Messages clés

  • Les nausées sont fréquentes durant le premier trimestre de la grossesse mais se résolvent généralement spontanément durant le deuxième trimestre.

  • La prise en charge débute toujours par des mesures diététiques. D’autres mesures non-pharmacologiques (p.ex. le gingembre) peuvent être proposées.

  • Lorsque ces mesures ne sont pas efficaces, un traitement médicamenteux peut être envisagé, en commençant par la doxylamine (en association avec la vitamine B6) ou la méclozine. Parmi les alternatives, avec un risque légèrement plus élevé d’effets indésirables, figurent notamment le métoclopramide et la dompéridone (voir Tableau récapitulatif ci-dessous).

Introduction

Les nausées et vomissements sont fréquents pendant la grossesse, principalement au début de celle-ci. Ils surviennent chez 50 à 80% des femmes enceintes. Généralement, ces symptômes débutent entre la 4ème et la 8ème semaine après les dernières menstruations et disparaissent au cours du deuxième trimestre.1,2 La prudence s’impose donc particulièrement ici, ces symptômes survenant à un moment critique de l’organogenèse.
 
L’hyperémèse gravidique, la forme la plus sévère, survient, quant à elle, dans 0,3 à 3% des grossesses.1, 2  Elle n’est pas abordée dans cet article.

Prise en charge non médicamenteuse

Mesures diététiques

Les mesures diététiques, telles qu’une modification des habitudes alimentaires, sont proposées en première intention :

  • Manger en petites quantités, plus fréquemment ;

  • Eviter les aliments gras, épicés ou à forte odeur ;

  • Privilégier les aliments riches en protéines ou en sucre ;

  • Préférer les aliments ou boissons (en petites quantités en dehors des repas) froids ;

  • Eviter de s’allonger juste après un repas, en particulier sur le côté gauche.1, 2, 3, 7

Gingembre – Utilisation possible

Le gingembre est considéré comme sûr pendant toute la grossesse et peut réduire modestement les nausées, bien que les preuves scientifiques restent limitées et non concluantes, notamment concernant son effet sur les vomissements. Il peut être utilisé sous forme fraîche, en infusion ou en gélules.1,4,7
En termes de sécurité, il existe peu de données concernant l’utilisation du gingembre pendant la grossesse mais il bénéficie d’un long recul d’utilisation. A ce jour, aucun effet indésirable n’a été mis en évidence pour le fœtus ou la grossesse. Le gingembre peut donc être utilisé durant la grossesse.4,6

Traitement médicamenteux

Antihistaminiques H1

Doxylamine – Utilisation possible

En Belgique, la doxylamine n’est disponible que sous forme d’association avec la pyridoxine (vitamine B6) (voir 12.4.1.2.3. Doxylamine + pyridoxine). Selon le RCP, cette association est indiquée dans le traitement symptomatique des nausées et vomissements de la grossesse qui ne répondent pas aux mesures non-médicamenteuses. Il n’est cependant pas établi que cette association soit plus efficace que la doxylamine seule. Les données concernant son efficacité restent limitées. De plus, les spécialités à base de cette association ne sont pas remboursées, et leur coût est important.
La doxylamine a fait l’objet de nombreuses études durant la grossesse. Aucune augmentation du risque malformatif ou des effets indésirables n’a été observée chez le nouveau-né. Il n’existe aucune preuve que l’utilisation à court terme de 40 à 50 mg de pyridoxine par jour en cas de nausées pendant la grossesse puisse provoquer une neuropathie.5,9
A ce jour, les données publiées chez les femmes enceintes exposées à la doxylamine au 2ème et/ou 3ème trimestre de grossesse sont peu nombreuses, mais aucun effet néonatal anticholinergique ou sédatif n’a été rapporté lors d’expositions à la doxylamine en fin de grossesse.5
En cas d’échec des mesures non-médicamenteuses, la doxylamine peut donc être utilisée. Elle est considérée comme un premier choix selon plusieurs de nos sources.1,2,7

Méclozine – Utilisation possible

La méclozine peut être utilisée, off-label, pour le traitement des nausées et vomissements pendant la grossesse (12.4.1.2 Antihistaminiques sédatifs).4
Les données publiées chez la femme enceinte sont très nombreuses et aucun effet néfaste chez le nouveau-né n’a été mis en évidence. Elle peut donc être utilisée quel que soit le terme de la grossesse, en tenant compte de ses fréquents effets indésirables sédatifs et anticholinergiques.5, 9

Gastroprocinétiques

Métoclopramide – Utilisation possible (courte durée)

Le métoclopramide peut être utilisée, off-label, pour le traitement des nausées et vomissements pendant la grossesse.
Les données concernant son utilisation pendant le premier trimestre de la grossesse sont nombreuses et n’ont pas mis en évidence de risque accru de malformations congénitales ou d’anomalies spécifiques.5,10
Utilisé en fin de grossesse, le métoclopramide expose à un risque de troubles extrapyramidaux, des troubles de la régulation thermique et des troubles cardiaques chez le nouveau-né.7
Par précaution, il est recommandé d’éviter une utilisation prolongée en fin de grossesse ou de surveiller l’apparition de ces effets indésirables chez le nouveau-né (RCP).
Une utilisation prolongée expose également la mère à des troubles neurologiques.10 Il doit donc être utilisé pendant la période la plus courte possible (voir 3.4.1. gastroprocinétiques).

Dompéridone – Utilisation possible (courte durée)

L’utilisation de la dompéridone, off-label, est possible quel que soit le terme de la grossesse, mais pas en première intention.1 Il existe de nombreuses données et celles-ci ne montrent pas de risque de malformations congénitales. Cependant, la dompéridone expose la mère à un allongement de l’intervalle QT, surtout à des doses élevées. Ce risque est d’autant plus important en cas de troubles électrolytiques (voir 6.2.2. Allongement de l’intervalle QT et torsades de pointes). Les données sur les effets à long terme et sur le risque d’allongement QT chez le fœtus ne sont pas connues.1,5,10
Dès lors, son utilisation doit se limiter à la période la plus courte possible, soit une semaine selon le RCP.

Alizapride – Peu ou pas de données

Il n’existe pas ou peu de données concernant l’utilisation d’alizapride pendant la grossesse (voir 3.4. Antiémétiques).5,10 Par mesure de prudence, il est préférable d’éviter l’utilisation d’alizapride pendant la grossesse (RCP).

Antagonistes 5HT3

Ondansétron- Utilisation envisageable en cas d’hyperemesis gravidarum

Les données concernant l’utilisation d’ondansétron durant la grossesse sont nombreuses. Ces données n’ont pas mis en évidence une élévation du taux global de malformations.5 Cependant, une augmentation des fentes labiales/palatines et des malformations cardiaques a été évoquée en cas d’utilisation lors du premier trimestre de la grossesse mais la qualité de ces données est discutable d’un point de vue méthodologique. Il n’est donc pas possible d’établir un lien de causalité entre l’ondansétron et ces malformations congénitales spécifiques

Les auteurs d’une grande étude de base de données américaine estiment que l’augmentation des fentes labiales ou palatines serait de l’ordre de 3 cas additionnels pour 10 000 naissances exposées, soit une prévalence de 0.11%. La prévalence dans la population générale est de 0,08%.4, 8, 11

Dans les formes sévères d’hyperemesis gravidarum, l’ondansétron est parfois utilisé off-label. Par précaution et si cela est possible, nos sources recommandent d’éviter son utilisation durant le premier trimestre de la grossesse.5,11

Autres antagonistes 5HT3 – Peu ou pas de données

Il n’est pas possible de se prononcer sur la sécurité d’emploi de ces préparations pendant la grossesse (pas ou peu d’informations).5,11

Commentaire du CBIP

  • Les nausées et vomissements surviennent pendant l’organogenèse, une période cruciale de la grossesse. Or, il n’est pas évident d’évaluer les données disponibles chez la femme enceinte, étant donné leur nombre souvent limité et la faible qualité des preuves. De plus, les RCP adoptent souvent une position défensive (p.ex. « ne pas utiliser faute de données suffisantes ») qui ne fournit pas une grande aide.
    Le CBIP utilise donc également d’autres sources que le RCP pour évaluer la balance bénéfice-risque des traitements disponibles (voir Introduction 2.6. La rubrique « Grossesse et Allaitement »).

  • Sur base de nos sources, les mesures diététiques ou la prise de gingembre, figurent comme la première étape en cas de nausées et vomissements durant la grossesse.

  • En cas de nausées ou vomissements qui ne sont pas soulagés par ces mesures, un traitement médicamenteux peut être mis en place. La doxylamine (en association avec la pyridoxine) et la méclozine semblent être les options les mieux étayées.
    Le métoclopramide ou la dompéridone sont également une option, mais compte tenu du risque d’effets indésirables, elles ne peuvent être utilisées que pendant une courte période.

  • En cas de nausées ou vomissement sévères qui ne répondent pas aux autres traitements, l’ondansétron peut être envisagé en cas d’hyperemesis gravidarum, si possible après le premier trimestre de la grossesse.

Tableau récapitulatif  

Les différentes options dans la prise en charge des nausées et vomissements pendant la grossesse

Antihistaminiques H1
Doxylamine Utilisation possible
Méclozine Utilisation possible (off-label)
Gastroprocinétiques
Métoclopramide Utilisation possible (courte durée) (off-label)
Dompéridone Utilisation possible (courte durée) (off-label)
Alizapride Peu ou pas de données
Antagonistes 5HT3
Ondansétron Utilisation envisageable en cas d’hyperemesis gravidarum
Autres antagonistes 5HT3 Peu ou pas de données

Noms de spécialités :

  • Alizapride : Litican® (voir Répertoire).

  • Dimenhydrinate : R Calm Dimenhydrinate® (voir Répertoire).

  • Dompéridone : Dompéridon(e), Motilium®, Zilium® (voir Répertoire).

  • Doxylamine + pyridoxine : Bonjesta®, Navalit® (voir Répertoire).

  • Méclozine : Agyrax® (voir Répertoire).

  • Ondansétron : Ondansetron(e), Zofran®, Zofsetron® (voir Répertoire).

Sources

BMJ Best Practice, Nausea and vomiting in pregnancy, consulté le 01/04/25.
DynaMed, Nausea and Vomiting in Pregnancy, consulté le 01/04/25.
3 NHG, Misselijkheid en braken (emesis gravidarum), consulté le 01/04/25.
4 Bijwerkingencentrum Lareb > Geneesmiddelengebruik rondom de zwangerschap, consulté le 01/04/2025.
5 Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes, Le CRAT, consulté le 01/04/25.

6 Briggs, Gerald, G. et al. Briggs Drugs in Pregnancy and Lactation. Available from: Wolters Kluwer, (12th Edition). Wolters Kluwer Health, 2021.
7 Le Revue Prescrire, Nausées ou vomissements bénins liés à une grossesse, aout 2024, consulté le 01/04/25.
8 Huybrechts, K.F., S. Hernandez-Diaz, L. Straub, K.J. Gray, Y. Zhu, E. Patorno, R.J. Desai, H. Mogun, and B.T. Bateman, Association of Maternal First-Trimester Ondansetron Use With CardiaMalformations and Oral Clefts in Offspring. JAMA, 2018. 320(23): p. 2429-2437. PMID: 30561479.
9 Lareb, Meclozine en andere antihistaminica bij misselijkheid tijdens de zwangerschap, consulté le 18/06/2025.
10 Lareb, Metoclopramide en andere dopamine antagonisten bij misselijkheid tijdens de zwangerschap, consulté le 18/06/2025.
11 Lareb, Ondansetron en andere serotonine antagonisten bij misselijkheid tijdens de zwangerschap, consulté le 18/06/2025.