Traitement anticoagulant dans la fibrillation auriculaire : antagonistes de la vitamine K ou nouveaux anticoagulants oraux?


Abstract

Les antagonistes de la vitamine K (AVK) sont depuis 50 ans la référence dans la prévention des évènements thromboemboliques en cas de fibrillation auriculaire (FA) avec un risque thromboembolique élevé. Plusieurs études cliniques ayant fait l’objet d’une méta-analyse récente démontrent que les nouveaux anticoagulants oraux (NACO: apixaban, dabigatran étexilate, édoxaban, rivaroxaban) sont au moins aussi sûrs et efficaces que la warfarine en termes de prévention des évènements thromboemboliques et de mortalité; dans ces études, les patients sous warfarine avaient un INR dans les valeurs thérapeutiques (INR 2 à 3) 58 à 68 % du temps. Comme tous les anticoagulants, les NACO présentent un risque d’hémorragies, parfois graves, et ce risque est surtout important en présence de comorbidités et dans la population âgée. Vu l’absence de possibilité de monitoring, une adaptation de la dose en fonction du degré d’anticoagulation n’est pas possible. De plus, en cas d’hémorragie, on ne dispose pas d’antidote spécifique. Par ailleurs, les NACO diffèrent entre eux en ce qui concerne entre autres leur pharmacocinétique, leurs effets indésirables et leurs contre-indications. Dans la pratique courante, la prescription d’un NACO n’est donc pas aussi simple qu’elle n’y paraît, et l’absence de monitoring régulier est un inconvénient (p. ex. en cas de mauvaise observance, de comorbidité, d’interactions influençant la cinétique, d’hémorragie ou d’intervention chirurgicale). Il convient aussi de tenir compte du coût plus élevé des NACO par rapport aux AVK. Pour ces raisons, nous estimons que les NACO ne doivent pas systématiquement remplacer les AVK et il n’est pas souhaitable de remplacer un traitement par un AVK si celui-ci s’avère efficace et bien toléré. Les NACO peuvent toutefois être envisagés comme une alternative aux AVK dans certaines situations, par ex. chez les patients chez qui l’INR est difficile à maintenir dans les valeurs thérapeutiques malgré une bonne observance du traitement, ou qui acceptent mal les contraintes liées à la surveillance de l’INR. On ne dispose pas d’études comparatives entre les différents NACO.

Selon les dernières recommandations de l’American College of Cardiology, l’American Heart Association Task Force et la Heart Rhythm Society (AHA/ACC/HRS)1, un traitement antithrombotique de longue durée est indiqué en prévention des évènements thromboemboliques chez les patients atteints de FA avec un risque thromboembolique élevé (estimé en fonction du score CHA2DS2- VASc, voir note). En présence d’un score CHA2DS2-VASc ≥ 2, un traitement anticoagulant doit être envisagé. Il existe peu de preuves quant à l’efficacité de l’acide acétylsalicylique en prévention thromboembolique dans la FA. Chez les patients atteints d’une fibrillation auriculaire (FA) non valvulaire, les options thérapeutiques proposées dans les recommandations sont d’une part les antagonistes de la vitamine K (AVK) (avec un INR entre 2 et 3) tels que l’acénocoumarol (Sintron®), le phenprocoumone (Marcoumar®), la warfarine (Marevan®), et d’autre part les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) tels que l’apixaban (Eliquis®), le dabigatran étexilate (Pradaxa®) et le rivaroxaban (Xarelto®). L’édoxaban, un inhibiteur du facteur Xa comme l’apixaban et le rivaroxaban, n’est pas enregistré en Europe. Chez les patients présentant une FA associée à des lésions valvulaires, les NACO ne sont pas indiqués, et les AVK sont recommandés.

L’efficacité des AVK en prévention des évènements thromboemboliques dans la FA a été clairement démontrée, et ceux-ci constituent la référence depuis 50 ans. En pratique, la réponse obtenue (INR) est cependant souvent variable en raison entre autres de déterminants génétiques influençant le métabolisme de ces médicaments (génotypage difficile voire impossible à implémenter en pratique) et des nombreuses interactions médicamenteuses ou avec l’alimentation, ce qui peut être problématique vu la marge thérapeutique-toxique étroite de ces médicaments. Un contrôle régulier de l’INR et une adaptation de la posologie en fonction de celui-ci s’avèrent dès lors indispensables (à raison d’au moins 1x/semaine au début du traitement, puis au moins 1x/mois lorsque l’INR est stabilisé). En ce qui concerne les NACO, nous avons écrit dans les Folia de mars 2012 qu’ils s’avèrent aussi efficaces que la warfarine en prévention des thromboembolies dans la FA mais que les AVK restent le premier choix chez de nombreux patients. Entre-temps, de nouvelles publications sont parues. Le présent article tente d’apporter quelques éclaircissements sur le choix du traitement anticoagulant dans la prise en charge de la FA non valvulaire, et donne un certain nombre de conseils pratiques et de mises en garde lors de la prescription d’un NACO.

J.Am.Coll.Cardiol 2014; (28 mars) content.onlinejacc.org (doi:10.1016/j.acc.2014.03.022)


Méta-analyse récente sur l’efficacité et l’innocuité des NACO par rapport à la warfarine

The Lancet2a publié récemment une méta-analyse des quatre études cliniques randomisées (RE-LY avec le dabigatran, ROCKET-AF avec le rivaroxaban, ARISTOTLE avec l’apixaban et ENGAGE AF-TIMI avec l’édoxaban) ayant comparé les NACO à la warfarine dans la prévention thromboembolique chez des patients atteints de FA non valvulaire.

Les résultats obtenus avec les NACO à doses élevées (dabigatran étexilate 300 mg p.j., rivaroxaban 20 mg p.j., apixaban 10 mg p.j. et édoxaban 60 mg p.j.), par rapport à la warfarine sont les suivants.

  • Mortalité totale : diminution statistiquement significative (Risque Relatif 0,90; intervalle de confiance à 95% 0,85 à 0,95).
  • Accidents vasculaires cérébraux et embolies systémiques: diminution statistiquement significative (RR 0,81; IC 95% 0,73 à 0,91); celle-ci s’explique surtout par une diminution d’environ de moitié des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (RR 0,49; IC 95% 0.38 à 0.64).
  • Hémorragies intracrâniennes: diminution statistiquement significative (RR 0,48 IC 95% 0,39 à 0,59).
  • Hémorragies gastro-intestinales: augmentation stastistiquement significative (RR 1,25; IC 95% 1,01 à 1,55).
  • Infarctus du myocarde : risque comparable (RR 0,97; IC 95% 0,78 à 1,20).

Les résultats obtenus avec les NACO à faibles doses (dabigatran étexilate à 220 mg p.j., édoxaban à 30 mg p.j.). sont les suivants.

  • Mortalité totale: diminution statistiquement significative (RR 0,89; IC 95% 0,83 à 0,96).
  • Accidents vasculaires cérébraux et embolies systémiques: efficacité comparable (RR 1,03; IC 95% 0,84 à 1,27), avec diminution du nombre d'accidents vasculaires cérébraux hémorragiques mais augmentation du nombre d’accidents vasculaires ischémiques.
  • Hémorragies intracrâniennes: diminution statistiquement significative (RR 0,31; IC 95% 0,24 à 0,41).
  • Hémorragies majeures et hémorragies gastro-intestinales: effet comparable (RR 0,89; IC 95% 0,57 à 1,37).
  • Infarctus du myocarde: risque accru (RR 1,25; IC 95% 1,04 à 1,5).

Les résultats de cette méta-analyse indiquent un rapport bénéfice/risque favorable des NACO par rapport à la warfarine, mais il convient d’être prudent dans l’interprétation de ces résultats étant donné que dans ces études, les patients plus vulnérables (p.ex. les personnes âgées de plus de 75 ans, ceux avec des antécédents d’accident vasculaire cérébral ou atteints d’une insuffisance rénale) étaient généralement sous-représentés. De plus, dans le cadre des études cliniques, les patients sont suivis de très près, et il est donc difficile d’extrapoler simplement ces résultats à la population rencontrée en pratique générale. Par ailleurs, dans les groupes contrôle de ces études, le traitement par warfarine n’était pas optimal (INR dans les valeurs thérapeutiques 58 à 68% du temps), ce qui complique l’interprétation des résultats. Enfin, les résultats de cette méta-analyse portent sur l’ensemble des NACO et on ne dispose pas d’études comparatives entre les différents NACO; il est donc difficile de tirer des conclusions fermes en termes d’efficacité relative et d’innocuité.

2 The Lancet 2014; 383: 955-62 (doi: 10.1016/S0140-6736(13)62343-0) avec commentaire : 931-3 (doi :10.1016/S0140- 6736(13)62376-4)


Conseils pratiques et mises en garde en cas d’utilisation d’un NACO

Quel que soit le choix du traitement anticoagulant oral, il importe que le prescripteur veille à respecter rigoureusement la posologie ainsi que les contre-indications et les précautions d’usage de ces médicaments afin d’en limiter les effets indésirables.

En ce qui concerne les conseils pratiques d’utilisation des AVK, nous renvoyons au Répertoire ainsi qu’aux Folia de février 2004 et juin 2011 .


Contre-indications et précautions d’usage des NACO

Suite au risque hémorragique observé dans des essais cliniques et aux notifications de cas d’hémorragies majeures – parfois fatales- avec les NACO après leur mise sur le marché, l’Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency ou EMA) a procédé à une révision récente des contre-indications et des précautions d’usage des NACO afin de réduire le risque d’hémorragie.

  • L’apixaban, le dabigatran étexilate et le rivaroxaban (quel que soit le dosage utilisé et l’indication) sont contre-indiqués en cas d’hémorragie évolutive, de lésion ou de maladie représentant un facteur de risque hémorragique majeur, et de traitement concomitant par un autre anticoagulant (sauf lors du passage d’un NACO à un AVK, voir plus loin).
  • Le dabigatran étexilate est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min) et d’atteinte de la fonction hépatique.
  • L’apixaban et le rivaroxaban sont contre-indiqués en cas d’atteinte hépatique associée à une coagulopathie ou à un risque de saignement cliniquement significatif. L’apixaban et le rivaroxaban ne sont pas recommandés chez les patients avec une clairance de la créatinine < 15 ml/min.
  • Il convient d’être attentif à la présence d’autres facteurs de risque d’hémorragie tels qu’un âge avancé > 75 ans, un poids < 60 kg ou la prise de certains médicaments (p.ex. AINS, acide acétylsalicylique ou autre antiagrégant).
  • Il faut aussi être attentif à la présence de facteurs augmentant le risque thromboembolique tels qu’un poids corporel très élevé ou une mauvaise observance du traitement.

Posologie et adaptation de la posologie dans la fibrillation auriculaire non valvulaire

Les posologies mentionnées ci-dessous sont celles qui figurent dans les Résumés des Caractéristiques du Produit (RCP) [à la date du 01/05/14]. Il est important de prendre le médicament tous les jours aux mêmes heures.

  • L’apixaban est utilisé à la dose de 10 mg p.j. en deux prises. Une dose plus faible, à savoir de 5 mg p.j. en deux prises, est indiquée chez les patients présentant au moins deux des caractéristiques suivantes: poids ≤ 60 kg, âge ≥ 80 ans ou créatinine sérique ≥ 1,5 mg/dl, ainsi que chez les patients présentant une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min). Le moment de la prise par rapport à l’alimentation ne modifie pas son efficacité.
  • Le dabigatran étexilate est utilisé à la dose 300 mg p.j. en deux prises. Une dose plus faible, à savoir de 220 mg p.j. en deux prises, est indiquée en cas d’âge ≥ 80 ans et de traitement concomitant par le vérapamil. Chez les patients âgés de 75 à 80 ans, les patients présentant une insuffisance rénale modérée ou avec un risque hémorragique élevé (dû par ex. à un ulcère digestif, une oesophagite ou à la prise de médicaments tels que des AINS, l’acide acétylsalicylique, le clopidogrel), on optera pour la dose de 300 mg ou de 220 mg p.j. en fonction du risque thromboembolique et du risque hémorragique. Les gélules doivent être avalées entières avec de l’eau, de préférence avec un repas, et ne peuvent pas être ouvertes ou mâchées (cela peut provoquer une hémorragie aiguë).
  • Le rivaroxaban est utilisé à la dose de 20 mg p.j. en une prise. Une dose plus faible, à savoir de 15 mg p.j. en une prise, est indiquée en cas d’insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine de 30 à 49 ml/min) à sévère (clairance de la créatinine de 15 à 29 ml/min). Le rivaroxaban doit être pris pendant le repas.

Interactions

Les NACO sont métabolisés au niveau hépatique et exposent à un risque d’interactions (connues et méconnues) notamment au niveau du CYP3A4 et/ou de la glycoprotéine P (P-gp) (voir aussi tableau Ib et Id dans l’Introduction du Répertoire).

  • L’apixaban et le rivaroxaban sont des substrats du CYP3A4 et de la P-gp, L’utilisation concomitante d’inhibiteurs puissants du CYP3A4 et de la P-gp tels que les antimycosiques azolés, de même que le jus de pamplemousse est contre-indiquée.
  • Le dabigatran étexilate est un substrat de la glycoprotéine P (P-gp). L’administration concomitante d’inhibiteurs puissants de la P-gp tels que les antimycosiques azolés est contre-indiquée, et celle d’inhibiteurs faibles à modérés de la P-gp tels que l’amiodarone ou le vérapamil doit se faire avec prudence en raison du risque accru d’hémorragie.
  • Avec tous les anticoagulants, la prise concomitante d’un antiagrégant ou d’un AINS doit se faire avec prudence en raison du risque accru d’hémorragie.

Surveillance biologique

  • L’utilisation d’un NACO ne requiert pas de suivi de l’activité anticoagulante en routine. Cependant, la mesure des concentrations plasmatiques ou de l’anticoagulation au moyen de différents tests (p. ex. TCA, temps de thrombine, anti-Xa, ECT) peut s’avérer utile dans certains cas (entre autres en cas de suspicion d’un surdosage). De tels tests ne sont cependant pas standardisés et leur interprétation n’est pas simple; ils ne se justifient que dans des centres ayant une expertise suffisante. La mesure de l’INR n’a aucune valeur et ne doit pas être pratiquée dans ce cadre.
  • Chez tous les patients, il est impératif d’évaluer la fonction rénale et la fonction hépatique avant l’instauration d’un NACO, puis au moins une fois par an, ou plus souvent en cas d’évènement intercurrent (p. ex. déshydratation). Chez les personnes âgées de plus de 75 ans, les patients pesant moins de 60 kg, et les patients avec une clairance de la créatinine déjà faible au départ, il est recommandé de contrôler la fonction rénale plus fréquemment (tous les 3 à 6 mois). Une telle surveillance occasionnelle de la fonction rénale a cependant encore ses limites vu la possibilité d’une dégradation rapide de la fonction rénale pouvant passer inaperçue (p. ex. en cas de déshydratation, d’hypovolémie ou d’interactions).

Que faire en cas d’oubli d’une prise ?

En aucun cas, la prise suivante ne doit être doublée. La dose oubliée peut encore être prise à condition que cela se fasse avant la moitié de l’intervalle de temps précédant la prise suivante c.-à-d. :

  • dans les 6 heures pour un médicament en deux prises par jour (apixaban, dabigatran étexilate),
  • dans les 12 heures pour un médicament en une prise par jour (rivaroxaban).

Au-delà de ce délai, elle sera simplement omise et le traitement sera poursuivi normalement.


Que faire en cas de surdosage sans saignement ?

Une simple surveillance du patient pendant quelques heures est en général suffisante du fait de la courte demi-vie des NACO.


Que faire en cas d’hémorragie?

En cas d’hémorragie, il convient d’évaluer un éventuel surdosage ainsi que les autres facteurs de risque hémorragique éventuels. En fonction du moment de la dernière prise et de la sévérité de l’hémorragie, il peut être nécessaire de retarder la prise suivante ou d’interrompre le traitement. Il n’existe pas d’antidote spécifique. La normalisation de l’hémostase demande 12 à 24 heures; en cas d’insuffisance rénale, cette normalisation est plus longue avec le dabigatran étexilate, (jusqu’à 48 heures et plus) et une hémodiayse peut être envisagée. En présence d’une hémorragie majeure, l’administration d’un concentré en facteurs de coagulation (PPSB) est recommandée.


Que faire en cas d’intervention chirurgicale ?

[voir aussi Folia de février 2012 ].

  • En cas d’intervention chirurgicale mineure avec un faible risque d’hémorragie (p.ex. interventions dentaires ou cutanées, chirurgie de la cataracte ou du glaucome), il n’est pas toujours nécessaire d’interrompre le traitement par NACO. Si la décision est prise d’interrompre le traitement, il convient de le faire 24 heures avant l’intervention.
  • En cas d’intervention chirurgicale avec un risque hémorragique plus élevé, le traitement sera interrompu 24 heures avant l'intervention (selon le RCP), voire 48 heures avant l'intervention selon certains experts. Avec le dabigatran étexilate, ces délais doivent encore être allongés en cas d’insuffisance rénale.
  • En cas d’intervention chirurgicale non planifiée, le traitement anticoagulant doit être interrompu, et il est préférable dans la mesure du possible d’attendre 12 à 24 heures après la dernière prise pour opérer.

Les NACO peuvent en principe être réinstaurés dès le contrôle de l’hémostase, mais vu l’absence d’antidote spécifique, il est généralement préférable d’attendre 48 à 72 heures pour reprendre le traitement après une intervention avec un risque élevé d’hémorragie. Chez les patients avec un risque thromboembolique élevé chez qui le NACO a été remplacé temporairement par une héparine, il n’est pas recommandé de poursuivre l’héparine lors de la reprise du NACO.


Comment passer d’un AVK à un NACO et inversement ?

Il n’est pas souhaitable de remplacer un traitement par un AVK efficace et bien toléré, par un NACO. Si ce changement est néanmoins envisagé, il convient d’attendre que l’INR sous AVK soit < 2 avant de débuter le NACO.

Lors du passage d’un NACO à un AVK, le NACO devra être poursuivi jusqu’à ce que l’INR soit ≥ 2. Avec le dabigatran étexilate, il convient de tenir compte d’un allongement possible de la demi-vie en cas de diminution de la fonction rénale.


Quel NACO choisir ?

On ne dispose actuellement pas d’études comparatives entre les différents NACO et il n’est donc pas possible de tirer des conclusions fermes en termes d’efficacité relative et d’innocuité. Le choix se fera dès lors en fonction du profil du patient et de ses antécédents.


Commentaires et conclusion

Dans les études cliniques, les NACO sont apparus au moins aussi sûrs et efficaces que la warfarine en termes de prévention des évènements thromboemboliques et de mortalité. Les guidelines américaines et européennes 3,4 recommandent dès lors les NACO comme une alternative aux AVK pour la prévention thromboembolique chez les patients atteints de FA non valvulaire avec un risque thromboembolique modéré à élevé (score CHA2DS2-VASc ≥2). L’expérience avec ces nouveaux médicaments en dehors des études cliniques est cependant encore limitée, et leur utilisation dans la pratique courante se heurte aussi à certaines difficultés: p. ex. perte d’efficacité en cas d’oubli d’une prise (en raison de leur courte durée de demi-vie), absence de monitoring régulier ne permettant pas de surveiller le degré d’anticoagulation, absence de possibilité d’adaptation de la dose en cas de suspicion de sur- ou de sous-dosage (p. ex. chez les patients obèses ou très maigres), absence d’antidote. Tenant compte des données disponibles mais aussi des incertitudes et des limites de ces nouveaux traitements, nous estimons, tout comme l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)5 en France et le College voor Zorgverzekeringen6 aux Pays-Bas, que les NACO ne doivent pas systématiquement remplacer les AVK, et qu’il n’est pas souhaitable de remplacer un traitement par un AVK efficace et bien toléré par un autre anticoagulant oral. Les NACO peuvent être envisagés comme une alternative aux AVK chez les patients chez qui l’INR est difficile à maintenir dans les valeurs thérapeutiques, et ce malgré une bonne observance du traitement, ainsi que chez les patients qui acceptent mal les contraintes liées à la surveillance de l’INR. Bien que les NACO constituent une avancée dans la prise en charge thromboembolique, il ne faut pas sous-estimer leurs risques et les difficultés liées à leur utilisation dans la pratique courante, surtout chez les personnes âgées, la majorité des patients atteints de FA. Il convient également de tenir compte du coût plus élevé de ces nouveaux médicaments.

3 European Heart Journal 2012; 33: 2719-47 (doi:10.1093/eurheartj/ehs253)

4 Chest 2012; 141 (2) (Suppl) : e531S-e575S

5 www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-07/fs_bum_naco_v5.pdf

6 Geneesmiddelenbulletin 2012; 46 132-3


Notes

  • Le score CH2DS2-VASc permet d’évaluer l’importance du risque thromboembolique
    • antécédents d’AVC ou d’AIT : 2 points
    • âge ≥ 75 ans : 2 points
    • hypertension artérielle : 1 point
    • diabète : 1 point
    • insuffisance cardiaque congestive: 1 point
    • pathologie vasculaire : 1 point
    • âge entre 65 et 74 ans : 1 point
    • sexe féminin : 1 point

    Chez les patients avec un score CHA2 DS2-VASc ≥ 2, le risque thromboembolique est élevé et un anticoagulant oral est recommandé.

  • La prise en charge d’un traitement par un AVK en période périopératoire a été discutée dans les Folia de juin 2011 .