Les médias ont récemment fait état de la forte hausse des ventes de somnifères au cours de l’année dernière. La crise du coronavirus serait responsable de cette augmentation. Les résultats des enquêtes de santé menées par Sciensano en 2020 ont effectivement révélé une consommation accrue de somnifères, en particulier chez les jeunes adultes1 [voir aussi les Folia de juillet 2020].
Selon le guide de pratique clinique d’EBPracticeNet « Prise en charge des problèmes de sommeil et de l’insomnie chez l’adulte en première ligne » [voir Folia de juin 2019], les somnifères doivent être réservés aux patients souffrant d’une insomnie sévère de courte durée (aiguë) ou d’un accès aigu au cours d’une insomnie chronique, associée à une souffrance importante. On privilégiera dans ce cas-là une benzodiazépine ou une Z-drug, à la dose la plus faible possible et sur une période aussi courte que possible, afin de reduire le risque d’effets indésirables et de dépendance [voir chapitre 10.1 du Répertoire].

Ces recommandations ne sont pas toujours suivies dans la pratique. C’est ce que révèle une enquête en ligne réalisée par l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS), dont les résultats viennent d’être publiés. L’enquête s’adressait aux utilisateurs de benzodiazépines ou de Z-drugs dans le cadre des troubles du sommeil. L’analyse est basée sur 466 réponses complètes.

Au total, 808 patients ont répondu à l’enquête. L’âge moyen des patients inclus dans l’analyse est de 55 ans, et 63 % sont de sexe féminin. Vous trouverez plus de détails sur les résultats de cette enquête sur le site Web de l’AFMPS. Comme il ne s’agit pas d’un échantillon représentatif, les résultats ne peuvent pas être généralisés à l’ensemble de la population.

Il ressort de l’enquête que neuf patients sur dix utilisaient depuis un mois ou plus une benzodiazépine ou une Z-drug en raison de troubles du sommeil. Parmi les patients âgés de 65 ans et plus, 84 % utilisaient un somnifère depuis plus d’un an, contre 72 % dans les groupes d’âge plus jeunes. Un patient sur trois montre des signes de dépendance psychologique et deux patients sur trois avaient déjà essayé d’arrêter le traitement. Près de la moitié des patients trouveraient très difficile voire impossible de l’arrêter. On remarque que près de la moitié des patients prennent du zolpidem. Rien ne prouve que les Z-drugs provoquent moins d’effets indésirables ou moins de dépendance que les benzodiazépines. Les Z-drugs ont en outre été associées à des comportements anormaux pendant le sommeil (tels que somnambulisme), bien que rares [voir Folia de décembre 2019].

Les données de cette enquête et des enquêtes de santé de Sciensano, nous rappellent à quel point il est important que les pouvoirs publics et les établissements de formation continue poursuivent leur travail de sensibilisation et de formation en faveur d’un usage raisonné des somnifères, et continuent à promouvoir les alternatives non médicamenteuses. Le guide de pratique clinique d’EBPracticeNet « Prise en charge des problèmes de sommeil et de l’insomnie chez l’adulte en première ligne »2 et le matériel disponible sur le site Web du SPF Santé publique, tel que le manuel d’aide et la formation en ligne, peuvent être utilisés à cette fin.

Sources

Cinquième enquête de santé COVID-19. Bruxelles, Belgique ; Numéro de dépôt : D/2020/14.440/96 Disponible en ligne : https://doi.org/10.25608/jmgf-2028.
Cloetens H, Declercq T, Habraken H, et al. Prise en charge des problèmes de sommeil et de l’insomnie chez l’adulte en première ligne. EBPracticeNet Groupe de travail Développement de recommandations de première ligne 2018. Via https://www.ebp-guidelines.be/home.