui associent des médicaments sérotoninergiques à des drogues illicites (cocaïne, MDMA), ou encore après une prise massive de médicaments sérotoninergiques.
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Il est important de notifier des cas suspectés (via le site notifieruneffetindesirable.be).
Sources
1 Stockley’s drug Interactions. Drugs with serotonergic activity + Other drugs with serotonergic activity. (Latest modification: 01-Apr-2025). Via MedicinesComplete (payant). Dernière consulation le 01/09/2025.
2 Stockley’s drug interactions. Trazodone + SSRIs / SSRIs + St John’s wort (Hypericum perforatum) / SSRI’s + Opioids; Tramadol. Dernière consultation le 01/09/2025.
3 Stockley’s drug Interactions. Table 36.3 Drugs associated with serotonin toxicity (list not exhaustive). Via MedicinesComplete (betalend). Dernière consulation le 01/09/2025.
4 Martindale: The Complete drug Reference. Serotonine syndrome. ). Via MedicinesComplete (betalend). Dernière consulation le 01/09/2025.
5 BMJ Best Practice. Serotonine syndrome. (Last updated : Oct 07,2022). Dernière consulation le 01/09/2025.







