Récemment, deux études internationales, randomisées, en double aveugle, sur l’utilisation d’antithrombotiques dans la prévention secondaire des accidents vasculaires cérébraux ischémiques (AVC) chez les patients ne présentant pas de fibrillation auriculaire ont été publiées: l’étude NAVIGATE ESUS et l’étude POINT.
L’étude NAVIGATE ESUS1, menée auprès d’environ 7.200 patients ayant eu un AVC ischémique récent de cause indéterminée (AVC cryptogénique: pas de fibrillation auriculaire, pas de forme sévère d’athérosclérose carotidienne extracrânienne ou intracrânienne), a évalué si le rivaroxaban (15 mg p.j.) représentait un bénéfice par rapport à l’acide acétylsalicylique (AAS; 100 mg p.j.). Le traitement médicamenteux a été initié 7 jours à 6 mois après l’accident. Après un suivi médian de 11 mois, l’étude a été prématurément interrompue en raison d’une incidence accrue d’hémorragies majeures (y compris des hémorragies intracrâniennes) dans le groupe traité au rivoraxaban (1,8%/an contre 0,7%/an; NNH = 91; risque relatif de 2,75; IC à 95% 1,68 à 4,39), alors qu’il n’y avait aucun bénéfice en termes d’apparition du critère d’évaluation primaire, à savoir la récidive de l’AVC (environ 5%/an dans chaque groupe).
Commentaire du CBIP. Comme mentionné dans la Fiche de transparence “AVC: prévention secondaire”, l’AAS constitue le premier choix en prévention secondaire d’AVC chez les patients ne présentant pas de FA ni de valvulopathie. Les anticoagulants ne sont pas justifiés dans cette situation. On connaissait déjà le rapport bénéfice/risque négatif des antagonistes de la vitamine K, et il ressort de l’étude NAVIGATE-ESUS que c’est désormais également le cas pour le rivaroxaban. Il semble logique que les autres anticoagulants oraux directs (AOD) ne devraient pas non plus être utilisés dans cette indication, à moins qu’à l’avenir il soit démontré que leur rapport bénéfice/risque est positif.
L’étude POINT2, menée auprès d’environ 5.000 patients qui venaient d’avoir un AIT à haut risque (c.-à-d. à haut risque d’AVC) ou un AVC ischémique mineur en dehors du cadre de fibrillation auriculaire, a évalué si l’association de clopidogrel (600 mg le 1er jour, suivi de 75 mg p.j.) + AAS (50 à 325 mg p.j. selon la préférence du médecin traitant) représentait un bénéfice par rapport à l’AAS en monothérapie (50 à 325 mg p.j.). Le traitement médicamenteux était initié dans les 12 heures après l’accident. Après une période de 90 jours, le nombre d’accidents ischémiques majeurs était moins élevé dans le groupe traité par l’association, par rapport au groupe traité par AAS (5% contre 6,5%; NNT = 67; risque relatif de 0,75; IC à 95% 0,59 à 0,95), s’expliquant principalement par une baisse du nombre d’AVC ischémiques. L’incidence d’hémorragies majeures (surtout des hémorragies systémiques extracrâniennes non fatales) était toutefois plus élevée avec l’association qu’avec la monothérapie par AAS (0,9% contre 0,4%; NNH = 200 ; risque relatif de 2,32; IC à 95% 1,10 à 4,87). L’étude a été interrompue prématurément parce que la valeur seuil prédéfinie pour arrêter l’étude (nombre d’hémorragies majeures) avait été dépassée.
Le bénéfice de l’association en termes de diminution du nombre d’accidents ischémiques se manifestait dans les 30 premiers jours du traitement, alors que le risque d’hémorragies majeures avait augmenté dès le jour 8 jusqu’au jour 90. D’après les auteurs de l’éditorial s’y rapportant3 , l’association de clopidogrel + AAS pourrait donc être envisagée, chez les patients répondant aux critères d’inclusion de l’étude POINT, pendant les trois premières semaines après l’accident, en passant ensuite à une monothérapie par AAS. Dans l’étude POINT, il s’agissait toutefois d’une population sélectionnée (excluant notamment les patients atteints de FA, d’une athérosclérose intracrânienne sévère ou d’une maladie de l'artère carotide sévère, ainsi que les patients présentant un risque accru d’hémorragies), ayant subi un suivi rigoureux et présentant une bonne observance thérapeutique.
Commentaire du CBIP. Comme mentionné dans la Fiche de transparence “AVC: prévention secondaire”, l’AAS constitue le premier choix en prévention secondaire d’AVC chez les patients ne présentant pas de FA ni de valvulopathie. La plus-value de l’association de clopidogrel + AAS n’est pas encore suffisamment prouvé pour l’instant. La suggestion dans l’éditorial d’utiliser l’association pendant les trois premières semaines puis d’enchaîner sur une monothérapie par AAS, mérite une évaluation plus approfondie mais ne peut pas encore être admise sur la base de cette étude.