Bon à savoir
Étude CAROLINA : le risque cardiovasculaire associé à l’usage du glimépiride, un sulfamidé hypoglycémiant, n’est pas différent de celui associé à l’usage de la linagliptine.

La sécurité cardiovasculaire des sulfamidés hypoglycémiants dans le traitement du diabète de type 2 fait débat depuis la publication dans les années 1960 de l’étude UGDP. Un certain nombre d’études plus récentes sont rassurantes (voir Folia de septembre 2017), mais des comparaisons directes avec des nouveaux antidiabétiques, dans des études randomisées, font défaut.
CAROLINA1 est une étude randomisée contrôlée (RCT), dont le but est de démontrer que le risque d’événements cardiovasculaire majeur avec la linagliptine (un inhibiteur de la DPP4 ou gliptine) n’est pas inférieur comparativement au glimépiride (un sulfamidé hypoglycémiant), ceci chez des patients diabétiques de type 2 à risque cardiovasculaire élevé.

  • CAROLINA est une RCT avec un design de non infériorité. L’objectif d’une étude de non-infériorité est de démontrer que le médicament étudié ne donne pas de résultats inférieurs à celui auquel il est comparé (le comparateur). On détermine préalablement une marge de non-infériorité. Cette marge détermine la différence maximale que l’on accepte pour pouvoir encore conclure que le médicament étudié n’est pas inférieur à son comparateur. Dans l’étude CAROLINA, on évalue un risque combiné d’événements cardiovasculaires majeurs et la limite supérieure de l’intervalle de confiance pour le rapport de hasards (RH) est fixée à 1,3. Cela signifie que l’on accepte, avec le médicament étudié, par rapport à son comparateur, à chaque moment, jusqu’à 30 % d’événements cardiovasculaires majeurs supplémentaires, pour considérer qu’il n’est pas inférieur. Au-delà de cette limite, la non infériorité est exclue et on conclut que le produit évalué n’est pas « non-inférieur ».
  • Le risque cardiovasculaire élevé dans la population étudiée était défini par la présence, soit d’antécédents cardiovasculaires (c’était le cas d’un peu plus de 40 % des participants), soit de multiples facteurs de risque cardiovasculaire, soit un âge d’au moins 70 ans, soit des complications microvasculaires documentées (un peu moins de 30 % des patients).

Les participants ont été suivis pendant un peu plus de 6 ans. Plus de 80 % dans les 2 groupes prenaient déjà de la metformine. Le critère d’évaluation primaire était un critère combiné d’événements cardiovasculaires majeurs : décès d’origine cardiovasculaire et infarctus du myocarde ou AVC non mortels. Le résultat de cette étude démontre, pour ce critère, la non infériorité de la linagliptine par rapport au glimépiride, mais pas sa supériorité. En conclusion, le risque cardiovasculaire associé à l’usage de la linagliptine, n’est pas différent de celui associé à l’usage du glimépiride, chez des patients diabétiques de type 2 à risque cardiovasculaire élevé. Le risque d’arrêt de traitement pour cause d’effets indésirables était identique dans les deux groupes, par contre, il y a eu significativement plus d’hypoglycémies avec le glimépiride à dose élevée.

  • Le critère primaire (composé des décès d’origine cardiovasculaires, des infarctus du myocarde et des AVC non mortels) est survenu chez 11,8 % des participants sous linagliptine et 12,0 % des participants sous glimépiride (RH = 0,98 avec IC à 95 % de 0,84 à 1,14 ; p<0,001 pour la non infériorité), ce qui établit la non infériorité, pour ce critère, de la linagliptine par rapport au glimépiride. La supériorité pour ce même critère n’est pas établie.
  • La fréquence des effets indésirables sérieux et événements ayant mené à un arrêt de traitement est similaire entre les groupes.
  • L’incidence des hypoglycémies était nettement inférieure avec la linagliptine (HR de 0,23 [0,21 - 0,26] pour les hypoglycémies rapportées par l’investigateur ; HR de 0.15 [0,09-0,29] pour les hypoglycémies sévères). La dose de glimépiride prévue dans le protocole était relativement élevée (titration de 1 à 4 mg dans le cours des 16 premières semaines) et le contrôle glycémique moyen des patients au moment de l’inclusion est déjà relativement serré (HbA1c moyen de 7,2 %). La différence de risque aurait pu être moindre sans ces 2 éléments.

Deux éléments de réflexion à propos de cette étude CAROLINA : 

  • Il n’y a que très peu de données comparatives directes et sur des critères cliniques, entre chacune des options thérapeutiques orales que l’on peut proposer, lorsque la metformine ne suffit plus (sulfamidés hypoglycémiants, gliptines, glitazones ou gliflozines, à choisir selon les caractéristiques du patient et le profil d’effets indésirables des molécules). Un des intérêts majeurs de l’étude CAROLINA est qu’elle propose une comparaison directe, entre 2 molécules orales de seconde intention, et sur un critère clinique pertinent, chez des patients dont plus de 80 % sont déjà sous metformine, situation correspondant à la pratique quotidienne du clinicien.
  • Dans l’étude CARMELINA2 (étude de sécurité cardiovasculaire de la linagliptine, en comparaison au placebo), il a été établi que la linagliptine avait un effet neutre sur le risque cardiovasculaire. C’est également le cas dans 3 autres études avec des gliptines. Le fait que la linagliptine soit non inférieure au glimépiride sur le risque d’événements cardiovasculaires dans l’étude CAROLINA, permet d’évoquer pour certains un effet neutre du glimépiride sur le risque cardiovasculaire3,4,5.

Le CBIP est d’avis que l’étude CAROLINA apporte l’information suivante : chez des patients diabétiques à risque cardiovasculaire élevé, lorsque la metformine seule ne suffit plus, le glimépiride et la linagliptine semblent avoir une sécurité d’emploi comparable sur le plan cardiovasculaire. Ceci renforce les données rassurantes quant à la sécurité cardiovasculaire des sulfamidés hypoglycémiants (voir Folia septembre 2017). Plus généralement, dans la prise en charge du diabète de type 2, lorsque la metformine n’est plus suffisante, pour une certaine proportion de patients, même à risque cardiovasculaire élevé, les sulfamidés hypoglycémiants restent une alternative possiblement bénéfique sur le plan microvasculaire (études UKPDS) et peu coûteuse. Lorsqu'ils sont utilisés chez des patients vulnérables, le risque d’hypoglycémie est néanmoins un inconvénient important.

Sources

Rosenstock J, Kahn SE, Johansen OE, et al. Effect of Linagliptin vs Glimepiride on Major Adverse Cardiovascular Outcomes in Patients With Type 2 Diabetes : The CAROLINA Randomized Clinical Trial. JAMA. 2019;322(12):1155-1166.
Rosenstock J, Perkovic V, Johansen OE, et al. Effect of linagliptin vs placebo on major cardiovascular events in adults with type 2 diabetes and high cardiovascular and renal risk: the CARMELINA randomized clinical trial. JAMA. 2019;321(1):69-79.
3 Wexler DJ. Sulfonylureas and Cardiovascular Safety - The Final Verdict? JAMA 2019;322(12):1147-1149. doi:10.1001/jama.2019.14533
4 Riddle MC. A Verdict for Glimepiride : Effective and Not Guilty of Cardiovascular Harm. Diabetes Care 2019;42:2161–2163. https://doi.org/10.2337/dci19-0034
5 Brett AS. Sulfonylureas for Patients with Type 2 Diabetes: Still an Option. NEJM Journal Watch 2020, Jan 16. https://www.jwatch.org/na50710/2020/01/16/sulfonylureas-patients-with-type-2-diabetes-still-option