Antiagrégants ou anticoagulants dans la fibrillation auriculaire récurrente ou persistante?


Abstract

Dans la fibrillation auriculaire, le choix du traitement en prévention des accidents vasculaires cérébraux est dépendant de l’existence ou non de facteurs de risque et du fait que le patient ait déjà fait ou non un accident vasculaire cérébral. En prévention primaire chez les patients avec un faible risque thrombo-embolique, l’acide acétylsalicylique est probablement indiqué. En prévention primaire chez les patients avec un risque élevé (âge 75 ans, hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, dysfonctionnement ventriculaire gauche, sténose mitrale, antécédents thrombo-emboliques) et en prévention secondaire, l’administration d’anticoagulants coumariniques se justifie, pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indication, par ex. une mauvaise observance thérapeutique.

L’incidence de la fibrillation auriculaire augmente avec l’âge. Son étiologie n’est pas toujours claire; elle peut survenir chez des sujets sans aucune anomalie cardiaque mais elle se recontre plus souvent chez des patients atteints d’une insuffisance cardiaque. Il y a lieu aussi de rechercher une cause extra-cardiaque telle une hyperthyroïdie. La fibrillation auriculaire multiplie par trois à cinq le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). Ce risque n’est pas le même pour tous les patients atteints de fibrillation auriculaire.

Les facteurs de risque sont:

  • les femmes âgées de plus de 75 ans;
  • l’hypertension artérielle (pression systolique > 160 mmHg);
  • l’insuffisance cardiaque;
  • les antécédents thrombo-emboliques.

Dans un article récent sur la fibrillation auriculaire dans le New England Journal of Medicine , sont également mentionnés comme facteurs de risque:

  • l’âge supérieur à 75 ans (indépendamment du sexe);
  • la sténose mitrale;
  • le dysfonctionnement ventriculaire gauche.

Plusieurs études randomisées contrôlées ont étudié l’efficacité d’un traitement à long terme par des anticoagulants ou par des antiagrégants en prévention primaire et secondaire des accidents vasculaires cérébraux chez des patients atteints de fibrillation auriculaire.


Prévention primaire

En prévention primaire, c’est-à-dire chez des patients n’ayant jamais fait d’AVC, plusieurs études randomisées contrôlées par placebo ont montré l’efficacité tant de l’acide acétylsalicylique que des anticoagulants sur la diminution du risque thrombo-embolique.

Quatre études randomisées contrôlées (SPAF-2, AFSAK 1 et 2, PATAF) ont comparé entre eux les anticoagulants et l’acide acétylsalicylique. Il ressort des résultats que le risque d’embolie est faible, tant chez les patients traités par l’acide acétylsalicylique que chez ceux traités par anticoagulants, et que la différence entre les deux traitement est minime: le risque d’embolie est de 2,7% par an avec l’acide acétylsalicylique versus 2,3% avec les anti-coagulants. Ces études n’ont cependant pas tenu compte des facteurs de risque thrombo-embolique mentionnés plus haut.

Une seule étude (SPAF-3) a toutefois comparé l’efficacité des anticoagulants et de l’acide acétylsalicylique en fonction du risque thrombo-embolique. Dans cette étude, la dose de l’anticoagulant a été adaptée pour obtenir un INR ("International Normalized Ratio&quot) entre 2 et 3. Ce traitement a été comparé à un traitement associant l’acide acétylsalicylique (325 mg p.j.) et une faible dose fixe de warfarine, et ce, chez environ 1.000 patients avec un risque élevé de thrombo-embolie. Les résultats montrent un risque moindre d’accident vasculaire cérébral par an avec les anticoagulants à dose adaptée (1,9% versus 7,7% avec l’acide acétylsalicylique associé à la warfarine à faible dose).


Prévention secondaire

En prévention secondaire, c’est-à-dire chez des patients ayant déjà fait un AVC, des anticoagulants et l’acide acétylsalicylique ont été comparés dans deux études (SPAF-3 et EAFT). Les résultats montrent ici un risque moins important d’accident vasculaire cérébral avec les anticoagulants (3,3% par an) par rapport à l’acide acétylsalicylique (9,6% par an).


Conclusion

  • En prévention primaire chez les patients ne présentant pas un des facteurs de risque mentionnés ci-dessus , l’acide acétylsalicylique est en général le premier choix étant donné que le faible bénéfice des anticoagulants dans ce cas ne contrebalance pas les inconvénients d’un tel traitement. D’après l’article du New England Journal of Medicine , la décision dépendra de l’âge du patient. Chez les patients de moins de 65 ans sans facteur de risque, l’utilité de l’acide acétylsalicylique en prévention primaire n’a pas été prouvée; chez les patients âgés de 65 à 75 ans, le choix entre l’acide acétylsalicylique ou un anticoagulant sera déterminé en fonction de l’estimation du risque thrombotique et du risque d’hémorragie.
  • En prévention primaire chez les patients avec un risque élevé , et en prévention secondaire, l’administration d’anticoagulants (à dose adaptée de façon à atteindre un INR entre 2 et 3 [n.d.l.r.: entre 3 et 4 chez les patients porteurs d’une prothèse valvulaire, voir aussi Folia de mai 1997]) se justifie étant donné leur plus grande efficacité par rapport à l’acide acétylsalicylique.

  • F. Verheugt: Acetylsalicylzuur versus coumarinederivaten bij atriumfibrilleren. Ned Tijdschr Geneeskd 144 : 2336-2340(2000)
  • F.C. Taylor et al.: Systematic review of long term anticoagulation or antiplatelet treatment in patients with non-rheumatic atrial fibrillation. Brit Med J 322 : 321-326(2001)
  • R.H. Falk: Atrial fibrillation. N Engl J Med 144 : 1067-1078(2001)

Note de la rédaction

  • L’auteur d’un éditorial publié dans le Brit Med J [320 : 1219-1220(2000)) ] attire l’attention sur le fait que, malgré l’existence de preuves quant à l’efficacité des anticoagulants en prévention secondaire, et en prévention primaire chez les patients à risque, la plupart des patients atteints de fibrillation auriculaire n’en reçoivent pas. Une étude prospective de cohorte publiée dans le même journal[ Brit Med J 320 : 1236-1239(2000) ] montre que l’efficacité des anticoagulants en première ligne est comparable à celle observée dans les études cliniques, et que le risque d’hémorragie est identique. L’auteur se demande dès lors pourquoi les anticoagulants restent sous-utilisés. Certains facteurs tels la crainte d’une hémorragie ou la nécessité de devoir contrôler régulièrement l’INR jouent probablement un rôle. En effet, leur utilisation en pratique n’est pas toujours possible étant donné les problèmes d’observance thérapeutique qui peuvent se rencontrer, notamment chez les personnes âgées.
  • L’article du New England Journal of Medicine discute également de la nécessité d’une anticoagulation avant et après cardioversion. Un traitement anticoagulant (avec un INR entre 2 et 3) doit être administré pendant au moins 3 semaines avant la cardioversion; une autre possibililé consiste à vérifier l’absence de thrombus par échographie transoesophagienne. Un traitement anticoagulant doit en tout cas être administré pendant au moins 4 semaines après la cardioversion.
  • A propos de l’utilisation de l’acide acétylsalicylique en prévention primaire et secondaire des AVC, il faut rappeler que l’unanimité n’est pas faite quant à la dose à utiliser. Les doses varient en général de 75 à 300 mg p.j.