Suite à l’ajout du risque d’hémorragie de délivrance dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) des spécialités à base de duloxétine au Canada, La Revue Prescrire1 a récemment attiré l’attention sur ce risque. Ce risque hémorragique avec la duloxétine, également constaté dans une étude de cohorte publiée dans BMJ Open2, n’est pas spécifique à cet antidépresseur mais est décrit pour tous les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS: (es)citalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline) et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN: duloxétine, venlafaxine) lorsqu’ils sont utilisés en fin de grossesse. Une étude de 2014 a estimé le risque d’hémorragie de la délivrance lié à la prise d’un ISRS ou d’un ISRN en fin de grossesse, à 1 hémorragie pour 80 femmes exposées.
 
Le risque de thrombocytopénie et d’hémorragie, surtout au niveau de la peau et des muqueuses (e.a. au niveau gastro-intestinal) est bien connu avec les ISRS et ISRN. Cet effet s’explique par l’inhibition de la recapture de sérotonine au niveau des plaquettes, ce qui entraîne une libération moindre de sérotonine, nécessaire à l’agrégation plaquettaire [voir Folia avril 2005]. Le risque d’hémorragie au moment de l’accouchement n’est donc pas un effet indésirable inattendu.
 
Ce risque hémorragique vient s’ajouter aux risques pour le nouveau-né en cas d’utilisation d’ISRS et ISRN en fin de grossesse, notamment problèmes respiratoires, difficultés à téter, convulsions, pleurs persistants, rigidité musculaire, et pour la paroxétine, effets anticholinergiques [voir aussi Répertoire, chapitre 10.3.].

Le CBIP est d’avis qu’il convient d’éviter autant que possible l’utilisation d’antidépresseurs pendant toute la durée de la grossesse. Cependant, le fait de ne pas traiter des symptômes dépressifs sévères pendant la grossesse peut avoir des effets néfastes chez la mère et chez l’enfant. La prise en charge de la dépression chez une femme enceinte doit donc se faire en concertation avec la patiente et en tenant compte de la sévérité des symptômes et des options thérapeutiques non médicamenteuses. Bien qu’on ne dispose pas de données, un tel risque de saignement ne peut être exclu pour la vortioxétine, un antidépresseur introduit récemment ayant aussi des propriétés sérotoninergiques [voir Répertoire, chapitre 10.3.5.].

Sources spécifiques

1 Duloxétine: hémorragies de la délivrance. La Revue Prescrire 2020; 40: 111
2 Huybrechts KF, Bateman BT, Pawar A et al. Maternal and fetal outcomes following exposure to duloxetine in pregnancy: cohort study BMJ 2020;368:m237 (open access) (https://dx.doi.org/10.1136/bmj.m237)