Thérapeutique hormonale de substitution: l’effet cardio-protecteur n’est pas une indication


Abstract

Un effet protecteur de la thérapeutique hormonale de substitution vis-à-vis des affections cardio-vasculaires a été suggéré dans des études d’observation. On sait déjà depuis plusieurs années que des études randomisées chez des femmes avec des lésions coronariennes préexistantes, c’est-à-dire en prévention secondaire, n’ont pas confirmé un tel effet. Les résultats de la première étude randomisée sur l’effet cardio-protecteur de la thérapeutique hormonale de substitution chez des femmes ménopausées, en bonne santé, c’est-à-dire en prévention primaire, ne sont pas encourageants en ce qui concerne une association d’estrogènes conjugués et d’acétate de médroxyprogestérone chez les femmes non hystérectomisées: par rapport au placebo, le risque d’affections coronariennes était accru, surtout au cours de la première année, et après un suivi d’une durée moyenne de 5,2 ans, une augmentation du risque de carcinome mammaire a aussi été observée; la mortalité totale ne différait pas entre les deux groupes. Etant donné que les effets favorables sur le risque de fractures et de cancer colorectal ne contrebalançaient pas les risques, l’étude a été interrompue plus tôt que prévu. L’effet protecteur vis-à-vis des affections cardio-vasculaires n’est donc pas une indication pour la thérapeutique hormonale de substitution, ni en prévention primaire, ni en prévention secondaire. Les résultats de cette étude ne doivent pas être source de panique chez les femmes sous traitement hormonal de substitution, mais une réévaluation individuelle du rapport bénéfices/risques est recommandée.

Dans les Folia, l’attention a déjà été attirée à plusieurs reprises sur la thérapeutique hormonale de substitution, notamment sur la place d’un tel traitement dans la prévention des affections coronariennes [ Folia de janvier, juillet et novembre 1998]. Dans le Répertoire Commenté des Médicaments (édition 2001, p. 198), il est mentionné ce qui suit:

  • "Dans des études d’observation, la morbidité et la mortalité par accident cardio-vasculaire (surtout coronaire) étaient réduites chez des femmes qui prenaient des estrogènes (associés ou non à un progestatif) à titre substitutif après la ménopause. Par contre, des études randomisées sur la prévention secondaire des affections coronariennes (lésions coronariennes préexistantes) par des estrogènes conjugués et l’acétate de médroxyprogestérone n’ont pas confirmé un effet protecteur des estrogènes. En outre, le traitement était associé à une incidence accrue d’accidents thrombo-emboliques et d’affections de la vésicule biliaire. L’instauration d’une thérapeutique de substitution par des estrogènes n’est donc pas indiquée en présence de lésions coronariennes préexistantes. Dans l’attente des résultats d’études randomisées en prévention primaire (absence de pathologie coronarienne préexistante), la prévention des affections coronariennes n’est donc pas une indication.&quot

Récemment, ont été publiés les résultats de la première étude randomisée sur l’effet cardio-protecteur de la thérapeutique hormonale de substitution chez des femmes ménopausées en bonne santé, c’est-à-dire en prévention primaire (l’étude "Women’s Health Initiative&quot). Dans cette étude, 16.608 femmes (âgées de 50 à 79 ans) ont reçu

  • soit un placebo,
  • soit une association d’estrogènes conjugués (0,625 mg p.j.) et d’acétate de médroxyprogestérone (2,5 mg p.j.).

Les critères d’évaluation primaire étaient les affections coronariennes (à savoir infarctus du myocarde non fatals et mortalité cardiaque) et le cancer du sein invasif.

Le 31 mai 2002, le National Heart, Lung and Blood Institute aux Etats-Unis a décidé d’interrompre prématurément l’étude chez les femmes non hystérectomisées. La principale raison de cette décision a été la constatation après un suivi de 5,2 ans en moyenne, d’un risque accru de cancer du sein invasif dans le groupe sous traitement hormonal de substitution par rapport au groupe placebo: il a été calculé que pour 10.000 femmes sous ce type de traitement hormonal de substitution, 8 cas supplémentaires de cancer du sein seraient diagnostiqués par an. Un risque accru d’affections coronariennes a aussi été observé dans le groupe sous traitement hormonal de substitution, surtout au cours de la première année de traitement: 7 cas supplémentaires d’affections coronariennes pour 10.000 femmes par an. Pour certains critères d’évaluation secondaire, en particulier l’accident cérébro-vasculaire et l’embolie pulmonaire, un risque accru a également été observé. Le risque de cancer colorectal et de fractures était par contre plus faible dans le groupe sous traitement hormonal de substitution. La mortalité totale dans les deux groupes était comparable.

Bien que l’augmentation du risque de cancer du sein, d’affection coronarienne, d’accident cérébro-vasculaire et d’embolie pulmonaire dans la "Women’s Health Initiative&quot soit faible en chiffres absolus, les investigateurs ainsi que les auteurs d’un éditorial ayant trait à cette étude estiment qu’elle est toutefois inacceptable, d’autant plus qu’il s’agit d’une étude réalisée en prévention primaire, c’est-à-dire chez des femmes en bonne santé. Cette étude ne permet pas de tirer de conclusions sur d’autres schémas de substitution hormonale, mais d’après les auteurs de l’éditorial, il est peu probable que des résultats divergents soient obtenus avec d’autres schémas. Il faut toutefois faire remarquer que ces résultats ne peuvent pas être extrapolés aux femmes qui, en raison d’une hystérectomie, ne prennent que des estrogènes: l’étude "Women’s Health Initiative&quot chez ces femmes n’a pas été interrompue à ce jour.

D’après

  • Writing Group for the Womens’s Health Initiative Investigators. Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women. Principal results from the Women’s Health Initiative randomized controlled trial. JAMA 288 : 321-333(2002)
  • S.W. Fletcher en G.A. Colditz.: Failure of estrogen plus progestin therapy for prevention. JAMA 288 : 366-368(2002)

Note de la rédaction

L’effet protecteur vis-à-vis des affections cardio-vasculaires n’est pas une indication acceptable de la thérapeutique hormonale de substitution, ni en prévention primaire, ni en prévention secondaire. Qu’en est-il des indications dans le soulagement des symptômes de la ménopause et la prévention de l’ostéoporose ? Lors d’un traitement à court terme dans le but de soulager les symptômes de la ménopause, il faut tenir compte du fait que dans l’étude mentionnée plus haut, le risque d’affections coronariennes était déjà, et même surtout, accru lors de la première année de traitement. L’usage de la thérapeutique hormonale de substitution en prévention de l’ostéoporose doit faire l’objet d’une réévaluation critique.