Concernant le diabète et la grossesse, une distinction doit être faite entre le diabète gestationnel (c.-à-d. une intolérance glucidique apparaissant au cours du second ou troisième trimestre de la grossesse et disparaissant souvent après celle-ci) et un diabète (type 1 ou type 2) préexistant à la grossesse ou diagnostiqué dans le cours du premier trimestre1. Cet article est une mise à jour de l’article publié dans les Folia de janvier 2009. Depuis lors, plusieurs publications ont apporté des informations complémentaires.
L’incidence du diabète gestationnel est en croissance constante au niveau mondial, et est actuellement de 14% (1 grossesse sur 7)2,3. Avec l’accroissement de l’incidence du diabète de type 2 dans des populations de plus en plus jeunes, de nombreux diagnostics d’hyperglycémie ou d’intolérance glucidique lors du premier trimestre sont en fait des diagnostics de diabète de type 2 préexistant à la grossesse1. La grossesse induit une modification de la relation entre la glycémie et la valeur de l’hémoglobine glycosylée, ce qui perturbe un diagnostic basé sur cette valeur. Actuellement, le diagnostic du diabète gestationnel repose généralement sur deux mesures de la glycémie après prise d’une dose fixe de glucose par voie orale (test d’hyperglycémie provoquée par voir orale ou HGPO), à partir de la 24ème semaine de grossesse.
Le diabète gestationnel est associé à diverses complications, tant maternelles que fœtales, principalement les risques de prééclampsie et de macrosomie fœtale, ainsi que leurs conséquences.
Le traitement de base reste l’adaptation du mode de vie (alimentation saine et activité physique régulière). Après échec de ces mesures non médicamenteuses, un médicament hypoglycémiant doit être proposé.
L’insuline, seul antidiabétique à ne pas traverser la barrière placentaire, reste le traitement de premier choix. Elle reste la molécule majoritairement proposée, en particulier lorsque l’hyperglycémie au moment du diagnostic est importante. L’expérience est la plus importante avec les insulines humaines et les analogues de l’insuline lispro et aspart.
On constate un intérêt croissant en faveur de l’usage de la metformine, qui associe la facilité d’un usage oral à un moindre coût, comparativement à l’insuline (voir « Que disent les recommandations ? »). Utilisée seule, la metformine est associée à une moindre prise de poids maternel en comparaison à l’insuline, sans différence sur les autres critères fœto-maternels (tels que traumatismes lors de la naissance, césariennes, macrosomie, hypoglycémie, …)4,5. Lorsqu’elle est associée à l’insuline, la metformine permet un recours à des doses d’insuline moins élevées, et une moindre prise de poids maternel4. La metformine présente cependant un taux d’échec non négligeable sur le contrôle glycémique, justifiant souvent le rajout de l’insuline à un moment ou un autre de la grossesse. Il reste également des incertitudes quant à l’impact à long terme de la metformine chez les enfants exposés in utero.
L’usage du glibenclamide dans le diabète gestationnel est parfois proposé, basé sur quelques données d’efficacité, mais jamais comme premier choix de traitement (voir « Que disent les recommandations ? »)
Il n’y a pas de données évaluant les autres sulfamidés hypoglycémiants ni d’autres antidiabétiques dans le diabète gestationnel.
Que disent les recommandations ?
- Une prise en charge multidisciplinaire est recommandée (suivi endocrinologique, en concertation avec le gynécologue et/ou le médecin traitant).
- La recommandation du NICE a été mise à jour en 2015 : dans le diabète gestationnel, après échec des mesures non médicamenteuses, la metformine devient le traitement de premier choix, avant l’insuline, à condition qu’au moment du diagnostic, l’hyperglycémie ne soit pas trop importante ou qu’il n’y ait pas de complications telles qu’un hydramnios ou une macrosomie. Le glibenclamide est proposé, mais uniquement lorsque la metformine et/ou l’insuline ne sont pas souhaitables10.
- D’autres recommandations récentes (2018) proposent également d’envisager la metformine, en première intention ou en alternative à l’insuline, après échec des mesures non médicamenteuses11,12.
- L’American Diabetes Association (ADA) dans ses Standards of Medical Care 20201 reste néanmoins prudente. Après échec des mesures non médicamenteuses, elle propose l’insuline en premier choix et déconseille l’usage de la metformine ou des sulfamidés hypoglycémiants comme premiers choix dans le diabète gestationnel, étant donné que l’incertitude quant à un impact sur les enfants exposés in utero est encore trop importante.
Le diabète (en particulier de type 2) est en croissance constante dans la population occidentale, à des âges plus précoces13. Par conséquent, les grossesses chez des femmes diabétiques (type 1 et 2) sont de plus en plus fréquentes. Le taux de complications fœtales et maternelles reste élevé13.
La grossesse chez une femme souffrant de diabète préexistant est associée à diverses complications importantes, tant maternelles que fœtales, comme dans le diabète gestationnel. À noter un risque de malformations congénitales et de rétinopathie diabétique (chez la mère) spécifiquement associé à la grossesse chez les femmes avec un diabète préexistant.
Le traitement de choix est l’insuline, et ce (si possible) plusieurs mois avant la conception14. L’expérience est la plus importante avec les insulines humaines et les analogues de l’insuline lispro et aspart.
Les résultats positifs à propos de l’usage de la metformine dans le diabète gestationnel ainsi que quelques données favorables dans le diabète préexistant à la grossesse poussent à investiguer l’intérêt de l’association de la metformine à l’insuline chez des femmes diabétiques, en particulier de type 2. Cependant, il y a encore trop peu de données à ce stade pour recommander la metformine dans le diabète préexistant à la grossesse.
Il n’y a pas de données évaluant les sulfamidés hypoglycémiants ni d’autres antidiabétiques dans le diabète préexistant à la grossesse.
Que disent les recommandations ?
Dans le diabète préexistant à la grossesse, l’ensemble des recommandations actuelles insistent sur l’importance d’un suivi pré-conceptionnel et proposent, dès le commencement de la grossesse, l’utilisation de l’insuline1,10,12. Les sulfamidés hypoglycémiants et la metformine ne sont pas proposés chez la femme enceinte avec un diabète préexistant.
Chez les femmes enceintes souffrant d’un diabète, tant gestationnel que préexistant à la grossesse, un contrôle glycémique rigoureux est primordial. L’insuline reste le traitement hypoglycémiant le mieux étudié et de choix, en particulier dans le diabète préexistant à la grossesse, tant de type 1 que de type 2. Les données à propos de l’usage de la metformine pendant la grossesse, en particulier dans le diabète gestationnel, semblent favorables tant du point de vue de l’efficacité que de la sécurité, mais l’expérience reste limitée, et l’incertitude à propos de l’impact à long terme de la metformine sur le développement des enfants exposés in utero justifie encore la prudence. Si l’on se réfère aux RCP, l’usage autorisé pendant la grossesse se limite à certaines insulines.
1 American Diabetes Association. Standards of Medical Care 2020. Diabetes Care 2020; volume 43, supplement 1. https://care.diabetesjournals.org/content/43/Supplement_1
2 Coustan DR, Barbour LA. Insulin vs Glyburide for Gestational Diabetes. JAMA 2018 ; 319 (17) : 1769-70.
3 Barbour LA, Feig DS. Metformin for Gestational Diabetes Mellitus: Progeny, Perspective, and a Personalized Approach. Diabetes Care 2019;42:396–399. https://doi.org/10.2337/dci18-0055
4 Rowan 2008 Rowan JA, Hague WM, Gao W, et al. MiG Trial Investigators. Metformin versus insulin for the treatment of gestational diabetes. N Engl J Med. 2008 ; 358 (19) : 2003–15.
5 Balsells M, García-Patterson A, Solà I, et al. Glibenclamide, metformin, and insulin for the treatment of gestational diabetes: a systematic review and meta-analysis. BMJ 2015 ; 350 : h102 doi: 10.1136/bmj.h102 (Published 21 January 2015)
6 Alqudah A, McKinley MC, McNally R, et al. Risk of pre-eclampsia in women taking metformin: a systematic review and meta-analysis. Diabet. Med. 2018 ; 35 : 160–172.
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8 Casey BM, Duryea EL, Abbassi-Ghanavati M, et al. Glyburide in Women With Mild Gestational Diabetes. A Randomized Controlled Trial. Obstet Gynecol 2015 ; 126 : 303–9.
9 Sénat MV, Affres H, Letourneau A, et al. Effect of Glyburide vs Subcutaneous Insulin on Perinatal Complications AmongWomen With Gestational Diabetes A Randomized Clinical Trial. JAMA 2018;319(17):1773-1780. doi:10.1001/jama.2018.4072.
10 Diabetes in pregnancy: management from preconception to the postnatal period. NICE guideline [NG3] Published date: 25 February 2015 Last updated: 26 August 2015.
11 Society of Maternal-Fetal Medicine (SMFM) Publications Committee. SMFM Statement: Pharmacological treatment of gestational diabetes. 2018. https://doi.org/10.1016/j.ajog.2018.01.041
12 Diabetes Canada Clinical Practice Guidelines Expert Committee. Diabetes and Pregnancy. Canadian Diabetes Association 2018. https://doi.org/10.1016/j.jcjd.2017.10.038
13 Feig DS, Murphy K, Asztalos E, et al. Metformin in women with type 2 diabetes in pregnancy (MiTy): a multi-center randomized controlled trial. BMC Pregnancy and Childbirth 2016 ; 16:173. DOI 10.1186/s12884-016-0954-4.
14 Alexopoulos A-S, Blair R, Peters AL. Management of Preexisting Diabetes in Pregnancy : A Review. JAMA. 2019;321(18):1811-1819. doi:10.1001/jama.2019.4981.
15 Tertti K, Eskola E, Rönnemaa T, et al. Neurodevelopment of Two-Year-Old Children Exposed to Metformin and Insulin in Gestational Diabetes Mellitus. J Dev Behav Pediatr 2015 ; 36:752–7.
16 Feig DS, Donovan LE, Zinman B, et al. Metformin in women with type 2 diabetes in pregnancy (MiTy): a multicentre, international, randomised, placebo-controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8(10):834-44. doi: 10.1016/S2213-8587(20)30310-7.