Communiqué du Centre de Pharmacovigilance
Quinolones et atteintes valvulaires cardiaques et de l’aorte

Notifier en ligne ou PDF pour la notification de suspicions d’effets indésirables

Les Folia d'octobre 2018 mentionnent la possibilité d’atteintes de l’aorte (anévrisme et dissection) en cas de traitement par une quinolone. Ce risque possible, en particulier chez les personnes âgées, est déjà mentionné dans le RCP.
Depuis peu, il y a également un signal d’atteintes valvulaires : il y a eu un certain nombre de rapports d'insuffisance et de régurgitation des valves cardiaques pour lesquels une relation causale est considérée au moins comme « possible », et dans une étude observationnelle (2019)1, le risque de régurgitation valvulaire mitrale et aortique était environ deux fois plus élevé chez les patients traités par une quinolone que chez les patients qui prenaient de l’amoxicilline ou de l’azithromycine.
Les atteintes des valves cardiaques et de l’aorte pourraient être liées à une atteinte du collagène par la quinolone (ce même mécanisme interviendrait aussi dans le risque de tendinite).
 
Le Comité de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a évalué l’ensemble des données disponibles sur les quinolones et le risque d'atteintes aortiques et valvulaires (régurgitation et insuffisance). Le PRAC conclut que les avertissements concernant les atteintes de l’aorte doivent être renforcés et qu'un avertissement doit être émis concernant un risque possible d’atteintes valvulaires.2
  • Une mise à jour du RCP et de la notice des médicaments contenant une quinolone à usage systémique est nécessaire.

    • Ajout du risque possible de régurgitation ou d’insuffisance des valves cardiaques.

    • Ajout de facteurs de risque possibles qui rendraient le positionnement des quinolones plus limité dans ces cas : entre autres la présence d’une maladie valvulaire congénitale, certains troubles du tissu conjonctif, syndrome de Turner, arthrite rhumatoïde, endocardite infectieuse, hypertension, prise de corticostéroïdes.

    • Nécessité de bien évaluer le rapport bénéfice/risque avant d’initier le traitement, et d’envisager d’autres options thérapeutiques en cas de présence des facteurs de risque précités.

    • Nécessité de consulter un médecin en cas de symptômes pouvant être liés à une atteinte valvulaire : dyspnée, palpitations, œdème abdominal ou des membres inférieurs.

  • Une lettre aux professionnels de la santé (DHPC, Direct Healthcare Professional Communication) sera envoyée.

Il est important de notifier au Centre Belge de Pharmacovigilance toute suspicion de cas d’atteintes valvulaires et de l’aorte par une quinolone. Cela peut se faire via notifieruneffetindesirable.be.

Note

Deux études observationnelles récentes, publiées le 8 septembre dans JAMA Internal Medicine3, 4, ne viennent pas renforcer le signal d’anévrisme et de dissection de l’aorte par les quinolones. La première étude n’a pas montré d’incidence accrue d’anévrisme et de dissection de l’aorte avec les quinolones par rapport à d’autres classes d’antibiotiques. L’autre étude a montré une légère augmentation de l’incidence d’anévrisme et de dissection de l’aorte avec les quinolones, en comparaison avec l’azithromycine, en cas d’utilisation dans la pneumonie, mais pas en comparaison avec le co-trimoxazole en cas d’utilisation dans les infections urinaires. Selon les auteurs d’un éditorial associé, un lien de causalité clair reste non prouvé5. Vu leur publication récente, ces études n’ont pas été incluses dans l’évaluation du PRAC.


Commentaire du CBIP

Le renforcement du signal des atteintes de l’aorte (même s’il reste indispensable de le justifier par plus de données) et le nouveau signal des atteintes valvulaires avec les quinolones renforcent la position du CBIP dans la section  « Positionnement » du Répertoire (chapitre 11.1.5.) : « En raison du développement rapide de résistance, des effets indésirables parfois très invalidants [voir Folia de décembre 2018] et du signal d’atteintes aortiques et des valves cardiaques [voir Folia de novembre 2020], il est important de limiter l'utilisation des quinolones. Dans les infections graves, les quinolones sont souvent la seule alternative orale aux antibiotiques intraveineux. En posant les indications de manière restrictive et stricte (comme recommandé par BAPCOC), les bénéfices des quinolones l’emportent néanmoins sur les risques. »


Sources spécifiques

1.  Etminan M, Sodhi M, Ganjizadeh-Zavareh S et al. Oral Fluoroquinolones and Risk of Mitral and Aortic Regurgitation, J Am Coll Cardiol 2019;74:1444-50 (DOI:10.1016/j.jacc.2019.07.035)
2.  Recommandation du PRAC via https://www.ema.europa.eu/en/documents/prac-recommendation/prac-recommendations-signals-adopted-31-august-3-september-2020-prac-meeting_en.pdf​. DHPC "Antibiotiques de type fluoroquinolone systémiques et inhalées – risque de régurgitation / insuffisance valvulaire cardiaque" via https://www.ophaco.org/wp-content/uploads/2020/10/DHPC-fluroquinolones-FR-02102020_clean.pdf​
3.  Dong Y-H, Chang C-H, Wang J-L et al. Association of Infections and Use of Fluoroquinolones With the Risk of Aortic Aneurysm or Aortic Dissection. JAMA Internal Medicine, online op 8 september (doi: 10.1001/jamainternmed.2020.4192)
4.  Gopalakrishnan C, Bykov K, Fischer MA. Association of Fluoroquinolones With the Risk of Aortic Aneurysm or Aortic Dissection. JAMA Internal Medicine, online op 8 september (doi:10.1001/jamainternmed.2020.4199)
5.  DeGette RL en Grant RW. Observational Study Design Challenges—The Case of Fluoroquinolones and Aortic Disease. JAMA Internal Medicine, online op 8 september (doi:10.1001/jamainternmed.2020.4191)