Prévention et traitement de l’ostéoporose postménopausique


Abstract

La prévention et le traitement de l' ostéoporose postménopausique ont déjà été largement discutés dans les Folia d' août 2004 . Depuis, plusieurs nouvelles publications sont parues, et une réunion de consensus sur ' Les traitements efficients pour la prévention des fractures liées à l' ostéoporose' a eu lieu (26 mai 2005, rapport du jury envoyé avec les Folia d' avril 2006). Cet article tente de situer la place actuelle des médicaments. La substitution hormonale n' est pas discutée ici: étant donné les risques d' un traitement à long terme, la substitution hormonale à titre préventif ou dans le traitement de l' ostéoporose n’est plus recommandée [voir aussi Folia d' octobre 2003 ].

L’ostéoporose se manifeste cliniquement par l' apparition de fractures non traumatiques ou de fractures consécutives à une chute, surtout au niveau de la hanche, du poignet et des vertèbres. Il est toutefois possible de poser le diagnostic d' ostéoporose avant l' apparition d’une première facture, notamment en mesurant la densité osseuse par absorptiométrie biphotonique ou ' DXA'. Comme défini par l' Organisation Mondiale de la Santé, le critère DXA pour l’ostéoporose est une densité minérale osseuse (DMO) inférieure à au moins 2,5 déviations standards par rapport à la valeur moyenne chez des jeunes femmes adultes (T-score ≤-2,5). L' objectif d' un traitement médicamenteux dans la prévention ou le traitement de l' ostéoporose est de prévenir les fractures. Il reste difficile de comparer entre eux les médicaments proposés à cette fin: des études avec des critères d' évaluation intermédiaires tels la DMO ne permettent pas de tirer des conclusions à ce sujet, et il n’existe pas d’études avec une fracture comme critère d' évaluation.


Mesures générales de prévention

Une activité physique suffisante, la restriction d' alcool, l' arrêt du tabagisme, un apport suffisant en calcium et une exposition régulière au soleil (ceci en ce qui concerne la vitamine D, voir aussi Folia de février 2007 ) contribuent à atteindre à un jeune âge un pic de densité osseuse aussi élevé que possible, et à maintenir celui-ci aussi longtemps que possible. Ces mesures restent importantes, même après l’apparition de l' ostéoporose.


Prise en charge médicamenteuse de l' ostéoporose avérée

  • Le bénéfice éventuel d' un traitement médicamenteux en terme de diminution du risque de fractures est bien entendu le plus important chez les femmes qui présentent une ostéoporose sévère, étant donné qu' elles ont le plus grand risque de fractures; c’est certainement le cas chez les femmes qui ont déjà des antécédents de fracture.
  • Il reste difficile de prévoir une durée de traitement optimale. Pour la plupart des médicaments, il semble justifié, d' un point de vue pragmatique, de revoir l' indication de manière critique après 5 ans, et d' envisager l’arrêt du traitement pendant un certain temps; certains experts estiment qu’il est en principe justifié de poursuivre le traitement après 5 ans. Pour les diphosphonates, des informations sont parues récemment à ce sujet (voir plus loin). Pour la tériparatide, la durée du traitement est limitée. Des suppléments en calcium et en vitamine D seront évidemment administrés à vie en cas de régime déficient et d' exposition insuffisante au soleil.

Calcium et vitamine D

  • Calcium et vitamine D comme mesure unique. Pour le calcium, la prise journalière recommandée dans l’alimentation pour la prévention et le traitement de l' ostéoporose est de 1 à 1,2 g par jour (p. ex. 4 consommations de produits laitiers par jour). Il n’existe pas de preuves suffisantes pour recommander systématiquement la prise de suppléments en calcium et en vitamine D chez toutes les femmes ménopausées; un supplément peut toutefois s' avérer utile p. ex. chez les femmes chez lesquelles l’apport alimentaire en calcium est insuffisant ou en cas d’exposition insuffisante au soleil. Un tel supplément semble aussi indiqué chez les personnes vivant en institution (quel que soit leur âge, pour autant qu’elles sortent peu) et chez les personnes de plus de 75 ans en général. Les doses recommandées sont de 0,5 à 1 g par jour de calcium élémentaire, et de 800 UI par jour de vitamine D.
  • Calcium et vitamine D comme mesure complémentaire, en association à d' autres médicaments contre l' ostéoporose. Dans les études sur des médicaments utilisés dans la prévention et le traitement de l’ostéoporose, du calcium et le plus souvent aussi de la vitamine D sont administrés de manière systématique, tant dans les groupes traités que dans les groupes placebo. On ne sait pas si le calcium et la vitamine D renforcent l' effet des autres médicaments, mais les experts estiment que l' administration de ceux-ci en même temps que les autres médicaments se justifie. Les doses journalières recommandées sont dans ce cas identiques à celles utilisées lorsque la vitamine D et le calcium constituent le seul traitement médicamenteux, à savoir 0,5 à 1 g par jour de calcium élémentaire, et 800 UI par jour de vitamine D.

Diphosphonates

  • L’ostéoporose figure comme indication dans la notice belge pour les diphosphonates suivants [situation au 1er juillet 2007].
    • ' Prévention de l' ostéoporose postménopausique chez les femmes présentant des facteurs de risque' : alendronate (Fosamax® compr. à prendre quotidiennement), risédronate (Actonel® compr. à prendre quotidiennement).
    • ' Traitement de l' ostéoporose postménopausique' : alendronate (Fosamax® compr. à prendre quotidiennement et compr. hebdomadaires, Alendronate Teva® compr. hebdomadaires), étidronate (Osteodidronel® compr. pour usage cyclique), acide ibandronique (compr. à prendre quotidiennement- non commercialisé en Belgique-; Bonviva® compr. à prendre mensuellement et amp. inj. pour injection i.v. tous les trois mois), risédronate (Actonel® compr. à prendre quotidiennement et compr. hebdomadaires).

      Pour les spécialités à base de clodronate (Bonefos®), pamidronate (Aredia®, Pamidrin®, Pamidronate Mayne®, Pamidronate Merck®), tiludronate (Skelid®) et acide zolédronique (Aclasta®, Zometa®), l' ostéoporose ne figure pas comme indication dans la notice.

  • Quel est l' effet des diphosphonates sur le risque de fracture?
    • En ce qui concerne les fractures vertébrales, une diminution du risque a été démontrée avec l' alendronate, l' acide ibandronique et le risédronate, administrés quotidiennement; chez des femmes ostéoporotiques avec des antécédents de fractures vertébrales (c.-à-d. les femmes avec le risque de fracture le plus élevé), des Numbers Needed tot Treat (NNT’s) de 16 à 20 ont été retrouvés dans des études d' une durée de 3 ans; cela signifie que 16 à 20 femmes devaient être traitées pendant 3 ans pour prévenir une fracture vertébrale chez une femme. Les données concernant l' étidronate sont très limitées.
    • En ce qui concerne les fractures non vertébrales (y compris les fractures de la hanche), il est plus difficile de tirer des conclusions: une diminution du risque n' a été démontrée que chez les femmes avec un risque élevé (p. ex. les femmes de plus de 70 ans avec des antécédents de fractures vertébrales et une faible densité osseuse), les NNT’s sont plus élevés que pour les fractures vertébrales, et le niveau de preuves diffère entre les différents diphosphonates (le plus de preuves pour l' alendronate et le risédronate, preuves plus limitées pour l' acide ibandronique, absence de preuves pour l' étidronate).
    • L' effet des diphosphonates sur le risque de fractures apparaît probablement pendant la première année.
    • Des données indiquent que l' administration intermittente de diphosphonates (hebdomadaire, mensuelle, trimensuelle: cfr. ci-dessus) influence la DMO de la même manière qu’une administration quotidienne, mais on ne dispose d’aucune étude quant à l' effet sur le risque de fractures: des experts estiment qu' il existe un effet favorable. Les résultats d' une étude récente en double aveugle, contrôlée par placebo d' une durée de 3 ans, chez des femmes ménopausées ostéoporotiques ou avec des antécédents de fractures vertébrales, ont montré un effet favorable sur le risque de fractures (vertébrale et de la hanche) avec l' acide zolédronique, administré une fois par an en perfusion intraveineuse; des cas de fibrillation auriculaire ont toutefois été rapportés plus fréquemment dans le groupe sous acide zolédronique que dans le groupe placebo, ce qui était inattendu.
  • Dans les Folia d' août 2004 , l’attention a été attirée sur la nécessité d' administrer l' étidronate de façon cyclique, étant donné que l’administration continue de doses élevées peut entraîner des troubles de la minéralisation osseuse, avec risque de fractures. En raison de ces effets, l' étidronate n’est pas recommandé en cas d' ostéoporose dans le rapport du jury de la réunion de consensus.
  • Récemment, les données de l' étude FLEX sur 10 ans ont été publiées. Lors de l’utilisation d' alendronate pendant 10 ans, la DMO reste influencée favorablement; en cas d’utilisation pendant seulement 5 ans, la DMO restait plus élevée 5 ans après l' arrêt du traitement qu' avant l' instauration du traitement par l’alendronate. Quant à l’effet sur les fractures après l’arrêt du traitement, l’étude ne permet de tirer aucune conclusion. La durée optimale du traitement reste incertaine.
  • Une association fixe d' alendronate 70 mg + colecalciférol 2.800 UI (Fosavance®, compr. hebdomadaires) est disponible depuis peu pour le traitement de l' ostéoporose postménopausique. L' utilité d' une dose de vitamine D de 2.800 UI par semaine est mise en doute: il s' agit en effet d' une dose inférieure à la dose journalière de 800 UI habituellement recommandée; en outre, le fait d' associer la vitamine D à l' alendronate peut faire oublier qu’il est important aussi de prendre du calcium.
  • Vu le risque d’ulcères œsophagiens après prise orale, les formes orales de diphosphonates doivent être prises avec suffisamment d’eau et en position debout. Pour une résorption optimale, il faut attendre au moins 30 minutes avant de prendre de la nourriture, une autre boisson ou un autre médicament (y compris le calcium).

Raloxifène

Le message des Folia d' août 2004 reste vrai: le raloxifène (Evista®) diminue l' incidence des fractures vertébrales chez les femmes ménopausées ostéoporotiques (NNT de 21 à 29 après 3 ans), et cet effet apparaît pendant la première année; il n' existe pas de preuve quant à un effet sur les fractures non vertébrales. Le raloxifène diminue le risque de cancer du sein avec des récepteurs hormonaux, mais ceci ne constitue pas une indication en soi; il existe d’autre part une augmentation du risque de thrombo-embolie veineuse.


Ranélate de strontium

Avec le ranélate de strontium (Protelos®), deux études réalisées chez des femmes ostéoporotiques traitées pendant 3 ans ont montré une diminution du risque de fracture vertébrale (NNT de 9 à 13 après 3 ans) et du risque de fractures non vertébrales (NNT de 59 après 3 ans); un effet favorable sur les fractures de la hanche a été démontré dans une des études dans un sous-groupe de femmes avec un risque élevé (≥ 74 ans avec score T au niveau du col du fémur ≤-3; NNT de 50 après 3 ans). Un risque accru de thrombo-embolie veineuse a été suggéré, mais pas prouvé. La résorption du ranélate de strontium est influencée par la nourriture (y compris le calcium) et il est conseillé de le prendre le soir, au moins deux heures après le repas.


Tériparatide

La place du tériparatide (Forsteo®), l' hormone parathyroïde recombinante 1-34, n' est pas claire. Il existe des preuves chez des femmes ostéoporotiques d’un effet favorable sur les fractures vertébrales (NNT de 11 après 21 mois) et sur les fractures non vertébrales (mais pas les fractures de la hanche) (NNT de 33 après 3 ans). La durée du traitement est limitée à 18 mois étant donné la toxicité à long terme observée chez les rats. Le tériparatide doit être administré quotidiennement par voie sous-cutanée, et le traitement est onéreux.


Calcitonine

Le message des Folia d' août 2004 reste vrai: la calcitonine (disponible sous forme de calcitonine de saumon, synonyme salcatonine: Calsynar®, Miacalcic®, Steocalcin®), n’est pas un premier choix; pour l' administration par voie nasale, il existe des preuves limitées d’un effet sur les fractures vertébrales, mais il n' existe aucune preuve quant à un effet sur les fractures non vertébrales. [N.d.l.r.: pour les sprays à usage nasal, l' ostéoporose postménopausique figure comme indication dans la notice.]


Tibolone

La tibolone (Livial®) n' a pas de place dans la prise en charge de l' ostéoporose [cette indication n' est pas non plus mentionnée dans la notice belge; voir Folia de septembre 2003 et de septembre 2005 ].


Fluorure de sodium

Le message des Folia d' août 2004 reste vrai: le fluorore de sodium n’a pas de place dans la prise en charge de l’ostéoporose.


Notes

  • Pour les catégories de remboursement et les conditions de remboursement telles que fixées par l’INAMI, nous renvoyons à notre site web: cliquer sur le symbole ou à côté de la catégorie de remboursement.
  • En ce qui concerne la problématique et le traitement de l' ostéoporose chez l’homme, beaucoup moins d' études ont été réalisées. Il existe des indices que l' alendronate diminue le risque de fractures vertébrales chez les hommes ostéoporotiques. Pour l' alendronate (Fosamax® compr. à prendre quotidiennement), le traitement de l' ostéoporose chez l' homme est mentionné comme indication dans la notice.
  • Dans les Folia de janvier 2006 , l’attention a été attirée sur le risque d’ostéonécrose de la mâchoire due aux diphosphonates, un effet indésirable surtout observé lors de l’utilisation de doses élevées par voie intraveineuse dans le cadre d’un traitement anticancéreux. Plusieurs publications récentes ont attiré l’attention sur les données concernant l' ostéonécrose de la mâchoire lors de l' utilisation de diphosphonates dans l' ostéoporose [ Ann Intern Med 2006; 144: 753-61 et 145: 791-2 ; N Engl J Med 2006; 355: 2278-81 ; Brit Med J 2006; 333: 982-3 et 333: 1122-3 ]. Dans les études cliniques avec les diphosphonates (par voie orale ou i.v.) chez des patients atteints d’ostéoporose, aucun cas d’ostéonécrose de la mâchoire n’a été rapporté. Il faut signaler ici que l' ostéonécrose de la mâchoire n' était pas un critère d' évaluation primaire dans ces études, et que celles-ci ne permettent pas de détecter des effets indésirables rares; de plus, les données concernant l' emploi à long terme (plus de 5 à 10 ans) sont très limitées. Des cas sporadiques d' ostéonécrose de la mâchoire due aux diphosphonates dans le traitement de l’ostéoporose ont toutefois été publiés. Le risque d’ostéonécrose est en tout cas plus faible lors de l’utilisation de diphosphonates dans le traitement de l’ostéoporose, que dans le traitement anticancéreux.

Quelques références

  • Rapport du jury de la réunion de consensus ' Les traitements efficients pour la prévention des fractures liées à l' ostéoporose'. Réunion de consensus du 26 mai 2005. Le rapport peut être consulté via /www.riziv.fgov.be/drug/nl/statistics-scientific-information/consensus/index.htm . La version imprimée a été envoyée avec les Folia d' avril 2006.
  • Black D, Schwartz A, Ensrud KE, Cauley JA, Quandt SA, Satterfield S et al.: Effects of continuing or stopping alendronate after 5 years of treatment. The Fracture Intervention Trial Long-term Extension (FLEX): a randomized trial. JAMA 2006; 296: 2927-38 , avec un éditorial 2006; 296: 2968-9
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  • CBO Kwaliteitsinstituut voor de gezondheidszorg. Richtlijn Osteoporose (2002), via www.cbo.nl/product/richtlijnen/folder20021023121843/osteoporose.pdf/view
  • Poole KES en Compston JE.: Osteoporosis and its management (clinical review). Brit Med J 2006; 333: 1251-6
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  • NHG-Standaard ' Osteoporose' , via nhg.artsennet.nl , choisir ' NHG-standaarden'.
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