Substitution hormonale: état de la question en 2003


Abstract

La période qui entoure la ménopause est associée à une diminution de la production endogène d’estrogènes. Chez beaucoup de femmes, cette diminution entraîne à court terme des plaintes typiques (par ex. symptômes vasomoteurs, atrophie uro-génitale), et à long terme, provoque entre autres une augmentation de la résorption osseuse (avec risque accru de fractures) et un risque accru d’accidents cardio-vasculaires. Chez beaucoup de femmes, une substitution hormonale est instaurée dans l’espoir de contrecarrer ces effets. Jusqu’il y a quelques années, les données concernant les effets favorables et indésirables de la substitution hormonale provenaient surtout d’études d’observation. Les résultats de plusieurs études récentes, dont certaines randomisées, contrôlées par placebo, amènent à réévaluer le rapport bénéfices/risques de la substitution hormonale.

  • La substitution hormonale a certainement un effet favorable sur les plaintes liées à la ménopause. La décision d’instaurer pour cette raison une substitution hormonale doit être prise individuellement après avoir pesé, pour chaque femme en particulier, la sévérité des plaintes et les risques du traitement. Ces risques sont entre autres la thrombo-embolie veineuse (dès l’instauration du traitement) et le cancer du sein (risque qui augmente avec la durée du traitement); avec l’association d’estrogènes conjugués et d’acétate de médroxyprogestérone (AMP), un risque accru d’accidents coronariens a également été observé dès la première année de traitement. Il est très important que la femme prenne elle-même sa décision après avoir été correctement informée. Lorsque l’atrophie vaginale est la seule plainte, il est préférable d’administrer de l’estriol par voie vaginale. Une évaluation régulière de la nécessité de poursuivre le traitement s’impose. La dose d’estrogènes sera en tout cas la plus faible possible.
  • Des données limitées indiquent un effet préventif de la substitution hormonale sur l’ostéoporose et les fractures et sur le cancer colo-rectal mais cela nécessite en tout cas un traitement à long terme, et chez la plupart des femmes, cet avantage ne compensera pas les risques du traitement.
  • La substitution hormonale à long terme en prévention de la démence ou des affections cardio-vasculaires ne se justifie pas.

La plupart des études randomisées ont été réalisées avec l’association d’estrogènes conjugués et d’AMP, mais aucune donnée ne permet toutefois d’affirmer que d’autres associations estroprogestatives auraient un meilleur profil de risque. En ce qui concerne la substitution hormonale par des estrogènes seuls (donc, sans progestatif), il n’est pas exclu que les effets soient quelque peu différents.

Les données au sujet de l’innocuité à long terme de la tibolone sont encore limitées; une étude récente indique toutefois aussi un risque accru de cancer du sein à long terme.


Dans les Folia, l’attention a déjà été attirée à plusieurs reprises sur la substitution hormonale [ Folia de janvier, juillet, septembreet novembre 1998, novembre 2002 ]. Dans la rubrique &quot Bon à savoir &quot sur notre site www.cbip.be, des messages ont été publiés sur le risque de démence (28 mai 2003) et sur le risque de cancer du sein (27 juin 2003 et 8 août 2003). Cet article propose une discussion sur les données actuelles concernant les effets favorables et les risques de la substitution hormonale. Jusqu’il y a quelques années, la plupart des données sur la substitution hormonale provenaient d’études d’observation, avec les limites (par ex. biais et facteurs confondants) que de telles études comportent. Ces dernières années, plusieurs études ont été publiées apportant de nouvelles informations sur les effets favorables et les risques de la substitution hormonale; parmi celles-ci, plusieurs ont été réalisées de manière randomisée. Les deux principales études à grande échelle, randomisées, contrôlées par placebo, sont les suivantes.

  • La Heart and Estrogen/Progestin Replacement Study (l’étude HERS, d’une durée de 4,1 ans) que complète une étude de suivi ouverte (non en aveugle) (étude HERS-II, d’une durée de 2,7 ans), réalisées chez des femmes avec des antécédents d’affections coronariennes, traitées par l’association d’estrogènes conjugués (0,625 mg p.j.) et d’acétate de médroxyprogestérone (AMP; 2,5 mg p.j.).
  • La Women’s Health Initiative (WHI), réalisée chez des femmes ménopausées en bonne santé: chez les femmes non hystérectomisées, avec l’association d’estrogènes conjugués (0,625 mg p.j.) et d’AMP (2,5 mg p.j.), chez les femmes hystérectomisées, avec des estrogènes conjugués seuls (0,625 mg p.j.). Chez les femmes traitées par l’association estroprogestative, l’étude a été arrêtée prématurément (après un suivi de 5,2 ans en moyenne). L’étude se poursuit encore maintenant chez les femmes traitées par des estrogènes seuls.

Effets favorables de la substitution hormonale


Traitement des plaintes liées à la ménopause


Abstract

La substitution hormonale a certainement un effet favorable sur les symptômes vasomoteurs et l’atrophie uro-génitale liés à la ménopause. Les données indiquent un effet comparable des différentes voies d’administration (orale, transdermique, intranasale) sur les symptômes vasomoteurs. En cas d’atrophie uro-génitale, l’administration vaginale d’estriol est aussi efficace et associée à une moindre résorption systémique.

Chez beaucoup de femmes, la ménopause est associée à des plaintes vasomotrices et vaginales. Les plaintes vasomotrices disparaissent souvent après 2 ans, mais chez un quart des femmes, elles persistent pendant 5 ans ou plus.

Plusieurs études randomisées ont montré un effet favorable de la substitution hormonale sur la sévérité et la fréquence des symptômes vasomoteurs, mais il existe dans ces études un effet placebo important. Les données indiquent un effet comparable pour les différentes formes d’administration (transdermique, orale, intranasale).

Dans plusieurs études, il a été démontré que les estrogènes (par voie orale ou vaginale) améliorent les symptômes dus à l’atrophie vaginale. Lorsque les plaintes se limitent à une atrophie génitale, il est préférable d’utiliser localement l’estriol, biologiquement moins actif: la résorption systémique est minimale, et dans une étude cas-témoins, le risque d’hyperplasie endométriale ou de carcinome n’était pas augmenté chez les femmes qui avaient été traitées pendant au moins 5 ans par de l’estriol par voie vaginale [voir aussi décembre 1999 , et plus bas &quot Risque de carcinome de l’endomètre&quot].


Prévention de l’ostéoporose et des fractures


Abstract

La substitution hormonale a certainement un effet favorable sur la densité osseuse. Une influence favorable sur l’incidence des fractures est moins bien démontrée. De plus, pour obtenir un tel effet, un traitement prolongé (au moins 5 ans) s’avère nécessaire, et chez la plupart des femmes, l’effet favorable éventuel de la substitution hormonale ne contrebalance vraisemblablement pas les risques.

Un certain nombre d’études d’observation et d’études randomisées de qualité variable ont montré un effet favorable de la substitution hormonale sur la densité osseuse et, en cas de traitement pendant au moins 5 ans, sur le risque de fractures au niveau des vertèbres, des chevilles et peut-être aussi des hanches. Plus récemment ont été publiées l’étude HERS(-II) et la Women’s Health Initiative. Dans l’étude HERS(-II), aucun effet de la substitution hormonale (à base d’estrogènes conjugués et d’AMP) sur l’incidence des fractures n’a été observé. Dans la subdivision de la Women’s Health Initiative interrompue prématurément, la substitution hormonale (à base d’estrogènes conjugués et d’AMP) a toutefois eu un effet favorable par rapport au placebo sur l’incidence globale des fractures (par ex. hanche, vertèbres); le risque relatif était de 0,76 (intervalle de confiance à 95% de 0,69 à 0,85). Il faut signaler que l’étude HERS-(II) et la Women’s Health Initiative ne concernent pas spécifiquement les femmes avec un risque accru d’ostéoporose.


Prévention du cancer colo-rectal


Abstract

Dans des études d’observation et dans la Women’s Health Initiative, mais pas dans l’étude HERS, une diminution du risque de cancer colo-rectal a été observée avec la substitution hormonale. L’effet favorable éventuel ne contrebalance probablement pas les risques d’un traitement à long terme.


Prévention des affections cardio-vasculaires


Abstract

Contrairement à ce qui a été suggéré sur base d’études d’observation, il ressort d’études randomisées que la protection cardio-vasculaire n’est pas une indication pour la substitution hormonale, ni en prévention primaire, ni en prévention secondaire. La Women’s Health Initiative montre même pour la substitution hormonale à base d’estrogènes conjugués et d’AMP un risque accru d’accident cérébro-vasculaire ischémique et d’accidents coronariens.

Plusieurs études d’observation (par ex. la Nurses’ Health Study) ont suggéré un effet cardioprotecteur (coronaire, cérébro-vasculaire) de la substitution hormonale. Des études randomisées, réalisées tant chez des femmes sans antécédents d’affections coronariennes (prévention primaire) que chez des femmes avec des antécédents coronariens (prévention secondaire) ne confirment pas un tel effet protecteur.

  • Prévention primaire. Les résultats de la subdivision de la Women’s Health Initiative interrompue prématurément, avec l’association d’estrogènes conjugués et d’AMP (suivi de 5,2 ans en moyenne), ont été discutés dans les novembre 2002 .
    • Coronaire. Par rapport au placebo, le risque d’affections coronariennes était accru; le risque relatif était de 1,29 (intervalle de confiance à 95% de 1,02 à 1,63); cette augmentation du risque était due à une augmentation du risque d’infarctus du myocarde non fatal. Le risque était déjà augmenté dès la première année de traitement.
    • Cérébro-vasculaire. Par rapport au placebo, le risque d’accident cérébro-vasculaire ischémique était accru; le risque relatif était de 1,44 (intervalle de confiance à 95% de 1,09 à 1,90). Le risque d’accident cérébro-vasculaire hémorragique n’était pas accru.
  • Prévention secondaire
    • Coronaire. Les résultats de l’étude HERS (avec l’association d’estrogènes conjugués et d’AMP) ont été discutés dans les novembre 1998. Par rapport au placebo, aucune différence en ce qui concerne les affections coronariennes (infarctus du myocarde non fatal, mortalité cardiaque) n’a été observée après un suivi de 4,1 ans en moyenne. Une analyse post-hoc a toutefois montré une incidence accrue d’accidents cardio-vasculaires dans le groupe sous substitution hormonale au cours de la première année de traitement, et une incidence moindre de la troisième à la cinquième année de traitement. Les résultats de l’étude HERS-II ont été publiés en 2002: l’incidence moindre d’accidents cardio-vasculaires qui avait été observée de la troisième à la cinquième année, n’a plus été retrouvée au cours des années ultérieures de suivi, et à la fin de l’étude (6,8 ans), aucune différence en ce qui concerne les affections coronariennes n’a plus été observée entre le groupe sous substitution hormonale et le groupe placebo.

      Dans l’étude ESPRIT, réalisée chez des femmes ménopausées sous substitution hormonale par des estrogènes seuls (valérate d’estradiol 2 mg p.j.), qui avaient survécu à un premier infarctus du myocarde, aucun effet sur l’incidence d’un deuxième infarctus du myocarde, la mortalité cardiaque ou la mortalité en général n’a été observé après 2 ans.

    • Cérébro-vasculaire. L’étude HERS (chez des femmes présentant une affection coronarienne) et l’étude WEST (Women’s Estrogen for Stroke Trial chez des femmes avec des antécédents récents d’accident cérébro-vasculaire ischémique ou d’A.I.T., traitées par 1 mg p.j. de 17 β-estradiol, et suivies pendant 2,8 ans en moyenne) ne montrent aucun effet de la substitution hormonale sur l’incidence d’accident cérébro-vasculaire.

Amélioration des fonctions cognitives et prévention de la démence


Abstract

Une susbtitution hormonale ne doit pas être instaurée dans le but d’améliorer les fonctions cognitives ou de prévenir une démence. La Women’s Health Initiative montre même un risque accru de démence avec la substitution hormonale à base d’estrogènes conjugués et d’AMP.

Des études d’observation ont suggéré un effet protecteur de la substitution hormonale sur l’apparition de la démence. Des études randomisées avec l’association d’un estrogène et d’un progestatif ne confirment pas un tel effet.

  • La Women’s Health Initiative Memory Study est une subdivision de la Women’s Health Initiative. Une analyse des données au sujet des femmes pour lesquelles l’étude a été prématurément arrêtée (avec l’association d’estrogènes conjugués et d’AMP) montre un risque accru de démence (démence d’Alzheimer, démence vasculaire ou autre) sous substitution hormonale. Aucune différence par rapport au placebo n’a été observée en ce qui concerne l’apparition de troubles cognitifs modérés ou une modification de la fonction cognitive globale.
  • Une étude partielle de l’étude HERS (âge moyen de 66 ans au début de l’étude) n’a pas montré d’effet de la substitution hormonale à base d’estrogènes conjugués et d’AMP sur la fonction cognitive après un suivi de 4 ans en moyenne.

Effets indésirables de la substitution hormonale


Risque de thrombo-embolie veineuse


Abstract

Les estrogènes augmentent le risque de thrombo-embolie veineuse (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire), surtout pendant la première année de traitement. L’association d’un progestatif aux estrogènes n’apporte aucune protection contre ce risque. Lors de la décision de prescrire une substitution hormonale, il convient de tenir compte des facteurs de risque de thrombo-embolie veineuse.

Les estrogènes augmentent le risque de thrombo-embolie veineuse (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire); l’association d’un progestatif aux estrogènes n’apporte aucune protection contre ce risque. Des données indiquent que le risque est le plus élevé au cours de la première année de traitement et qu’il augmente avec la dose d’estrogène.

Une augmentation du risque de thrombo-embolie veineuse a été observée dans la subdivision de la Women’s Health Initiative arrêtée prématurément (risque relatif de 2,11 avec intervalle de confiance à 95 % de 1,58 à 2,82) et dans l’étude HERS-II (risque relatif de 2,08 avec intervalle de confiance de 1,28 à 3,40).

Les données concernant les préparations d’estrogènes à usage transdermique sont contradictoires: certaines études montrent un risque accru de thrombo-embolie veineuse, tandis que dans une étude cas-témoins récente (l’étude ESTHER), aucune augmentation du risque n’a été observée.

Comme mentionné dans les janvier 1998, la substitution hormonale est absolument contre-indiquée chez les femmes qui présentent une affection thrombo-embolique active. Chez les femmes avec des antécédents de thrombo-embolie veineuse et chez les femmes obèses (Body Mass Index > 30), ainsi que lors d’une immobilisation, par ex. suite à un traumatisme ou une intervention chirurgicale, la substitution hormonale ne sera prescrite qu’avec la plus grande prudence.


Risque de cancer du sein


Abstract

La Women’s Health Initiative montre chez des femmes traitées par une association d’estrogènes conjugués et d’AMP une incidence accrue de cancer du sein seulement après plusieurs années de traitement, et une incidence accrue d’anomalies mammographiques déjà après un an de traitement. Une étude de cohorte récente, la Million Women Study, indique que l’incidence de cancer du sein liée à la substitution hormonale par une association estroprogestative est déjà accrue dès la première année de traitement, et qu’elle augmente encore avec la durée du traitement. Cette étude ne montre pas d’influence du type d’estrogène ou de progestatif, ni de la voie d’administration de l’estrogène ou des modalités d’utilisation du progestatif sur l’augmentation du risque. Cette étude montre également une incidence accrue de cancer du sein avec une substitution hormonale à base d’un estrogène seul et avec la tibolone, mais de manière moins prononcée par rapport à l’association estroprogestative.

Chez les femmes qui ont déjà un risque accru de cancer du sein (par ex. en raison d’antécédents personnels ou familiaux), on sera particulièrement prudent en cas de prescription d’une substitution hormonale.

Dans une méta-analyse de 51 études d’observation publiée en 1997, un risque accru de cancer du sein avait été observé chez les femmes qui avaient pris une substitution hormonale pendant 5 ans ou plus (voir janvier 1998). Dans l’étude HERS-(II), aucune augmentation statistiquement significative du risque de cancer du sein par rapport au placebo n’a été constatée après un suivi de 6,8 années. En 2002, la subdivision de la Women’s Health Initiative chez les femmes traitées par l’association d’estrogènes conjugués et d’AMP a été arrêtée prématurément (après un suivi moyen de 5,2 années), principalement en raison du risque accru de cancer du sein; le risque relatif était de 1,26 (intervalle de confiance à 95 % de 1,00 à 1,59), ce qui signifiait 40 cas supplémentaires de cancer du sein par 10.000 femmes traitées pendant 5,2 années. La mortalité par cancer du sein n’était pas augmentée. Une mammographie (effectuée annuellement) montrait déjà après un an de traitement hormonal substitutif une incidence plus élevée d’anomalies (tissu mammaire dense). Cette différence subsistait pendant toute la durée de l’étude. On ne sait toutefois pas si une augmentation de la densité mammaire liée à la substitution hormonale signifie qu’il existe aussi un risque accru de cancer du sein.

Une étude de cohorte publiée récemment (août 2003) ayant inclus plus d’un million de femmes britanniques (la Million Women Study) montre une incidence plus élevée de cancer du sein chez les femmes sous substitution hormonale à base d’une association estroprogestative que chez les femmes n’ayant jamais pris une telle substitution; le risque relatif était de 2,00 (intervalle de confiance à 95 % de 1,88 à 2,12), ce qui signifiait 60 cas supplémentaires de cancer du sein par 10.000 femmes traitées pendant 5 ans. L’incidence était déjà augmentée dès la première année de traitement, et continuait à augmenter avec la durée du traitement. Cette étude montre également une augmentation de la mortalité par cancer du sein; le risque relatif était de 1,22 (intervalle de confiance à 95 % de 1,00 à 1,48), ce qui est à la limite de la signification statistique.

Les données concernant le risque du cancer du sein lié à la substitution hormonale par un estrogène seul (donc sans progestatif) sont moins univoques. A l’instar d’études d’observation antérieures, une étude cas-témoins récente n’a pas montré de risque accru chez les femmes ne prenant qu’un estrogène seul (dont certaines durant 25 ans ou plus). Dans la Million Women Study, un risque accru a toutefois été observé chez les utilisatrices d’un estrogène seul, bien que celui-ci était moins prononcé par rapport à l’association d’un estrogène et d’un progestatif; le risque relatif était de 1,30 (intervalle de confiance à 95% de 1,21 à 1,40), ce qui signifiait 15 cas supplémentaires de cancer du sein par 10.000 femmes traitées pendant 5 ans. Il est à espérer que la subdivision de la Women’s Health Initiative encore en cours chez des femmes traitées par un estrogène seul apporte plus d’éclaircissements.

Dans la Million Women Study, l’augmentation du risque de cancer du sein n’a pas été influencée par le type d’estrogène (estrogènes conjugués, éthinylestradiol), le type de progestatif (AMP, noréthistérone, norgestrel, lévonorgestrel), la voie d’administration de l’estrogène (orale, transdermique, implant), et les modalités d’utilisation du progestatif (séquentielle ou continue).

La Million Women Study apporte des preuves supplémentaires que l’augmentation du risque diminue après l’arrêt du traitement: cinq ans après l’arrêt du traitement, le risque de cancer du sein avait diminué et rejoint celui des femmes n’ayant jamais pris de substitution hormonale.

La Million Women Study montre également un risque accru de cancer du sein avec la tibolone; celui-ci se situe entre le risque observé avec l’association estroprogestative et le risque observé avec un estrogène seul. Pour la tibolone, le risque relatif était de 1,45 (intervalle de confiance à 95% de 1,25 à 1,68).

Comme déjà mentionné dans les janvieret juillet 1998, la prudence est de rigueur en cas de prescription d’une substitution hormonale chez les femmes qui ont déjà un risque accru de cancer du sein.


Risque de carcinome de l’endomètre


Abstract

Les estrogènes augmentent le risque d’hyperplasie et de carcinome de l’endomètre. Afin de diminuer ce risque, un progestatif est associé à l’estrogène chez les femmes non hystérectomisées. Des études montrent que le risque de carcinome endométrial lié à la prise d’estrogènes n’est pas augmenté lorsqu’un progestatif est associé de manière continue ou séquentielle pendant au moins 12 jours par cycle.

La substitution hormonale par un estrogène seul augmente le risque d’hyperplasie (et de ce fait le développement d’un carcinome de l’endomètre); une méta-analyse de 29 études d’observation de bonne qualité a montré que le risque augmentait avec la durée d’utilisation. Chez les femmes non hystérectomisées, un progestatif est dès lors associé à l’estrogène afin de contrecarrer une hyperplasie endométriale. L’association d’un progestatif à l’estrogène, de manière continue ou séquentielle pendant au moins 12 jours par cycle, a pour conséquence que le risque de carcinome de l’endomètre n’est probablement pas augmenté: dans l’étude HERS et la Women’s Health Initiative par ex., le risque de carcinome de l’endomètre n’était pas augmenté chez les femmes sous substitution hormonale par une association d’estrogènes conjugués et d’AMP.

L’association d’un progestatif à l’estrogène est également conseillée chez les femmes hystérectomisées à la suite d’une endométriose, particulièrement lorsque les foyers d’endométriose n’ont pas été complètement éliminés.


Risque de carcinome ovarien


Abstract

Un certain nombre d’études d’observation montrent un risque accru de carcinome ovarien lié à la substitution hormonale à long terme. Les études randomisées (HERS, Women’s Health Initiative) ne montrent pas cette augmentation de risque, bien qu’une augmentation non statistiquement significative ait été observée dans la Women’s Health Initiative.


Risque de cholécystite


Abstract

Des données provenant d’études d’observation (par ex. la Nurses’ Health Study) et de l’étude HERS indiquent que la substitution hormonale augmente le risque d’affections de la vésicule biliaire.


Influence sur la qualité de vie


Abstract

Les femmes présentant des bouffées de chaleur semblent expérimenter une amélioration de la qualité de vie sous substitution hormonale, mais l’effet placebo est important. Chez les femmes ne présentant pas ces plaintes typiques, la substitution hormonale par une association d’un estrogène et d’un progestatif ne semble pas améliorer la qualité de vie.

Il a été fréquemment suggéré que les femmes, même celles qui ne présentent plus de symptômes liés à la ménopause, se sentent mieux grâce à la substitution hormonale. Il ressort d’études réalisées chez des femmes présentant des plaintes liées à la ménopause, que l’effet favorable de la substitution hormonale sur les plaintes se traduit par une meilleure qualité de vie, mais l’effet placebo dans ces études est important. Dans l’étude HERS et la Women’s Health Initiative, ayant inclus surtout des femmes ne présentant plus de plaintes typiques liées à la ménopause, aucun avantage clinique significatif de la substitution hormonale par une association d’estrogènes conjugués et d’AMP n’a été démontré sur la qualité de vie.


Commentaire de la rédaction

  • La liste des références de cet article peut être consultée sur notre site web (www.cbip.be), et peut être obtenue sur demande [voir adresse de correspondance].
  • Les effets à long terme de la substitution hormonale par voie nasale (avec par intermittence des concentrations plasmatiques en estrogènes élevées et de courte durée) ne sont pas connus.
  • En septembre 2002, un document intitulé &quotLes médicaments de la ménopause&quot, un projet de la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et de la Société Scientifique des Pharmaciens Francophones (SSPF) a été publié sous les auspices du C.B.I.P.

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