Traitement de la polyarthrite rhumatoïde: état de la question


Abstract

Le traitement de la polyarthrite rhumatoïde fait appel à des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des corticostéroïdes et des inducteurs de rémission. Un changement important récent dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde consiste à instaurer plus rapidement qu’auparavant un traitement de fond par un ou plusieurs inducteurs de rémission. Bien qu’il n’existe pas de consensus sur la prise en charge optimale, le méthotrexate reste ici le traitement de référence. En principe, on n’aura recours aux inhibi-teurs du TNF (Tumor Necrosis Factor), tels l’étanercept, l’infliximab et l’adalimumab, que dans le cas d’une polyarthrite rhumatoïde rebelle aux autres antirhumatismaux, tout en étant conscient dans ce cas du risque accru d’effets indésirables avec ces immunosuppresseurs puissants.

La polyarthrite rhumatoïde est une affection auto-immune chronique qui se caractérise par l’inflammation et la déformation de plusieurs articulations, évoluant parfois rapidement et de façon irréversible avec, en outre, un risque de complications extra-articulaires liées ou non au traitement (troubles cardio-vasculaires, ostéoporose, risque accru d’infections).

Au cours des dernières années, une meilleure compréhension de la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde a permis le développement de nouveaux antirhumatismaux tels les inhibiteurs du TNF (Tumor Necrosis Factor), et est à l’origine de certains changements dans la prise en charge de la maladie. Bien qu’il n’existe pas encore de consensus sur la prise en charge optimale, certaines recommandations peuvent toutefois être émises.


Traitement symptomatique


Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Les AINS permettent de soulager – au moins partiellement – la douleur et la raideur articulaires. Ils n’ont cependant aucun effet sur l’évolution de la maladie. Les AINS COX-2 sélectifs ne sont pas plus efficaces que les autres AINS, leur coût est plus élevé, et ils ne sont pas non plus dénués d’effets indésirables. En ce qui concerne les effets indésirables des AINS, nous renvoyons au Répertoire Commenté des Médicaments ainsi qu’aux Folia de juillet 2001 , septembre 2002 et septembre 2004 . En ce qui concerne le retrait mondial des spécialités à base de rofécoxib en raison d’accidents cardio-vasculaires graves, et les communiqués sur les effets indésirables cardio-vasculaires d’autres AINS, voir Folia novembre 2004 , décembre 2004 et février 2005 .


Corticostéroïdes

Les corticostéroïdes exercent un effet anti-inflammatoire prononcé. Certaines études sur la polyarthrite rhumatoïde indiquent également un ralentissement de la progression de la maladie. Ces médicaments sont cependant associés à un risque d’effets indésirables dépendants de la dose. Leur utilisation dans la polyarthrite rhumatoïde fait l’objet de controverses. De faibles doses de corticostéroïdes (5 à 7,5 mg p.j. de prednisolone ou l’équivalent) sont cependant assez souvent utilisées par voie orale en association à un inducteur de rémission. Ils sont aussi utilisés par voie intra-articulaire notamment en cas de synovite réfractaire au niveau d’une articulation.


Traitement de fond

De plus en plus de médicaments sont enregistrés comme inducteurs de rémission: le méthotrexate, la sulfasalazine, l’hydroxychloroquine, la d-pénicil-lamine [n.d.l.r.: plus disponible en spécialité en Belgique], les sels d’or, et plus récemment le léflunomide et les inhibiteurs du TNF (étanercept, infliximab, adalimumab) [voir aussi Folia de septembre 2001 ]. Il n’existe pas encore de consensus sur les modalités précises du traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde. Dans la littérature, on préconise d’instaurer rapidement un traitement de fond, de préférence dans les 2 à 3 mois suivant le diagnostic, dans le but de retarder ou d’arrêter l’évolution de la maladie. [N.d.l.r.: on peut toutefois se demander si, chez les patients présentant une forme peu évolutive, un inducteur de rémission doit être systématiquement instauré].


Quel est le médicament de premier choix?

  • Le méthotrexate est généralement considéré comme un premier choix parmi les inducteurs de rémission vu son rapport bénéfice/risque acceptable et son faible coût. La dose initiale est généralement de 7,5 à 10 mg en une prise par semaine; celle-ci est parfois augmentée progressivement jusqu’à 15 à 20 mg par semaine. Le méthotrexate, même à doses faibles, expose toutefois à des effets indésirables graves tels des troubles hépatiques, une pneumopathie interstitielle ou une pancytopénie. L’administration d’acide folique (10 mg le lendemain de la prise du méthotrexate) permet de diminuer certains effets indésirables (par ex. au niveau des muqueuses) sans en réduire l’efficacité. L’acide folinique est aussi efficace mais beaucoup plus onéreux. Le méthotrexate est le seul inducteur de rémission pour lequel une diminution de la mortalité a été démontrée [voir Folia de mars 2003 ].
  • La sulfasalazine semble avoir une efficacité comparable à celle du méthotrexate. Ses principaux effets indésirables consistent en des troubles hématologiques et cutanés.
  • L’ hydroxychloroquine paraît moins efficace mais elle est encore parfois utilisée en association avec le méthotrexate et la sulfasalazine. Ses principaux effets indésirables consistent en des lésions rétiniennes.
  • Le léflunomide, un immunosuppresseur développé récemment, semble aussi efficace que le méthotrexate. Il peut être proposé en cas d’efficacité insuffisante du méthotrexate ou d’intolérance à celui-ci. Ses principaux effets indésirables consistent en une hépatotoxicité parfois grave et des infections opportunistes.
  • La d-pénicillamine et les sels d’or ne sont plus recommandés.

Quelle est la place des inhibiteurs du TNF?

Les inhibiteurs du TNF sont des immunosuppresseurs puissants dirigés contre le TNF (Tumor Necrosis factor), une cytokine impliquée dans le processus inflammatoire de la polyarthrite rhumatoïde. L’étanercept, l’infliximab et l’adalimumab sont actuellement les trois représentants de cette nouvelle classe. Les inhibiteurs du TNF entraînent généralement une réponse plus rapide (en quelques semaines) que les autres inducteurs de rémission sur l’évolution clinique, mais leur efficacité à long terme n’est pas encore bien connue. Ils peuvent être à l’origine d’infections graves (p. ex. tuberculose) et leur utilisation à long terme suscite des inquiétudes quant au risque de malignité (p.ex. lymphome) et de maladies auto-immunes.

Etant donné qu’on ne dispose que de très peu de données comparatives avec les autres inducteurs de rémission et que la plupart des études sur les inhibiteurs du TNF ont été réalisées chez des patients à un stade avancé de la maladie, leur utilisation est en principe à réserver dans le cas de polyarthrite rhumatoïde rebelle aux autres inducteurs de rémission. On ne dispose d’aucune étude ayant comparé les inhibiteurs du TNF entre eux.


Monothérapie ou association d’inducteurs de rémission?

  • Au stade précoce de la maladie, certaines études randomisées contrôlées ont montré que l’instauration d’un traitement de fond par une association d’inducteurs de rémission est plus efficace qu’une monothérapie. Cependant, aucune étude n’a comparé l’effet d’un traitement immédiat par plusieurs inducteurs de rémission à celui d’un traitement initial par un seul inducteur de rémission complété éventuellement par d’autres inducteurs de rémission en fonction de l’évolution de la maladie. Par ailleurs, les données actuellement disponibles ne permettent pas de déterminer quelle est l’association d’inducteurs de rémission la plus efficace. Tenant compte de ces incertitudes et des effets indésirables des inducteurs de rémission, beaucoup de rhumatologues préfèrent encore entamer le traitement par un seul inducteur de rémission en association à des AINS et éventuellement à de faibles doses de corticostéroïdes.
  • Dans la polyarthrite rhumatoïde avancée, plusieurs études randomisées contrôlées ont montré que l’association de plusieurs inducteurs de rémission est plus efficace sur l’amélioration des symptômes qu’une monothérapie.

Références principales

  • Anonyme: Les traitements de fond de la polyarthrite rhumatoïde. La Revue Prescrire 2003; 23: 616-17
  • Wiersma TJ, Flikweert S, Van Den Bosch WJHM: Samenvatting van de standaard "Reumatoïde artritis" (eerste herziening) van het Nederlands Huisartsen Genootschap. Ned Tijdschr Geneeskd 2004; 148: 559-64
  • Olsen N, Stein MC: New drugs for rheumatoid arthritis N Engl J Med 2004; 350: 2167-79
  • O’Dell J: Therapeutic strategies for rheumatoid arthritis N Engl J Med 2004; 350: 2591-2602
  • Schnabel A: Disease-modifying antirheumatic drugs: enhancing efficacy by combination. The Lancet 2004; 363: 670-71

Noms de spécialités

Le tableau ci-dessous reprend pour les différents inducteurs de rémission discutés une estimation du prix pour un mois de traitement pour la posologie mentionnée en regard. Il va de soi que cette posologie n’est mentionnée qu’à titre indicatif. Les conditions de remboursement par l’INAMI des médicaments soumis au chapitre IV (accord du médecin conseil) sont reprises à la suite du tableau.

Principes actifs Noms de spécialités Posologie pour laquelle l’estimation de prix est donnée Estimation du prix pour un mois de traitement

Méthotrexaat

Ledertrexate®

10 mg/sem.

euro 2,50 (a)

Sulfasalazine

Salazopyrine®

2 g p.j.

euro 15,50 (b)

Hydroxychloroquine

Plaquenil®

200 mg p.j.

euro 4,50 (b)

Auranofine

Ridaura®

6 mg p.j.

euro 49,00 (b)

Léflunomide1

Arava®

10 mg p.j.

euro 54,00 (b!)

Infliximab2

Remicade®

100 mg 2 x/mois

euro 1.190 U.H.

Etanercept3

Enbrel®

25 mg 2 x/sem.

euro 1.190 (b!)

Adalimumab4

Humira®

40 mg 1 x/2 sem.

euro 1.180 (b!)


Conditions de remboursement

(consultées pour la dernière fois le 16 février 2005; pour plus de détails, voir www.inami.be , sélectionner "Médicaments et autres...", "Médicaments", "Spécialités pharmaceutiques", "Banque de données avec fonction de recherche").

  • 1Léflunomide: dans la polyarthrite rhumatoïde en cas de réponse insuffisante à la sulfasalazine ou au méthotrexate, en présence d’au moins 6 articulations douloureuses dont 4 articulations gonflées.
  • 2Infliximab: dans la polyarthrite rhumatoïde, en association au méthotrexate, en cas de réponse insuf-fisante à au moins deux inducteurs de rémission parmi lesquels le méthotrexate, en présence d’au moins 8 articulations atteintes, et en l’absence de tuberculose évolutive.
  • 3Etanercept: dans la polyarthrite rhumatoïde, en cas de réponse insuffisante à au moins deux inducteurs de rémission parmi lesquels le méthotrexate, en présence d’au moins huit articulations atteintes, et en l’absence de tuberculose évolutive.
  • 4Adalimumab: dans la polyarthrite rhumatoïde, en cas de réponse insuffisante à au moins deux inducteurs de rémission parmi lesquels le méthotrexate, en présence d’au moins huit articulations atteintes, et en l’absence de tuberculose évolutive.