Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) : indices d’effets indésirables rares mais potentiellement graves

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont largement utilisés, et souvent à (très) long terme. Ils sont en général bien tolérés, mais déjà en 2016, nous avons mentionné dans les Folia des publications qui suggéraient un risque d’effets indésirables graves, en particulier lié à leur usage prolongé.
A l’occasion de la publication de deux études évaluant notamment la mortalité sous IPP, nous faisons le bilan des publications parues depuis 2016 sur la sécurité des IPP.
- Des publications ont à nouveau trouvé un lien entre la prise d’IPP et les pathologies suivantes : néphropathies, infections gastro-intestinales, fractures chez l’adulte.
- De nouveaux effets indésirables sont  évoqués dans des publications récentes : décès, événements cardiovasculaires, cancers gastriques, diabète, fractures et asthme chez l’enfant, colonisation intestinale par des germes multi-résistants, risque de COVID-19 sévère. 
- Les données concernant le risque de démence et de pneumonie restent contradictoires.  
Les données proviennent majoritairement d’études observationnelles, qui ne permettent pas de tirer de conclusions fermes ni de liens de causalité, et qui sont parfois contradictoires. Les résultats de ces études doivent en tout cas inciter à la prudence, certainement lors de l’utilisation prolongée d’IPP, en respectant l’indication et la durée de traitement déterminée dès le départ, et en évaluant régulièrement la pertinence du traitement. Lors de l’arrêt, un schéma dégressif est recommandé, en raison d’un risque élevé de rebond de dyspepsie en cas d’arrêt brutal. Ceci doit aussi être discuté au préalable avec le patient. Notons que le retrait du marché des anti-H2 ne facilite pas l’arrêt des IPP.

Les IPP font partie des médicaments les plus prescrits dans le monde, et très souvent à long terme. Selon des données de l’INAMI, plus d’un belge sur 6 a reçu des IPP en 2020 (voir Folia mars 2022). Ce chiffre risque encore d’augmenter suite au retrait du marché des anti-H2 en 2020.

  • Les IPP sont en général bien tolérés, avec des effets indésirables mineurs (p.ex. troubles gastro-intestinaux, céphalées, rash). Les polypes bénins des glandes fundiques sont aussi repris dans les RCP comme effet indésirable fréquent.

  • D’autres effets indésirables plus rares mais potentiellement graves sont mentionnés dans les RCP, notamment des affections cutanées sévères et des néphrites interstitielles.

  • On observe également souvent un rebond du reflux suite à l’arrêt du traitement, ce qui peut mener à une reprise injustifiée du traitement.

  • En novembre 2016, nous avons publié un aperçu d’études observationnelles qui suggéraient un risque d’effets indésirables supplémentaires peu fréquents mais aussi potentiellement graves, dont certains d’apparition tardive, lors de la prise à long terme d’IPP : néphropathies, démence, infections gastro-intestinales, pneumonies, lupus érythémateux disséminé, ostéoporose et fractures, malabsorption de magnésium et vitamine B12 [voir Folia novembre 2016].

  • Même si les effets indésirables graves liés aux IPP sont rares, ils peuvent devenir significatifs au niveau d’une population fortement exposée, de manière prolongée, aux IPP.

  • La publication de deux études évaluant entre autres la mortalité sous IPP, l’une randomisée contrôlée (RCT COMPASS), et l’autre de cohorte prospective menée chez des vétérans américains, est l’occasion de faire le point sur les éventuels effets indésirables sévères des IPP en 2022.

  • Outre ces deux publications, d’autres études ont été publiées depuis 2016, majoritairement observationnelles, avec des résultats parfois contradictoires. Comme pour toutes les études observationnelles, l’interprétation des résultats est difficile en raison des biais possibles (p. ex. population majoritairement âgée, comorbidités, polymédication), et un lien de cause à effet ne peut être établi. De plus, la taille et la durée des études ne permettent pas toujours de mettre en évidence des effets indésirables peu fréquents et/ou d’apparition tardive.

Description des études principales

Pour le présent article, des études récentes et méta-analyses ont été recherchées avec comme question les effets indésirables sous IPP. Parmi ces études, deux sont importantes : l’étude COMPASS, une RCT, et une étude chez des vétérans américains, une large étude de cohorte prospective.  Ces études sont intéressantes parce qu’elles sont moins sujettes aux biais habituels des études de sécurité, qui sont la plupart du temps observationnelles et rétrospectives.

  • L’étude COMPASS est une RCT qui a entre autres évalué la sécurité des IPP chez des patients à haut risque cardiovasculaire prenant un traitement antithrombotique. Bien qu’il soit intéressant d’avoir une étude randomisée contrôlée sur la sécurité, il faut noter qu’il s’agit ici d’une population hautement sélectionnée et que la durée de suivi n’est que de 3 ans. Les résultats détaillés plus loin sont donc à prendre avec prudence.

    • L’étude COMPASS est une RCT à trois bras de traitement qui a évalué l’efficacité et la sécurité du rivaroxaban, de l’acide acétylsalicylique, ou des 2 traitements combinés, chez 27 400 patients à haut risque cardiovasculaire (présentant une maladie coronarienne (principalement) ou une artériopathie périphérique symptomatique stables à haut risque de récidive [voir plus de détails dans le Folia de mai 2020]). La population était essentiellement masculine (80%), âge moyen 68 ans, 25% de fumeurs.
    • Parmi ces patients, ceux qui ne prenaient pas encore d’IPP (17 600) ont été randomisés pour recevoir soit du pantoprazole 40 mg 1 fois par jour (pour la prévention de saignements gastro-intestinaux), soit un placebo, et ont été suivis pendant 3 ans. 20% des patients de chaque bras ont interrompu le traitement, avec un temps médian d’arrêt de 1 an.
    • Les critères d’évaluation portaient sur les événements cardiovasculaires (infarctus, AVC, décès, maladie coronarienne, ischémie aiguë d’un membre), ainsi que sur d’autres événements antérieurement associés à l’utilisation d’IPP : pneumonies, infections gastro-intestinales (aussi à Clostridioides difficile), fractures, atrophie gastrique, insuffisance rénale chronique et démence.
    • Bien qu’il s’agisse d’une RCT, certaines limitations peuvent affecter les résultats :
      • La durée de suivi de 3 ans pourrait ne pas avoir été suffisante pour déceler des effets indésirables tardifs ;
      • La population de cette étude est hautement sélectionnée. Les personnes présentant une insuffisance cardiaque ou une insuffisance rénale sévères étaient exclus, ce qui peut affecter les résultats, d’autres études ayant montré une augmentation de la mortalité cardiovasculaire ou rénale sous IPP. D’autres patients étaient également exclus, entre autres ceux souffrant de démence, BPCO sévère ou présentant un risque élevé de saignement.
      • Pour certains critères, le nombre d’événements peut avoir été trop faible pour exclure un risque augmenté1-4.
  • L’étude des vétérans américains est une étude de cohorte prospective qui a évalué la mortalité chez de nouveaux utilisateurs d’IPP ou d’anti-H2.

    • Cette étude a suivi 214 000 vétérans américains pendant 10 ans pour évaluer la mortalité et ses causes chez des patients nouveaux utilisateurs d’IPP (n = 157 000) ou d’anti-H2 (n = 57 000).
    • Les patients inclus étaient principalement des hommes (> 95%), blancs (> 80%), âge moyen 65 ans, dont 40% de fumeurs ou anciens fumeurs. Plus de la moitié a reçu un IPP ou un anti-H2 sans indication étayée. Les patients qui ont ajouté un anti-H2 ou un IPP à leur traitement initial par, respectivement, IPP ou anti-H2, ont été exclus.
    • Le critère primaire était la mortalité toutes causes et la mortalité de causes spécifiques2, 5-7.

Nouveaux signaux d’effets indésirables

Mortalité globale

  • Selon des données observationnelles récentes, la mortalité globale pourrait être augmentée sous IPP par rapport à la prise d’anti-H2. Les causes seraient cardiovasculaires ou rénales. Un tel lien n’a par contre pas été rapporté dans la RCT COMPASS.

    • L’étude COMPASS  n’a pas montré de lien avec des décès chez des patients présentant une maladie coronarienne ou artérielle stable et hautement sélectionnés suivis pendant 3 ans.1
    • L’étude des vétérans américains a montré une association entre la prise d’IPP et le risque de décès par rapport aux anti-H2 (plus disponibles en Belgique), avec 45 décès supplémentaires pour 1 000 patients sous IPP (+17%) sur 10 ans d’observation. Les causes étaient cardiovasculaires ou rénales. Pour les patients ayant reçu des IPP sans indication claire (plus de 50% de la cohorte), il y avait aussi une association avec des décès dus à des cancers digestifs hauts. La présence d’antécédents ou de facteurs de risque pour ces pathologies ne modifiait pas le risque de décès. Une relation proportionnelle entre la durée cumulée d’exposition aux IPP et le risque de mortalité a aussi été trouvée. La durée moyenne de prise d’IPP était de 4 ans, mais un lien avec les décès toutes causes a déjà été trouvé pour 120 jours de prise.5,6,8
    • Une revue systématique de 3 études observationnelles rapportant la mortalité a également trouvé un lien entre la prise d’IPP et les décès toutes causes (OR 1,68; IC à 95%, 1,53 à 1,84). Cette revue systématique est surtout basée sur une étude rétrospective danoise d’une durée d’un an, qui a évalué la mortalité chez 20 000 patients sous acide acétylsalicylique après un infarctus et prenant un IPP ou un anti-H2. Dans cette étude, la mortalité était augmentée sous IPP (RH 2,38 IC à 95%, 2,12 à 2,67), mais pas sous anti-H2.6

Morbi-mortalité cardiovasculaire

  • Des données récentes provenant d’études observationnelles et de RCT ont trouvé une surmortalité cardiovasculaire sous IPP (par rapport aux anti-H2) ou une augmentation des événements cardiovasculaires.

  • L’étude COMPASS n’a pas trouvé de morbi-mortalité cardiovasculaire augmentée.

    • Dans l’étude COMPASS, aussi bien pour le critère primaire (critère composite infarctus, AVC, décès d’origine cardiovasculaire) que pour les critères secondaires (maladie coronarienne, ischémie aiguë au niveau des membres, hospitalisation pour problème cardiovasculaire), il n’y a pas eu de différence entre les groupes pantoprazole et placebo. Les résultats n’ont pas été modifiés lorsque les événements du critère composite ont été évalués séparément. Il faut souligner que, dans cette étude, le risque cardiovasculaire de base des patients était très élevé, y compris dans le groupe témoin, et qu’ils n’ont été suivis que 3 ans. Pour ces raisons, un éventuel sur-risque peut ne pas avoir été détecté.1
    • L’étude de cohorte des vétérans américains suggère une augmentation des décès de cause cardiovasculaire pour les utilisateurs d’IPP par rapport aux utilisateurs d’anti-H2 (15 décès supplémentaires attribuables pour 1000 patients en 10 ans d’observation). Pour les patients recevant un IPP sans indication claire, cette surmortalité a été estimée à 23 pour 1 000 patients. Cette étude n’a évalué que la mortalité, les événements cardiovasculaires non fatals n’ont pas été rapportés
    • Une méta-analyse de RCT sur 7540 patients présentant un reflux gastro-oesophagien a évalué le risque d’événement cardiovasculaire en cas de prise d’IPP. Elle a trouvé une augmentation des événements cardiovasculaires (+70%), avec en particulier un risque estimé doublé en cas de traitement à long terme (plus de 8 semaines).9

Cancers gastriques

  • Des résultats de plusieurs études observationnelles semblent indiquer un lien entre la prise d’IPP et la survenue de cancers gastriques (y compris des décès) par rapport aux anti-H2. L’étude COMPASS n’a pas trouvé de lien entre l’utilisation d’IPP et les cancers en général.1

    • L’étude des vétérans américains a trouvé une association entre les décès pour cause de cancers digestifs hauts et la prise d’IPP (par rapport aux anti-H2) chez les patients qui en recevaient sans indication étayée, avec 3 décès supplémentaires pour 1 000 patients en 10 ans d’observation.5
    • Une autre large étude prospective réalisée au Royaume Uni chez 1 160 000 patients nouveaux utilisateurs d’IPP versus anti-H2 a trouvé une augmentation du risque de cancer gastrique d’environ 45% pour une durée de médiane de traitement de 139 jours pour les IPP versus 55 jours pour les anti-H2, avec des number needed to harm (NNN) de 2 100 pour un suivi de 5 ans et de 1 200 pour un suivi de 10 ans.10
    • Une méta-analyse d’études observationnelles a également trouvé un lien entre la prise d’IPP et les cancers gastriques, avec un risque estimé doublé au-delà d’un an de traitement. Des analyses de sous-groupe ont montré des résultats significatifs pour les participants d’origine asiatique (ayant plus fréquemment des cancers gastriques) ou sans infection par H. pylori. Par contre, les résultats n’étaient pas significatifs pour les populations caucasiennes, et les patients porteurs d’H. pylori.6,11

Diabète

  • Plusieurs études de cohorte prospectives récentes attirent l’attention sur un lien possible entre la prise d’IPP et le risque de développer un diabète de type 2, avec divers mécanismes plausibles avancés. Ce lien n’a pas été retrouvé dans la RCT COMPASS.

    • L’étude COMPASS n’a pas trouvé d’augmentation des cas de diabète dans une population déjà relativement âgée, avec un suivi de seulement 3 ans.1
    • Une publication a regroupé les données concernant le diabète provenant de trois études de cohorte prospectives sur la santé de professionnels de santé américains suivis pendant 9 à 12 ans. Pour les 200 000 personnes incluses, le risque de diabète était augmenté de 24% en cas de prise régulière d’IPP. Ce risque augmentait avec la durée de traitement et régressait à l’arrêt. Cette augmentation de risque a été observée chez les personnes avec une tension artérielle et un BMI bas.12
    • Une étude de cohorte prospective sur 9500 patients sans diabète a montré une augmentation du risque de diabète en cas de prise actuelle d’IPP (RH 1,69, IC à 95% 1,36-2,10), en relation avec la dose et la durée. Ce risque existait aussi pour une utilisation passée, bien que plus faible. Dans cette étude, la prise d’anti-H2 n’a pas été associée à la survenue de diabète.13
    • Divers mécanismes sont évoqués pour expliquer ce lien possible entre prise d’IPP et diabète : modifications du microbiote, phénomènes inflammatoires, modification du métabolisme glucidique.12,13

Asthme chez l’enfant

  • Une étude observationnelle suggère une augmentation du risque d’asthme chez l’enfant, en particulier chez le nourrisson et le jeune enfant.

    • Une étude observationnelle sur base de données nationales suédoises chez 81 000 enfants, groupés par paires, de 0 à 17 ans (âge moyen 12,9 ans, durée médiane de suivi 3 ans) suggère une augmentation du risque d’asthme chez les enfants débutant un IPP par rapport à des non utilisateurs, avec 8 cas supplémentaires pour 1 000 personnes-années (rapport de hasards + 57%). Cette augmentation était observée à travers tous les groupes d’âge et était la plus élevée chez les nourrissons et les jeunes enfants. Elle n’était pas liée à la durée de traitement (de moins d’un mois à plus d’un an). Une étude antérieure avait aussi trouvé une augmentation du risque d’asthme chez des nourrissons ayant pris des IPP avant l’âge de 6 mois.14,15

Fractures chez l’enfant

  • Des données observationnelles attirent l’attention sur un risque de fracture chez  l’enfant de plus de 6 ans, en lien avec la durée de traitement.

    • Une étude de cohorte sur base de données nationales suédoises chez 230 000 enfants de moins de 18 ans, sans facteurs de risque de fractures, suivis en moyenne pendant 2 ans, a évalué le risque fracturaire sous IPP versus anti-H2. Les résultats ont montré une légère augmentation du risque fracturaire chez les enfants de plus de 6 ans : 20 versus 18 pour 1 000 patients-année. Ce risque concernait les fractures au niveau des membres mais pas au niveau du crâne ni de la colonne vertébrale. Il apparaissait déjà dans les 30 premiers jours de traitement et était lié à la durée de traitement.15-17

Infections

Bactéries digestives multi-résistantes

  • Une revue systématique d’études observationnelles a trouvé que la prise d’IPP était associée à un plus grand risque de colonisation par des bactéries digestives multi-résistantes (entérobactéries multi-résistantes et entérocoques vancomycine-résistants). Ce risque relatif augmenterait de 80%. Parmi les 17 études, 2 ont trouvé une association entre la durée du traitement et le risque de colonisation.18-22

COVID-19

  • Certaines méta-analyses d’études observationnelles ont trouvé une association entre la prise d’IPP et le risque de présenter une forme plus sévère de COVID ou de le contracter, mais les résultats sont contradictoires. Des données suggèrent que la prise récente (dans les 30 jours) augmente ce risque mais pas une prise plus ancienne.23-28

Confirmation de signaux

Néphropathies

  • Des données d’études observationnelles semblent indiquer un risque de néphropathie et une augmentation des décès dus à une insuffisance rénale chronique. Le risque de néphropathie avait déjà été mis en évidence dans des publications précédentes. La RCT COMPASS n’a par contre pas trouvé de lien.

    • L’étude COMPASS n’a pas trouvé d’augmentation des insuffisances rénales chroniques. Les patients avec insuffisance rénale sévère ont été exclus d’emblée. Des analyses a posteriori excluant les patients avec une insuffisance rénale modérée n’ont pas modifié les résultats selon les auteurs.1
    • L’étude des vétérans américains rapporte une augmentation des décès dus à une insuffisance rénale chronique chez les utilisateurs d’IPP, avec 4 décès supplémentaires pour 1000 patients sous IPP.5
    • Deux méta-analyses d’études observationnelles ont trouvé une association entre la prise d’IPP et le risque de néphropathies : néphrites interstitielles, insuffisance rénale aiguë (+60%) et chronique (+30%), insuffisance rénale terminale.6,29,30

Infections digestives

  • Diverses publications ont précédemment associé la prise d’IPP à un risque d’infections digestives, en particulier à Clostridioides difficile. La RCT COMPASS a également trouvé un lien avec des infections digestives, mais le résultat n’était pas statistiquement significatif pour Clostridioides difficile. La suppression de l’acidité gastrique qui est une barrière naturelle contre les infections est un mécanisme plausible avancé.

    • L’étude COMPASS a trouvé un lien entre la prise d’IPP et le risque d’infection gastro-intestinale (RC = 1,33 ; IC à 95% 1,01 à 1,75 ; NNN 301). Par contre, bien que le nombre d’infections à Clostridioides difficile ait été doublé avec le pantoprazole versus placebo, ce résultat n’était pas statistiquement significatif.  Les auteurs précisent que le faible nombre total d’événements (13) a pu empêcher l’obtention d’un résultat statistiquement significatif. Des publications antérieures avaient relevé un lien entre la prise d’IPP et la survenue d’infections à Clostridioides difficile.1,31

Fractures

  • Des données observationnelles attirent de nouveau l’attention sur un risque de fracture chez l’adulte. Il n’a par contre pas été mis en évidence dans la RCT COMPASS.

    • L’étude COMPASS n’a pas trouvé d’augmentation des fractures après 3 ans. Pour rappel, la population de cette étude est hautement sélectionnée, avec une majorité d’hommes, ce qui peut entraîner une sous-estimation du risque pour les femmes, plus à risque de fractures.1
    • Une revue systématique d’études observationnelles (24 études, 2,1 millions de patients) dont les participants avaient pris un IPP pendant au moins 1 mois et suivis pendant 3 ans, a trouvé une augmentation du risque de fracture de hanche (+20%). Le risque était en lien avec la dose mais pas avec la durée de prise.32

Données controversées

Concernant les démences et le risque d’infections respiratoires, les signaux mentionnés en 2016 n’ont pas été confirmés, et il n’est pas possible à l’heure actuelle d’affirmer une augmentation du risque pour ces pathologies.

Démence

  • Précédemment, une étude prospective avait montré un lien entre la prise d’IPP et le risque de démence, par rapport aux non-utilisateurs. Cet effet indésirable n’a plus été mis en évidence dans une revue systématique d’études observationnelles ni dans la RCT COMPASS.

    • L’étude COMPASS n’a pas trouvé d’association entre la prise d’IPP et la survenue de démences. Les patients présentant déjà une démence étaient exclus de l’étude.1
    • Une revue systématique d’études observationnelles sur 640 000 personnes, principalement des femmes (64%) de plus de > 65 ans, avec un suivi de 5 à 10 ans, n’a pas montré d’association entre la prise d’IPP et l’apparition de démences, y compris de démence d’Alzheimer. Cette revue systématique a inclus l’étude discutée dans le Folia de novembre 2016 faisant état d’un risque augmenté de démence lié à la prise d’IPP.33,34

Infections respiratoires

  • La RCT COMPASS n’a pas montré d’augmentation du risque de pneumonie. Des publications antérieures avaient trouvé des résultats contradictoires, certaines montrant une augmentation du risque, d’autres pas.

Lupus érythémateux cutané subaigu

  • Le Folia de 2016 évoquait un lien entre les IPP et la survenue de rares cas de lupus érythémateux cutané subaigu. Des publications de 2017 placent les IPP parmi les médicaments les plus à risque de provoquer un lupus érythémateux. Cette estimation est basée sur le nombre de rapports de cas dans la littérature, et ne permet pas d’avoir une idée chiffrée du risque éventuel.35

Commentaire du CBIP

  • Concernant le risque d’effets indésirables graves sous IPP, la RCT COMPASS montre des résultats rassurants, mais la population est hautement sélectionnée, et l’étude ne dure que 3 ans. Ces données doivent être interprétées avec prudence, surtout concernant les risques à long terme. 

  • De même, une synthèse de revues systématiques récente, inlcuant des RCT et des études de cohorte sur la sécurité des IPP, confirme que les RCT ne montrent en général pas de lien avec des effets indésirables, et que ceci est inhérent à la nature des RCT (notamment leur durée et une population limitée). Cette revue systématique confirme que, si on se limite aux preuves de haute qualité (surtout RCT), il faut accorder une attention particulière à l’association entre la prise d’IPP et la survenue de fractures, insuffisance rénale chronique ou infection à Clostridioides difficile.36

  • Concernant la sécurité des médicaments à long terme, nous sommes dépendants de signaux potentiellement biaisés provenant des études observationnelles. C’est également le cas pour les IPP, mais la répétition de certains résultats est un indice qu’il faut être attentif à la survenue d’effets indésirables, y compris graves, avec les IPP, surtout en cas de prise prolongée. Vu le nombre très élevé de patients prenant un IPP, un risque, même faible, peut poser un problème significatif au niveau de la population.  

  • Pour l’instant, les caractéristiques des éventuelles personnes à risque de développer des effets indésirables sous IPP ne sont pas connues.

  • En attendant des données plus solides, il convient d’être attentif lors de l’instauration du traitement : indication étayée, durée de traitement prédéfinie et évaluation régulière.

  • Dans plusieurs études, les anti-H2 ont semblé montrer une plus grande sécurité d’utilisation que les IPP. Ils provoquent aussi moins d’effet rebond. Il est regrettable qu’en Belgique aucun anti-H2 ne soit plus disponible, contrairement à la plupart des pays avoisinants.

  • Rappelons aussi que, lorsqu’on souhaite arrêter un traitement par IPP, le patient doit être informé de la possibilité d’un effet rebond à l’arrêt du traitement. Différentes stratégies peuvent aider le patient à arrêter en cas de difficultés : schéma dégressif (diminution de dose ou augmentation de l’intervalle entre les prises), prise d’un antiacide « de secours » ponctuellement en cas de plaintes [voir aussi Auditorium « Utilisation prolongée d’IPP »].


Sources

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