Médicaments et allaitement



Abstract
Dans cet article, nous attirons à nouveau l’attention sur l’utilisation de médicaments chez les femmes qui allaitent. La description dans le Lancet du cas d’un jeune enfant décédé probablement suite à la prise par la mère d’une préparation à base de codéine (en association avec du paracétamol) souligne une fois encore combien il est important de suivre de près l’enfant quant à l’apparition d’effets indésirables.

L’attention a déjà été attirée dans les Folia de janvier 2001 et de décembre 2005 sur l’utilisation de médicaments chez les femmes qui allaitent. A la suite d’une publication récente et d’une question que nous avons reçue récemment, nous revenons sur le sujet.


Allaitement et analgésiques

Le Lancet [2006; 368: 704] a rapporté récemment le cas d’un enfant nourri au sein décédé probablement suite à l’utilisation par la mère d’une préparation à base de codéine (en association avec du paracétamol). La mère avait commencé ce traitement juste après l’accouchement, avec le premier jour une prise de 120 mg de codéine. En raison de la survenue de constipation et de somnolence chez la mère, la dose avait ensuite été diminuée à 60 mg par jour pendant 14 jours. A partir du septième jour après la naissance, l’enfant a présenté des problèmes lors de l’allaitement et de la léthargie; 5 jours plus tard, il était gris et buvait moins, et le 13ème jour, il a été retrouvé mort. Les concentrations plasmatiques en morphine chez l’enfant étaient de 70 ng/ml.

La codéine est une prodrogue qui est transformée partiellement dans l’organisme en morphine responsable de l’effet antalgique. En règle générale, on observe chez les enfants nourris au sein dont la mère prend une préparation à base codéine une concentration plasmatique en morphine de 0 à 2,2 ng/ml. La détermination ultérieure du génotype a montré que la mère est un métaboliseur ultrapide pour le CYP2D6, l’enzyme impliquée dans la transformation de codéine en morphine: chez les métaboliseurs ultrapides, un pourcentage beaucoup plus important de codéine est transformé en morphine [voir aussi Folia d’ août 2003 à propos du polymorphisme génétique.]. Dans nos régions, la prévalence de métaboliseurs ultrapides serait de 1 à 3%. Parmi les substrats du CYP2D6 mentionnés dans l’ Introduction du Répertoire Commenté des Médicaments, la codéine est la seule prodrogue. Les autres substrats seront, chez les métaboliseurs ultrapides, inactivés plus rapidement, et donc peut-être moins efficaces.

Dans l’article "Analgésiques et allaitement" paru dans les Folia de décembre 2005 , nous avions mentionné que la codéine et la morphine semblent poser peu de problèmes en cas de traitement de courte durée, mais qu’il est important de suivre l’enfant de près quant à l’apparition d’effets indésirables, certainement lorsqu’il s’agit p. ex. d’un traitement de longue durée. C’est certainement le cas pendant les premières semaines de vie, lorsque les fonctions hépatiques et rénales de l’enfant ne sont pas encore complètement développées.


Allaitement et anti-épileptiques

Une dame traitée par la phénytoïne et la carbamazépine en raison d’épilepsie nous a récemment demandé si elle pouvait allaiter son enfant; elle avait reçu des avis contradictoires à ce sujet. D’après les manuels classiques [Drugs in Pregnancy and Lactation (Briggs GG et al., 7ème éd.); Martindale 34ème éd.] et d’après l’American Academy of Pediatrics, une femme qui prend ces médicaments à des doses thérapeutiques peut allaiter. Dans ce cas-ci à nouveau, il est important que l’enfant soit suivi quant à l’apparition d’effets indésirables.